U

Ü

0. — Les philosophes ont seulement interprété différemment l’être, il importe de le transformer.

1. — La praxis a la puissance de produire un renversement de l’être.

1.1 — La praxis s’entend comme une action qui se discerne elle-même et qui perçoit la force transformatrice de son agir dans l’être.

1.11 — L’ontologie ne peut résider qu’au niveau de l’action. L’être n’est pas abstraitement.

1.111 — L’être n’est pas l’être en tant qu’être, mais en tant que devenir.

1.1111 — L’être est sujet de la seule physique, même si elle aime à se cacher.

1.1112 — L’être se situe dans la matière et dans les mystères énergiques de la matière.

1.1113 — Le mode d’être est la manière d’être dans l’être, et le mode d’être de l’être est la dialectique en soi.

1.11131 — La dialectique dans l’être est un agir de l’être dans l’être.

1.11132 — La dialectique dans l’être est productrice de l’espace de l’être.

1.1114 — Tout être en tant qu’étant reproduit la dialectique motrice de l’être pour devenir à son tour dans le devenir lui-même.

1.1115 — Le devenir est une intrication de devenirs, pris dans leurs dialectiques réciproques.

1.112 — Il n’y a pas d’être en tant qu’étant qui ne soit acteur en tant qu’agissant.

1.113 — Le non-être est, parce que le non-être est une contingence du devenir.

1.1131 — Le non-être peut être, donc il est.

1.1132 — Le non-être participe à l’être. Le non-être est un mode d’être dans l’être.

1.12 — L’être vit, devient et déploie son action dans le réel qu’il compose.

1.121 — Il n’existe pas d’une part l’être du sujet, l’être de l’objet, et l’être de l’être. Il n’existe qu’une spatialité de l’être où la fluidité des étants s’entremêle dans une même production de leur spatialité à venir.

1.1211 — Le réel est cet espace fluide du devenir.

1.1212 — Le réel a toujours la forme de ce qu’il n’est pas encore devenu, puisque le réel est une puissance de lui-même.

1.1213 — Le réel n’est pas la totalité de l’être, mais il est la totalité de sa matérialité baryonique.

1.1214 — Au-delà du réel, il existe encore l’espace de l’être qui continue de se situer dans la physique.

1.12141 — La physique est un espace qui croît.

1.12142 — Le temps est une dimension subjective figée de l’espace en tant que connaissance de celui-ci, et l’espace est l’être en extension où la dynamique de la physique est la physique, c’est-à-dire que la matière est une dynamique de ce qui est en tant que ce qui devient.

1.12143 — Rien n’existe au-delà de la physique.

1.12144 — La métaphysique n’existe pas en tant qu’espace. La métaphysique existe en tant que temps du savoir. La métaphysique est une étape de la dialectique d’une raison qui s’éveille à ce qu’est la physique. La métaphysique ne doit plus être un discours de la transcendance de la physique, mais doit devenir un discours de la réflexivité de la physique.

1.122 — L’humain s’inscrit dans le vivant, sans pouvoir se contenter de son mode d’être.

1.1221 — Le vivant se définit par une autonomie interactive au sein de la production spatiale de l’être.

1.1222 — Le vivant n’est qu’une tournure matérielle de l’être.

1.123 — L’humain doit décentrer son mode d’être et le confondre à ce qui se présente à lui, à ce qui ne se présente pas à lui et à ce qui peut à la fois se présenter à lui et ne jamais se présenter à lui.

1.1231 — L’humain est une puissance de la dialectique avec son environnement.

1.124 — L’humain doit enrichir sa praxis de tout ce qui se mêle à son devenir.

1.13 — Toute action est, indépendamment de son acteur.

1.131 — Tout est action, indépendamment de ce qui la détermine.

1.2 — La praxis regroupe potentiellement la totalité de l’activité humaine.

1.21 — La praxis va de la théorie à la création, en passant par la plus simple action.

1.211 — La praxis ne se place pas en opposition à la théorie ou à la création.

1.2111 — Ni action, ni création, ni théorie, entendues dans leur singularité propre, la praxis est tout à la fois.

1.21111 — La praxis est au monde, puisqu’elle n’est qu’une dialectique transformatrice du monde.

1.2112 — La confusion de la nature de l’action, de la création et de la théorie dans la praxis ouvre une compréhension affirmant que leur mode d’être, indépendamment de leur élément causal, fabrique une dialectique interne à l’être lui-même.

1.2113 — La négation de la distinction entre action, création et théorie correspond à l’affirmation de leur contingence commune, propre à modifier l’espace ontologique de leur avènement.

1.2114 — Toute praxis est une action qui place l’humain face à la responsabilité de son devenir.

1.212 — La théorie ou la création est tout autant une action que l’action elle-même.

1.213 — Le fait de penser ou de créer est qualifié par le langage courant d’acte de penser ou d’acte de créer.

1.214 — Penser est une action du corps, créer l’est tout autant, comme l’est un licenciement, une révolution ou le fait de s’alimenter.

1.2141 — La pensée est une praxis, par conséquent, une pensée qui se voudrait non pratique serait une pensée qui se voudrait non-pensée.

1.22 — Il ne peut pas être envisagé une action, qu’elle se place à un niveau industriel, intellectuel, voire physiologique, sans que cette action ne se réfère à la dynamique même du vivant.

1.3 — La théorie est l’action qui se projette au-devant d’elle-même dans la contemplation de la contingence de son devenir.

1.31 — La théorie est l’action de contempler l’action, elle est le mouvement qui s’en retourne à lui-même, et par conséquent, la théorie est l’action en elle-même.

1.311 — La raison qui tente ici de se faire théorie est avant tout une praxis qui tente de se défaire de ce que cette raison définit comme théorie.

1.3111 — La raison ne triomphera pratiquement d’elle-même que lorsqu’elle placera action, création et théorie sur un même plan, au-delà de toute langue, contingente et éphémère, dans le seul langage de la praxis.

1.3112 — La raison se construit comme le vecteur d’une circulation qui lie le sujet au réel.

1.3113 — Limiter la raison à la langue limite le champ de perception du réel.

1.4 — La création est l’action qui va au réarrangement de la spatialité de son devenir.

1.41 — La création se porte à son environnement comme une potentialité transformatrice de celui-ci.

1.411 — La création est une action transmuant l’environnement de son avènement.

1.412 — La création peut renverser complètement la forme qui la détermine.

1.413 — La création, qui renverse la forme qui la détermine, revient sur les conditions de son avènement, et ainsi sur sa dynamique ontologique.

1.414 — La création, qui renverse la forme qui la détermine, est une action régénératrice de l’être.

1.4141 — La création humaine se donne comme une action transformatrice de l’humain lui-même, en ce qu’elle transforme son action.

1.42 — La création s’inscrit, tout autant que l’action ou la théorie, dans une indistinction avec l’action et la théorie.

1.5 — Il ne s’agit plus simplement de faire évoluer l’action, mais de faire en sorte que l’action puisse faire évoluer l’espace de son propre devenir.

1.51 — L’action peuple l’espace où elle se déploie, et l’espace acquiert la forme de l’action.

1.511 — Peupler l’espace revient non seulement à être dans l’espace, mais à être l’espace.

1.6 — La praxis, consciente de ses capacités de transformer son cadre ontologique, mène à ce que nous qualifions de poïèsis révolutionnaire.

1.61 — La poïèsis révolutionnaire, riche d’une indistinction entre théorie et création, enclenche les capacités transformatrices intrinsèques à l’espace de son devenir dans le devenir lui-même, c’est-à-dire dans l’être.

1.62 — En transformant les conditions ontologiques de son déploiement, la poïèsis révolutionnaire est une force de renversement des structures qui cloisonnent la connaissance qu’une époque peut avoir d’elle-même.

1.63 — Toute activité humaine se subsume à la catégorie actionnelle de la praxis.

1.631 — C’est du substrat de la praxis qu’il faut se saisir politiquement pour chercher à renverser l’idéologie qui enserre le mode d’être de l’action humaine, et conséquemment le mode d’être de l’humain lui-même.

1.632 — Toute activité humaine, consciente de ses capacités créatrices, peut faire acte de révolution des conditions d’avènement de toute activité humaine.

1.633 — Toute activité humaine a la potentialité de ne plus pouvoir être ce qu’elle est, mais de pouvoir être totalement autre.

2. — L’idéologie est un système d’idées se servant du langage pour restreindre le réel à une vérité imposée.

2.1 — La vérité du langage est l’idéologie qui la meut.

2.11 — L’idéologie est un langage au cœur du langage qui enclot le savoir sur lui-même.

2.111 — La langue n’est qu’une des manifestations idéologiques du langage.

2.1111 — Le langage est une production systémique d’images structurant les rapports sociaux dans l’être.

2.1112 — La production d’images intermédiantes par le langage sert à transcrire les perceptions de l’être dans l’être lui-même.

2.112 — L’image du corps est l’élément langagier le plus agissant sur la restriction du réel.

2.113 — L’image offre à l’idéologie une plasticité de la restriction.

2.1131 — La langue est l’image en tant que représentation du réel accessible directement par la raison.

2.1132 — Manipuler la langue revient à manipuler l’image du réel qui s’offre à la raison.

2.1133 — La langue montre, elle est une direction, tandis que le langage infuse, il est une atmosphère.

2.114 — Chaque humain s’adapte au langage idéologique pour restreindre inconsciemment ses capacités à être avec autonomie.

2.1141 — L’idéologie se sert du langage du fait de sa flexibilité adaptable à chaque champ imaginaire.

2.1142 — Le champ imaginaire, c’est-à-dire la capacité de l’humain à produire des images comme cadre de son devenir propre, est la cible de toute idéologie.

2.1143 — Le champ imaginaire est toujours une production mouvante, qui se situe entre l’humain pris dans sa granularité et les capacités du groupe à produire et partager collectivement des images.

2.1144 — Modeler le champ imaginaire de l’humain revient à modeler sa capacité même à se projeter dans le réel, au-delà de ce qui est dans le cadre idéologique dominant.

2.1145 — En modelant le champ imaginaire de l’humain, l’idéologie l’oriente vers un devenir unique et imposé, servant l’intérêt de ceux qui en usent.

2.1146 — La restriction du champ imaginaire de l’humain est une restriction indirecte des contingences de l’être.

2.12 — L’emploi du terme idéologie relève de l’idéologie elle-même, s’il ne cherche pas sa déconstruction.

2.121 — La langue qui use du terme idéologie est à inscrire le plus souvent dans l’appareil langagier de l’ennemi politique, comme un usage qui tente de restreindre les capacités de libération du champ imaginaire.

2.122 — Tout emploi du terme idéologie nécessite la déconstruction du motif de son emploi, afin d’en séparer le masque sémantique de sa puissance révélatrice des rouages qui meuvent la configuration dominante et restrictive du savoir.

2.123 — Aucun emploi du terme idéologie ne doit être accepté sans la compréhension de ce qui incite à son usage, y compris l’emploi que nous en faisons ici.

2.1231 — Tout emploi du terme idéologie doit être analysé à partir du discours depuis lequel il est émis, et il s’avère nécessaire de connaître la dominance de ce discours dans la structuration de la société.

2.13 — L’idéologie est l’instrument d’imposition de la vérité, puisque l’idéologie est un instrument de domination par le langage.

2.131 — La vérité est l’imposition d’une vérité.

2.1311 — Une vérité n’est qu’une perspective dialectique sur le réel. Nous qualifions son instant de réalité.

2.1312 — La vérité est toujours un régime de savoir.

2.1313 — C’est dans l’espace qui se situe entre le réel et la vérité que doit venir s’insinuer la praxis, comme instrument de déconstruction de la vérité.

2.132 — Le langage doit chercher sa vérité comme une vérité, s’il souhaite entendre l’idéologie qui l’anime.

2.1321 — La multiplication des perspectives sur le réel décloisonne la vérité.

2.1322 — La vérité en tant que régime absolutiste du savoir doit être combattue par la révélation du relativisme de son emploi. Celui-ci s’avère exclusivement politique et ne sert que les intérêts variables des catégories sociales dominantes ayant les capacités d’établir un savoir comme régime de savoir.

2.1323 — Un régime de savoir s’entend par la fixité qu’il s’impose à lui-même. L’autorité de cette fixité est un indicateur de la nature politique du pouvoir dominant.

2.1324 — Un savoir ne peut être contraint à aucune fixité. Il est un devenir de la raison cherchant à comprendre la mécanique de son propre devenir.

2.2 — L’idéologie est l’œillère qui sert les velléités des dominants.

2.21 — La restriction du réel à une vérité imposée ne peut être que le fait de ceux qui possèdent le pouvoir de l’imposer, au sein d’une société, au sein d’une classe ou, à plus petite échelle, au sein d’un groupe social.

2.22 — Les dominants, par l’emploi de l’idéologie, font la promotion de leur seul devenir, qui doit s’entendre comme devenir seul, servant leur épanouissement unique dans l’être.

2.221 — Les dominants ne visent que leur propre épanouissement dans l’être par la seule revendication d’une hiérarchie sociale, quelle que soit la nature structurelle de leur groupement.

2.222 — L’épanouissement dans l’être des dominés est un empêchement de l’action de domination des dominants, et cet empêchement doit être à son tour empêché si le groupe dominant souhaite conserver à terme son hégémonie.

2.3 — L’idéologie est un idéalisme du langage qui cherche à dominer.

2.31 — Tout idéalisme obstrue le réel par une volonté d’y adjoindre une restriction de son entendement limité à l’esprit.

2.311 — Se limiter à l’esprit revient toujours à se limiter à l’esprit tel qu’il est énoncé par l’idéalisme, sans tenir compte de sa contingence à être autrement.

2.32 — La réalité de l’idéalisme limite le réel à la seule capacité de se le représenter.

2.321 — L’idéalisme n’établit qu’un unique accès à l’être par l’intermédiaire des capacités de représentation de l’esprit.

2.322 — L’idéalisme se représente lui-même comme une illusion qui tente de masquer l’angoisse de la finitude humaine face aux incompréhensions d’une nature au devenir insaisissable et indépendant de l’action même.

2.323 — L’idéologie se sert de ce rapport unique entre l’abstraction de l’être et celle de la pensée pour affirmer l’imposition de son régime de savoir.

2.324 — Il est nécessaire de penser le non-représentable comme évasion de l’ensemble indépassable que tente de consolider l’idéologie. Cette pensée doit demeurer elle-même non-représentation.

2.33 — La théorie devient de la sorte un instrument de l’idéologie qui essaie d’imposer une déformation vraie du réel dans le but de contenir l’action des dominés à un espace restreint, utile aux seuls intérêts de l’action propre des classes dominantes.

2.331 — Une théorie, qui se contenterait de n’être que théorique, de n’évoluer que dans les sphères éthérées que goûteraient quelques privilégiés repus d’abstractions, resterait invariablement un outil idéologique déconnecté de sa nature actionnelle.

2.332 — La seule théorie acceptable est celle qui ne se distingue pas de la praxis, mais qui s’y incorpore inextricablement et qui œuvre à l’augmentation de la potentialité agissante du vivant.

2.3321 — La praxis théorique ne peut se représenter que comme une théorie issue démocratiquement de la multitude agissante, dont le savoir substantiel demeure à la disposition de la totalité de cette multitude agissante dans le but d’accroître possiblement sa puissance d’action.

2.3322 — La théorie, entendue comme praxis, se fait action transformatrice de l’action. Elle est une intelligence de la transmutation de l’action, de son adaptation à ce qui se présente à elle, à sa façon de pousser à être un être agissant et devenant.

2.34 — L’idéalisme est une défaite de l’esprit face à la question de sa propre matérialité, et de la place de celle-ci dans le réel. L’idéalisme simplifie sa réalité à un rapport de l’être à la représentation de celui-ci par l’esprit, pour écarter les complexités du réel et de la physique qui le sous-tend.

2.341 — Le refus du tout physique de la matière, jusque dans les phénomènes sociaux et historiques, est le cœur idéologique de tout idéalisme.

2.342 — Le refus du tout mouvant de la matière, pris dans son constant devenir, jusque dans les phénomènes sociaux et historiques, est le cœur idéaliste de toute idéologie.

2.4 — La déconstruction de l’idéologie passe par l’affirmation du matérialisme historique afin d’établir les éléments qui conditionnent l’idéologie motrice du social.

2.41 — Le matérialisme historique offre une vision de la réalité sociale non à partir d’un quelconque idéalisme de l’appréhension du réel, mais depuis l’entendement des conséquences de l’enchevêtrement des rapports sociaux.

2.411 — Les rapports sociaux de la modernité ne sont animés que par un productivisme ne servant que l’idée d’un individu libre et possesseur de son environnement, c’est-à-dire que les rapports sociaux modernes ne sont animés que par les moyens de production eux-mêmes.

2.4111 — Les moyens de production ne doivent pas être appréhendés comme des choses abstraites, mais comme des phénomènes concrets produits par les humains, à partir de leurs besoins, et au service de leur asservissement à l’idéologie dominante.

2.412 — Les humains ne sont pas les produits des circonstances, ils ne sont pas même de quelconques produits, les humains sont des producteurs d’humains.

2.413 — L’imposition de l’idéologie à la multitude a lieu uniquement grâce à la malléabilité de son consentement.

2.4131 — Ce n’est pas simplement la multitude qui est contrainte par le joug d’une idéologie, mais c’est la multitude qui nourrit l’idéologie par son inconscience ontologique.

2.4132 — La passivité de la multitude est un refus de sa puissance à être, et ainsi de sa puissance à transformer l’être lui-même.

2.4133 — La praxis est le seul moyen de l’émancipation collective de la multitude.

2.414 — Il faut renverser la causalité établie dans le discours dominant sur la manière dont s’engendreraient les structures sociales pour révéler le cadre idéologique qui empêche l’autonomie de la multitude.

2.4141 — Les circonstances de l’histoire de la multitude sont déterminées systémiquement à partir d’une dépendance à sa volonté de soumission.

2.4142 — La multitude veut ne pas vouloir sa révolution.

2.4143 — La perception du renversement de la causalité qui anime le discours dominant est une brèche dans la passivité d’une multitude disjointe, séparée de la conscience d’elle-même, conscience qui pourrait conduire pourtant à l’inversion de sa volonté de soumission.

2.4144 — Une multitude volitive, consciente d’elle-même, par sa praxis, peut renverser son mode d’être et transformer l’espace de son devenir.

2.4145 — L’insoumission est l’étincelle de la praxis.

2.42 — L’idéologie permet de dissimuler la minorité dirigeante qui détermine les conditions du système producteur des circonstances historiques.

2.421 — L’idéologie se fait art des artifices en établissant un système qui masque les étapes intermédiaires de sa causalité, afin de suggérer une indépendance de la production systémique des conditions sociales de la vie humaine.

2.43 — Par la conscience du processus idéologique, l’humain peut ne plus être transformé par l’humain, mais l’humain peut transformer son humanité et commencer à composer une multitude autonome.

2.431 — Les perspectives sur le réel doivent être multipliées si l’on souhaite échapper à l’imposition de la vérité, et révéler la construction idéologique des situations sociales.

2.432 — L’humain est en possession d’une maîtrise de son environnement, qui présente une potentialité de déconstruction des hiérarchies l’enfermant en une passivité dépendante de l’idéologie dominante.

2.4321 — Une situation sociale ne se subit pas parce qu’elle est, une situation sociale se subit parce qu’elle est imposée.

2.4322 — Il importe à ceux qui imposent les situations sociales, et en tirent un profit personnel, de masquer la construction dirigée de ces mêmes situations.

2.433 — Doit être envisagé un dépassement de l’idée d’individu, cette granularité sociale en tant qu’élément paradigmatique qui structure l’idéologie moderne, pour dépasser l’enclos de la modernité.

2.4331 — La modernité est un régime de savoir où tout se concentre autour d’un individu à la volonté dite libre.

2.4332 — La volonté individuelle libre de la modernité se contente d’une simple passivité de l’avoir, c’est-à-dire d’une puissance d’accaparement qui fait simulacre de l’être.

2.4333 — Toute transformation causée par l’individu ne peut entraîner, dans le cadre du régime de savoir de la modernité, qu’un accroissement de la capacité possessive exclusive de son environnement.

2.4334 — La négation du primat groupal, par la considération de l’individu comme granularité, se propage dans la conception libérale de la citoyenneté et ameute les individus-citoyens en une société bourgeoise.

2.43341 — La négation du primat groupal a pour substance la discrimination : discrimination externe qu’opère la citoyenneté envers ce qui n’est pas citoyen, mais aussi discrimination interne qui fait distinction entre les individus, ces entités granulaires.

2.43342 — Pour l’individu-citoyen, sa classe est l’espace fini de sa citoyenneté, son monde devant être l’espace fini de ce qui doit être.

2.43343 — Le compartimentage du social en classes sociales est fonction de la manière dont les pratiques existentielles individuelles protègent et favorisent la hiérarchie motrice de la société bourgeoise, qui renferme chacun en sa subjectivité et oppose chacun à la subjectivité de l’autre.

2.43344 — Seule une conscience de l’illusion idéologique que compose une finitude des classes sociales permet de briser tous les déterminismes de cette illusion.

2.434 — Le possible dépassement de l’individu ne s’examine qu’à partir d’un matérialisme historique qui fait primer le groupe social sur l’idéal d’une quelconque abstraction, et met de telle façon en exergue la prévalence des phénomènes sociaux dans la compréhension de notre réalité.

3. — Le sujet réticulaire compose l’avenir d’une multitude consciente d’elle-même et agissante avec autonomie dans son espace ontologique.

3.1 — Le sujet moderne, humain et individuel, nécessite un décentrement en une forme groupale tant humaine que non humaine. Ce décentrement vers un sujet pluriel et mouvant, nous le nommons sujet réticulaire.

3.11 — La mise en exergue du fait que toute pensée individuelle s’organise à partir d’une dialectique matérialiste démontre que toute pensée est avant tout un phénomène pluriel et dynamique.

3.111 — Le sujet réticulaire se façonne à partir d’un réseau de pensées interindividuelles, en tant que pensées réticulaires et mouvantes, dynamisant les phénomènes sociaux entre eux.

3.112 — Les phénomènes sociaux se traversent les uns les autres en laissant la trace de leur passage dans l’inconscient collectif que l’ensemble des phénomènes sociaux construit.

3.113 — L’organisation d’une pensée réticulaire révèle l’illusion de la constitution d’une pensée moderne basée sur l’autonomie individuelle.

3.114 — L’autonomie ne peut être qu’une caractéristique de la pluralité, elle ne peut s’envisager dans l’incohérence d’un détachement des interactions sociales et biologiques.

3.1141 — N’importe quel élément du réel s’inscrit nécessairement dans un réseau de causalités physiques.

3.1142 — N’importe quel élément de la réalité sociale s’inscrit nécessairement dans un réseau de causalités sociales.

3.1143 — Un réseau d’interactions causales consiste en un ensemble de circulations où les causes et les effets se confondent du fait de leur constante dynamique.

3.12 — Le nœud dialectique de la modernité se conçoit dans l’opposition entre la volonté de domination individuelle et l’agrégat d’individus qui subit cette subjectivité dominatrice.

3.121 — La modernité correspond à un amoncellement de groupes humains, ne voulant pas se saisir de leur subjectivité groupale et ainsi de leur puissance d’action plurielle.

3.1211 — Les groupes humains modernes sont composés d’individus mus par une volonté égoïste de domination sur ce qui se trouve extérieur à leur subjectivité individuelle.

3.122 — La réalité de la modernité est une limitation du réel à la subjectivité individuelle.

3.1221 — La modernité s’est construite sur une vision tronquée du réel qui le clôt en l’action individuelle. La modernité est ainsi devenue une pratique solipsiste, inconsciente même des dimensions ontologiques de son renfermement.

3.1222 — La modernité doit être vue comme une réaction limitant la transformation du sujet aux seuls contentements de l’individu.

3.123 — Il faut non seulement élever l’observation à un niveau groupal, mais y réintroduire la question de la subjectivité.

3.1231 — Laisser un groupe sans capacité subjective propre, si ce n’est celle des subjectivités individuelles, perpétue la figure du sujet individuel, terré dans son angoisse existentielle, par le fait même de son égocentrisme opaque qui l’empêche de percevoir une quelconque traversée de son horizon ontologique.

3.1232 — Attaquer toute forme d’idéalisme revient à attaquer indirectement cette question de la granularité sociale en la plaçant au cœur d’un réseau d’interactions indépassable par le seul individu.

3.124 — Le matérialisme doit être compris dans une globalité subjective, puisque la seule vision objective finirait inévitablement en une dénaturation d’un sujet social et pluriel et correspondrait à une trahison interne à la multitude.

3.125 — Ne pas étendre la subjectivité à la multitude revient à la condamner à une impossible insoumission, c’est-à-dire à n’accorder qu’aux forces modernes et réactionnaires, celles qui meuvent les intérêts individuels dominants, la maîtrise des potentialités du sujet.

3.13 — Il s’agit de transformer le sujet pour le joindre à l’objet, dans une interpénétration fluide de leur identité, de ne plus dire je, mais nous, d’affirmer l’agimus au détriment de toute forme du cogito, et de confondre ainsi subjectivité et objectivité au sein même de la praxis, cette pratique qui se veut critique et ontologique, discernement de l’être en tant que force agissante, transformatrice d’elle-même et de l’espace de son devenir.

3.2 — La praxis du sujet réticulaire met en évidence une réalité de la physique : la permanence de sa dynamique autorégulatrice.

3.21 — La physique est en soi un phénomène non individuel, et la praxis du sujet réticulaire s’y adjoint, tout en se dissociant du cloisonnement des mécaniques individuantes du vouloir.

3.22 — Quel que soit le cadre social ou historique, isoler la praxis s’avère une impossibilité.

3.221 — La recherche de l’isolement de la praxis, à notre époque de transition où un sujet réticulaire est en train de faire naître une praxis de la multitude s’unifiant dans une conscience balbutiante d’elle-même, se rapporte inévitablement à une volonté contre-révolutionnaire, mue par une propension à réagir aux mouvements de l’histoire.

3.3 — La praxis de la transformation de la multitude par elle-même correspond à une action créatrice d’un renversement ontologique et politique des conditions d’existence : c’est une poïèsis révolutionnaire.

3.31 — Une poïèsis révolutionnaire, catégorie de la praxis, ne s’envisage, après une objectivation du sujet individuel par l’observation des mouvements sociaux et historiques déterminant les groupes humains, qu’avec la réintroduction d’une subjectivité plurielle, mais commune à la totalité du groupe social.

3.311 — La conscience d’une subjectivité plurielle permet à la multitude de pouvoir s’emparer de son devenir ontologique et d’y concevoir ses transformations.

3.32 — La poïèsis révolutionnaire de la multitude est une activité créatrice de l’autonomie du sujet et dès lors de la libération des conditions politiques et sociales de son existence.

3.321 — La transformation des circonstances qui enserre l’humain en une certaine causalité ne se contente pas d’être une simple praxis révolutionnaire, mais se spécifie de telle manière en une poïèsis révolutionnaire.

3.33 — L’activité politique ne se contente plus d’être une simple action, mais se fait pleinement création qui influe directement sur l’environnement de celle-ci par une transformation de sa substance.

3.34 — Une telle pratique créatrice et révolutionnaire véhicule une constante autoéducation émanant de l’expérience poïétique.

3.341 — L’apprentissage par la pratique nourrissant la pratique demeure une clef de l’autonomie.

3.342 — L’autonomie se trouve affirmée par le phénomène de son propre ruissellement au sein d’une multitude dont la dynamique se réalise par l’interconnexion de ses éléments autonomes.

3.3421 — La conscience de l’autonomie catalyse l’autonomie elle-même.

3.3422 — La multitude, par la conquête de son autonomie, s’autoéduque et, par conséquent, met fin aux hiérarchies qui placent des limites idéologiques entre le réel et la volonté de se saisir du réel.

3.343 — L’humain, transformé par une volonté commune et composant une multitude consciente d’elle-même, crée pour transformer son environnement immédiat et étendre de la sorte les espaces nouveaux du devenir politique et social de la multitude.

3.35 — La coïncidence du changement de la praxis et des circonstances déterminant la praxis correspond à une volonté de créer un environnement nouveau de l’être, qui conduira invariablement à des transformations politiques et sociales conséquentes des changements ontologiques opérés.

3.4 — Le pouvoir de la multitude consciente d’elle-même doit devenir à son image : fluide, acentré et mobile.

3.41 — Pour que le pouvoir aille à la multitude, la démocratie doit revenir à sa radicalité, c’est-à-dire à sa racine étymologique, à un pouvoir du peuple sans limitation aucune.

3.411 — La démocratie radicale se comprend comme une potentialité continue de l’intervention concertée et commune sur les structures économiques et sociales qui conditionnent la multitude dans son instant.

3.412 — La démocratie au sein d’une multitude consciente d’elle-même refuse toutes les formes de la représentation politique, et se renouvelle sans cesse en une permanence mouvante de la décision concertée.

3.413 — La démocratie radicale est une cybernétique du pouvoir de la multitude.

3.4131 — Une ébauche de l’organisation démocratique radicale se découvre dans les systèmes informatiques connectés en réseaux acentrés permettant d’envisager l’absence de hiérarchie, l’accessibilité et la permanence du pouvoir décisionnel.

3.4132 — L’assurance d’une motilité libre du sujet réticulaire s’avère cruciale, ainsi que la sauvegarde d’une structure réticulaire évitant toute centralisation.

3.414 — Toute limite du pouvoir de la multitude, aussi faible soit-elle, doit être considérée comme antidémocratique.

3.4141 — Un parlement qui ne pourrait pas accueillir la voix de n’importe quel membre de la multitude, et ce à n’importe quel instant, restreindrait inévitablement les contingences de son être.

3.4142 — Le sujet réticulaire doit pouvoir se saisir politiquement de lui-même en tout instant, sans intermédiaire et sans entrave.

3.415 — La radicalité démocratique trouve ses fondements dans la conversion politique d’une conscience immédiate de l’être.

3.42 — Le pouvoir pour la multitude de se saisir en permanence des conditions déterminant les circonstances de sa propre existence esquisse le cadre d’une autonomie plurielle, unie et distribuée.

3.421 — Le renversement de la causalité politique déterminant le socle de l’environnement de la vie humaine passe par l’avènement d’une multitude qui se saisit justement du pouvoir causal sur son environnement politique en instituant une démocratie envisagée dans toute la radicalité entendue en son étymologie.

3.422 — L’organisation politique nouvelle d’une permanence du pouvoir de la multitude par la multitude sans aucun intermédiaire serait la conséquence politique du renversement ontologique conséquent de l’apparition d’un sujet réticulaire : multitude plurielle et unie, consciente et connectée, découvrant son être à travers le commun de son agir.

4. — Un monde engendre toujours une dialectique des mondes, à laquelle se conforme la politique.

4.1 — Un monde est une organisation subjective du réel découlant d’une confrontation dialectique à celui-ci, confrontation individuelle, groupale ou sociale.

4.11 — La forme d’un monde est la déformation de la sphère par la constante et dynamique confrontation du sujet, pluriel ou singulier, à son espace ontologique.

4.111 — La pureté formelle d’un monde serait une sphère parfaite, qui aurait pour centre le sujet, si un idéalisme absolu avait un quelconque sens physique au-delà de l’idéologie qu’il véhicule.

4.112 — La concentration du sujet moderne en un espace clos centré sur l’individu fait du monde une forme concentrique opaque.

4.113 — Un monde, compris à partir du sujet réticulaire libéré de l’idéologie moderne, retrouverait sa forme mutante, croissante, s’adaptant à son propre devenir.

4.12 — La confrontation dialectique au réel, qui fait naître un monde, forme une rationalité des liens, perceptibles ou imperceptibles, unissant le sujet à sa réalité.

4.13 — Le monde est la forme de la réalité, en d’autres termes, il est la forme d’une subjectivation du réel.

4.131 — La réalité demeure cette perception du réel qui accueille l’instant de la confrontation dialectique du sujet.

4.14 — L’illusion la plus dangereuse qui découle d’un monde, de sa confrontation dialectique au réel, est celle de la vérité, qui tente d’imposer l’état statique d’une rationalité subjective propre à son monde et aux seuls mondes auxquels il se confronte.

4.141 — La confrontation du sujet à une part seule du réel, sa part du réel, peut lui laisser croire que le savoir, qui se construit à partir de son monde, est une universalité de ce qui est.

4.1411 — Toute extension de la subjectivité qui anime l’appréhension du réel à l’ensemble du réel constitue le berceau de toute idéologie.

4.142 — Les choses n’existent pas par la vision qui s’y porte, mais seule la vérité du monde du sujet perdure par celle-ci.

4.15 — Les ennemis de la matérialité du monde fabriquent à leur tour des mondes. Ils opposent le monde présent à l’arrière-monde.

4.151 — L’arrière-monde serait supérieur au monde présent parce qu’il aurait pour substance une antinomie de la substance périssable du monde présent.

4.1511 — Le monde présent est le seul à permettre au sujet une présence au monde.

4.15111 — La présence détermine l’existence : le monde présent est, parce que le monde présent se tient seul devant le réel.

4.15112 — Le monde présent est le seul à accorder au sujet la capacité de structurer sa confrontation au réel.

4.1512 — Être présent au monde revient à faire monde dans l’immédiateté de la dialectique du sujet et du réel.

4.152 — L’arrière-monde est l’hypothèse des ennemis de la matière, qui y placent l’idée comme échappatoire, l’hallucination comme anesthésiant.

4.1521 — L’idée de l’arrière-monde empêche toute conception d’une possible mise en abyme des mondes, d’une révélation des couches de réalités sociales qui organisent la dialectique même entre la perception du réel et le réel, façonnant l’enchevêtrement mondain que l’on nomme société.

4.153 — L’arrière-monde est une négation du devenir.

4.16 — Accepter l’hybridation de sa conception du monde est un acte nécessaire pour asseoir une compréhension de la totalité du social.

4.161 — C’est la facilité de la jouissance du monde à soi du sujet qui doit être éradiquée, par une analyse qui se renouvelle continuellement en se jetant dans l’enchevêtrement des mondes.

4.1611 — L’ennemi demeure l’ennemi de la révélation de l’enchevêtrement des mondes et de leurs caractéristiques, niant particulièrement celles des mondes qui se juxtaposent au monde à soi.

4.1612 — L’empêchement de la révélation de l’enchevêtrement des mondes se retrouve même dans la suffisance autoritaire de la conceptualisation du matérialisme bourgeois, qui se refuse à défaire les déterminismes sociaux de la connaissance de son monde entendu comme totalité de la nature, par la simple tentative de sonder le régime de savoir qui détermine l’affirmation de nature.

4.1613 — La satisfaction des intérêts de classe qui investissent le matérialisme bourgeois est la cause principale de l’imposition de ses règles propres en lois naturelles.

4.1614 — Dire la société revient toujours à dire sa société moins celle des autres, si le régime de savoir à partir duquel cette énonciation a lieu n’est pas déconstruit.

4.162 — La dialectique du réel est une composition de dialectiques mondaines, perceptives du réel, qui nécessitent d’être comprises dans leur ensemble si l’on souhaite s’approcher de la complexité totale de la dialectique du réel.

4.2 — Le monde, en tant que biotope, est un espace des potentialités de la vie du sujet.

4.21 — Le monde, composé d’un enchevêtrement de mondes, doit s’entendre, à partir du régime de savoir moderne, comme un biotope d’exclusion, qui dispose des séparations face à ce qui n’est pas considéré comme vivant à son image.

4.211 — Un biotope autre constitue toujours une potentielle menace pour le biotope depuis lequel la raison moderne établit l’espace de son existence, que cette raison se présente dans un déploiement national ou universel.

4.212 — Un biotope autre n’est jamais compris comme un biotope en soi à partir du biotope qui considère son altérité.

4.2121 — L’étranger est toujours l’étrange de soi-même.

4.2122 — Considérer l’étranger comme une menace revient à refuser la potentialité de l’étrange qui se dissimule dans le sujet.

4.2123 — Refuser la potentialité de l’étrange restreint l’opportunité d’accroître la potentialité à devenir dans l’être.

4.22 — L’humain a opposé les biotopes entre eux, et par cette opposition, les a exploités à l’aide de sa raison, quelquefois jusqu’à leur destruction.

4.221 — L’opposition des biotopes entre eux découle directement d’une raison s’autorestreignant à la spatialité de son possible, et n’arrivant pas à envisager celle de son impossibilité.

4.222 — L’exclusion biologique que l’humain a ainsi opérée jusqu’à aujourd’hui, des interventions eugéniques sur des peuples aux cultures divergentes jusqu’aux déforestations massives détruisant des écosystèmes entiers, se constitue malgré les apparences d’agression comme une mécanique subjective de défense.

4.2221 — Puisque la raison prise dans sa réflexivité se sent menacée par ce qui diffère de sa constitution, elle perçoit, dans l’appréhension concentrique et statique de son environnement, ce qui est étranger à sa manière de se déployer dans l’être comme une menace à sa propre existence.

4.2222 — L’attaque de ce qui est étranger au sujet s’entend comme une défense du sujet, limitant le sujet, puisque le sujet devient et ne connaît pas de limites à ce qu’il est.

4.2223 — Considérer un élément étranger à son espace ontologique comme un élément pathogène se révèle être au contraire l’élément pathogène lui-même, par l’atrophie du devenir du sujet que cela provoque.

4.2224 — Établir un biotope au détriment de biotopes étrangers, c’est-à-dire à partir d’espaces où le sujet ne se retrouve pas, d’espaces considérés comme substantiellement autres, par exemple avec l’opposition d’un biotope où évolue l’humain au biotope d’une forêt dont il est absent, va au renoncement à l’être.

4.22241 — Tout renoncement à l’être échoue en une affirmation de l’avoir.

4.22242 — Le biotope où domine l’humain moderne doit satisfaire sans limites ses velléités à un bonheur d’existence dans l’avoir, dédaigneux des difficultés ontologiques qu’impose un épanouissement dans l’être.

4.22243 — Les ressources de biotopes étrangers à l’humain moderne doivent servir le bien-avoir du biotope humain au détriment d’un bien-être étranger à l’humain, qui contribue pourtant à la richesse de ses potentialités à être.

4.223 — L’exclusion biologique se définit à un stade ontologique comme une rétention de l’extension de l’appréhension du réel.

4.2231 — L’humain se restreint lui-même en prétendant étendre l’espace de son être par la volonté seule d’étendre l’espace de son avoir.

4.224 — L’humain doit démanteler sa société en s’associant à ce qui semble le menacer : l’humain doit s’allier à ce qui diverge de lui.

4.2241 — La voie de l’être est la voix de l’étranger. Elle demeure toujours la parole qui se fait autre, l’ombre qui chemine contre les évidences.

4.2242 — Ce qui menace l’humain d’aliénation est la peur de son aliénation.

4.2243 — Une issue à la déperdition humaine s’échafaude par les marges, par l’intersociété, par l’infrasociété, par l’asociété.

4.2244 — L’humain doit se rendre au cœur de lui-même pour entendre tout ce qui se construit au-dessus la vie brute, et tout ce que cette construction culturelle et sociale empêche.

4.2245 — L’humain doit cesser de s’empêcher d’être en transformant sa société en un social ontologique, à l’image d’une eusocialité biologique qui est dans chacune de ses interactions environnementales. Il doit chercher à être par les équilibres des biotopes auxquels il se confronte, jusqu’à un potentiel degré extraterrestre, cosmique de ceux-ci, et y déceler la voie harmonieuse d’extension du devenir qu’offre un matérialisme social et ontologique de la communion avec ce qui est étranger.

4.23 — La vision concentrique de la raison humaine qui ramène exclusivement le réel au sujet humain, et dans la modernité au sujet humain individuel, et fait indirectement du réel une réalité uniquement humaine, est le processus qui requiert un renversement épistémique.

4.231 — Le concentrique doit se faire ex-centrique, et l’existence doit devenir une ex-sistence, une tension qui va hors d’elle-même, qui cherche un chemin vers davantage de vie, vers davantage de communauté de la vie.

4.232 — Le mouvement dynamique et constant qui va hors de soi ne se manifeste pas dans une quelconque annihilation de l’existence, quelle soit celle du sujet ou du sujet étranger, mais dans une communauté de cette tension à devenir, tel un champ vectoriel de la vie qui cherche sa lente et permanente transsubstantiation.

4.3 — La classe sociale est le fondement de la dialectique politique qui confronte les mondes humains entre eux et les limite dans leur devenir.

4.31 — La classe sociale s’imbrique dans la décomposition du réel en mondes.

4.311 — La classe est un monde qui se compose à son tour d’une multitude de mondes se confrontant les uns aux autres et au réel.

4.3111 — Les différents mondes au sein d’une classe ne sont pas de simples degrés individuels de la décomposition, mais des degrés groupaux de celle-ci, organisant des intérêts communs issus d’une compréhension commune et dialectique de leur réalité immédiate.

4.32 — Les classes luttent au travers de leur compréhension dialectique du réel, elles s’affrontent par la tentative d’imposition de leur réalité à celle de l’autre, au travers de l’outil idéologique que constitue la vérité.

4.321 — La seule lutte des classes valable réside dans la destruction totale des classes.

4.3211 — La destruction des classes sociales passe par la destruction de leur vérité propre, imposant une rationalité cloisonnée et cloisonnante sur le réel.

4.3212 — Une destruction des classes sociales mène à l’élargissement de la rationalité émanant de la dialectique du sujet au réel, et de ce fait aux potentialités de l’élargissement même du sujet, le plus pluriel et global socialement puisse-t-il devenir.

4.322 — L’harmonie sociale, qui découle d’une possible disparition des classes, n’est pas seulement une harmonie politique, mais surtout une harmonie ontologique d’un sujet accroissant la puissance de son devenir.

4.323 — La vérité est une illusion politique formée par l’imposition d’une compréhension unique du réel. Elle élude les compréhensions d’autres mondes se juxtaposant à elle, dans le dessein d’annihiler le vertige de l’infini des perspectives dialectiques sur le réel.

4.3231 — L’imposition d’une compréhension du réel est l’instrument premier d’une classe sociale qui assoit sa domination par la suppression de toute compréhension différente aux intérêts de son existence. Cet instrument est l’instrument d’une soumission.

4.3232 — L’imposition d’une compréhension du réel par un sujet à l’ensemble des sujets, individuels ou groupaux, va toujours à la soumission, soit celle s’exerçant sur le sujet dominé, soit celle du sujet dominé se dominant lui-même en refusant une extension de sa perception sur le réel.

4.3233 — L’imposition d’une compréhension du réel sert aussi de moyen de distanciation, lorsque ce moyen est utilisé à partir d’une classe sociale dominée, refusant de saisir stratégiquement la compréhension du réel de la classe la dominant. Cet instrument n’aura alors pas la dimension politique et organisationnelle d’un pouvoir qui s’exerce sur l’ensemble d’une société, mais se limitera à une configuration de sauvegarde de son existence, sans envisager l’annihilation totale de toute soumission qu’une classe sociale pourrait subir.

4.324 — Toute restriction de la compréhension du réel est l’établissement d’une verticalité du savoir, et par là, d’une restriction du sujet par le sujet, exclusion subjective des possibles d’une rationalité dynamique et plurielle allant vers son élargissement.

4.3241 — Seul un entendement anarchiste, dans le sens d’un savoir refusant sa hiérarchisation, peut se présenter comme un décloisonnement politique, et ce par le décloisonnement ontologique qu’il offre en libérant le sujet de sa seule vérité.

4.325 — Il est regrettable que les classes dominées, en restreignant leur compréhension du réel à leur seul point de vue, écartent de la sorte la possibilité d’une révolution sociale, non celle d’un simple renversement créateur de nouvelles classes dominantes et de nouvelles classes dominées, mais celle d’une destruction du masque de vérité.

4.3251 — L’opacité sociale qui s’appose sur le réel par la vérité réduit la circulation du sens parmi la totalité des mondes. Elle empêche l’harmonie dynamique d’une compréhension sociale totale qui va à la conquête du réel par l’élargissement de ce que peut le sujet.

4.4 — La multitude aliénée, prise dans l’inconscience de la forme de son monde, n’a le pouvoir de se libérer qu’en métamorphosant politiquement son ontologie.

4.41 — La métamorphose ontologique de la multitude aliénée passe par une conscience agissante sur la forme même de son monde.

4.411 — La conscience agissante et transformatrice que peut avoir la multitude d’elle-même lui révèle sa potentialité créatrice des circonstances historiques et sociales de son existence.

4.412 — La multitude doit se saisir de son autonomie en renversant l’imagerie d’un système déterminant, indépendamment d’elle-même, les conditions de la vie qu’elle peut envisager pour elle-même.

4.42 — Il s’avère crucial de quitter une passivité politique vassale, animée par le phénomène de consommation au sein des conditions offertes par l’époque moderne, pour rejoindre une activité politique créatrice, animée par une action de consumation des conditions offertes par cette même époque.

4.421 — Dans le cadre des démocraties représentatives, le passage politique d’un état passif à un état actif correspond au passage de l’acte inconscient de soumission à celui conscient de transformation, c’est-à-dire à l’abandon de la représentation politique de la subjectivité.

4.422 — La politique est en soi une mécanique de contrôle limitant la vie à une compréhension idéologique de celle-ci, au service d’une classe dirigeante dominant les hiérarchies sociales.

4.4221 — La chose religieuse est au service de la classe dominante. La chose religieuse est une sous-traitance de l’assujettissement.

4.43 — La libération de la multitude passe par une conscience émancipatrice de l’existence déchargée des présences intermédiaires entre la potentialité transformatrice de sa substance et le réel lui-même, dont elle ne peut pas physiquement se distinguer.

4.431 — La conscience émancipatrice d’une existence aliénée doit être une conscience cosmique d’une destitution du lien politique et d’une communion atomique au réel pour que se crée un espace de révolution, dans le sens que la révolution permet au vivant de sentir à nouveau l’indistinction de la vie et de la physique.

4.4311 — La conscience émancipatrice d’une existence aliénée demeure le moyen d’annihiler le nihilisme de la chose religieuse.

4.432 — La libération de la multitude est une extension de la conscience de sa contingence. Elle est un retour révolutionnaire à la vie, à une vie qui va et devient dans son allant.

5. — L’assujettissement bourgeois de la société moderne entraîne une confusion de l’être dans l’avoir, qui restreint l’être en tant que devenir.

5.1 — La société bourgeoise est la société qui évolue en son immobilité ontologique.

5.11 — La société bourgeoise est la société dont toutes les dimensions sociales sont polarisées par la classe bourgeoise.

5.111 — La classe bourgeoise dans une société bourgeoise conçoit le cadre épistémique depuis lequel se clôt le social.

5.1111 — La polarisation autour de la classe bourgeoise pousse non plus à un épanouissement libre dans l’être, mais à un épanouissement limité aux conditions fixées par le cadre épistémique bourgeois.

5.1112 — L’ontologie de la bourgeoisie est un simulacre de l’être, où tout étant, qu’il soit humain ou non humain, doit être mû par un devenir-bourgeois fixé par la question de l’avoir.

5.1113 — L’objectif de tout membre de la bourgeoisie est de devenir toujours plus bourgeois que lui-même, c’est-à-dire de se déployer toujours plus dans ses capacités à avoir.

5.1114 — L’accroissement de l’avoir bourgeois correspond toujours à un amoindrissement des capacités à être.

5.112 — La substance de la classe bourgeoise demeure l’individu-bourgeois, pris dans sa singularité, n’envisageant la singularité de l’autre que comme le moyen d’un possible développement de son emprise sur son environnement, et ce dans l’unique immédiateté de celui-ci.

5.1121 — L’emprise de l’individu-bourgeois sur son environnement vise une utilisation productive et individuante de l’espace occupé.

5.1122 — Le profit de l’occupation individuante de l’espace par l’individu-bourgeois demeure celui de l’avoir comme négation de l’être.

5.113 — La société bourgeoise s’organise autour de la classe bourgeoise comme autour d’un agrégat de sensations égoïstes qui se refusent à une pratique transformatrice du soi : le refus de sa multiplication, de son ouverture plurielle à ce qui est autre, et par conséquent, au sein de la société bourgeoise, à ce qui a autrement.

5.1131 — L’ego survit par l’opacité qu’il applique sur la diversité des manières de faire sujet.

5.1132 — La loi libérale moderne de l’ego est celle de l’apparente autonomie de ses intérêts égoïstes, dont la prééminence arrange le processus créateur de classes sociales.

5.11321 — Les classes sociales disposent les cloisons nécessaires à la sauvegarde de la discrimination fondatrice de la société bourgeoise : un intérêt égoïste doit s’opposer à un autre intérêt égoïste pour subsister.

5.1133 — L’identité moderne de l’ego advient par le jeu des intérêts égoïstes s’opposant, et dont l’opposition structure un ensemble social régi par les lois commandant aux besoins individuels.

5.12 — La société bourgeoise est la structure sociale qui tient ensemble par un entrelacs d’intérêts égoïstes des individus mus par une même tension, le plus souvent inconsciente, d’accaparement de la réalité dans laquelle ils évoluent.

5.121 — La bourgeoisie se définit comme la classe d’individus qui recherchent un accroissement de leur capital par l’usage de leur biotope, que le capital soit économique ou culturel.

5.1211 — La bourgeoisie n’a de cesse qu’elle étende son biotope afin d’étendre sa capacité à exister par un accroissement de son avoir et de la jouissance de son avoir.

5.1212 — L’extension de l’avoir se donne, dans la société bourgeoise, l’apparence d’une extension de l’être pour masquer son immobilité dans l’être.

5.1213 — Les conséquences de l’immobilité ontologique de la société bourgeoise vont à l’épuisement de ce qu’elle est par son avoir, en d’autres termes, elles vont à une consommation totale et destructrice des moyens de subsistance au sein de son biotope.

5.12131 — L’individu, centre de la société bourgeoise moderne, doit avoir pour être. Cet avoir, du fait des ressources limitées qui peuvent l’accroître, se détermine par une comparaison à l’avoir d’autrui. Pour être, il ne suffit pas d’avoir dans un absolu de l’avoir, mais il faut avoir au détriment de l’avoir de l’autre.

5.12132 — La limite des ressources disponibles du biotope de la société bourgeoise est la clef de la mécanique discriminante de l’avoir. La limite des ressources à disposition de l’avoir est à la fois l’agent de sa finalité et le sens de sa fin.

5.12133 — La société bourgeoise existe par la destruction de sa puissance dans l’être.

5.1214 — La société bourgeoise est proprement nihiliste, mais d’un nihilisme réactif, sans vision. Elle détruit en tant qu’elle consomme, et elle consomme en tant qu’apparences d’un mode d’être, c’est-à-dire en tant que mode d’avoir, sans chercher à se renouveler ou à renouveler son biotope dans l’être.

5.1215 — Le mode d’avoir de la société bourgeoise est un colonialisme de l’espace, qui la conduit à se projeter en celui-ci afin d’envisager un accaparement toujours plus grand du réel, compensant ses consommations destructrices de celui-ci.

5.122 — L’individuation du capital s’inscrit dans un tissu de liens avec d’autres capitaux individuels, dont les interactions renforcent la volonté d’avoir de l’égoïsme bourgeois et menacent les biotopes étrangers à celui-ci.

5.1221 — Le capital doit s’entendre simplement comme la somme tant de l’avoir que des capacités à avoir. Le capital est donc tant l’avoir lui-même que sa potentialité réelle ou symbolique.

5.1222 — Le capitalisme est la propension systémique à une accumulation du capital et de ses virtualités.

5.13 — La société bourgeoise est devenue le tout du social avec la modernité. Elle l’a étendu au tout de l’espace terrestre afin de maximiser son idéologie d’accaparement individuant.

5.131 — L’essor urbain a permis à la bourgeoisie de se constituer par la concentration d’un réseau de liens capitalistes, au sein duquel chaque individu participant au réseau bourgeois a pu plus facilement chercher à développer son capital propre.

5.1311 — La société bourgeoise moderne a vu une juxtaposition du réseau des intérêts capitalistes et du réseau urbain, jusqu’à la confusion de ceux-ci.

5.1312 — La juxtaposition du réseau bourgeois et du réseau urbain cherche à s’étendre sur ce qui leur est étranger, pour mieux accroître leur capacité à avoir.

5.13121 — L’accroissement de l’avoir nécessite la création culturelle de la nature pour que s’y fabrique l’espace étranger où l’extension de l’avoir peut advenir. Cette création permet de fabriquer une frontière ontologique qui ne doit pas cesser de reculer. La création de la nature fait la carte pour faire le territoire d’une colonisation.

5.13122 — Une frontière ontologique distingue à la fois les capacités d’accaparement et le champ de leur potentialité.

5.132 — La mécanique opérationnelle de la bourgeoisie, à savoir le capitalisme, a pu se développer par la facilitation offerte par le réseau urbain.

5.1321 — Le capitalisme y a installé une dynamique de la possession, facilitant l’échange dans le cadre d’un réseau d’intérêts égoïstes.

5.1322 — Le capitalisme a dirigé, à partir de son essor urbain, un mouvement ontologique constitutif de la société bourgeoise allant de l’environnement à l’individu, ou plus précisément des ressources de l’environnement à la puissance d’avoir de l’individu.

5.1323 — La ville moderne, en tant que terreau du capitalisme, est ainsi une représentation de ceux qui la peuplent. Elle est l’extension destructrice sur le biotope, qui perdure jusqu’à l’épuisement ou du biotope lui-même ou des capacités individuelles à l’accaparement de ce qui l’environne.

5.1324 — La ville moderne cherche à asseoir son existence par la possession individuante et colonisatrice de son environnement immédiat.

5.14 — La société bourgeoise doit être considérée comme un tout centré sur la classe bourgeoise et dont la périphérie, notamment prolétarienne, n’est là que pour servir sa dynamique d’accaparement égoïste, tout en faisant miroiter à cette périphérie un mouvement centripète de la possible accession à la classe bourgeoise par un travail servile à cette société même.

5.141 — La classe bourgeoise a pour caractéristique de se représenter comme le centre moteur d’une totalité mue par un mouvement d’inclusion, mais qui s’avère en réalité être un mouvement double, celui d’une exclusion-inclusion, où l’autoreprésentation de l’inclusion sert l’exclusion sociale comme outil d’asservissement psychologique utile aux intérêts d’un nombre restreint d’individus profitant de l’espoir des masses travailleuses d’une accession à davantage de possessions.

5.142 — Si l’on considère la société bourgeoise comme un cercle, son centre se trouve être la concentration maximale de capital, et les différentes strates sociales concentriques, des strates où se cristallisent certaines classes sociales, allant d’une aristocratie financière au lumpenprolétariat le plus excentré, sont animées par cette force centripète qui fait espérer à chaque classe sociale l’accession à une strate plus proche du centre de la société.

5.143 — Le fondement de la force centripète de la société bourgeoise, substance même de sa dynamique d’attraction sociale, est la dialectique principale entre deux classes majeures, le prolétariat et la bourgeoisie commerçante.

5.1431 — Le prolétariat et la bourgeoisie commerçante se présentent comme des classes intermédiaires : une classe ouvrière servile au capital et une classe de contremaîtres servile à ce même capital, possession des seules classes industrielles et financières les dominant.

5.144 — Il s’avère indispensable pour l’hégémonie de la classe bourgeoise d’opérer une anesthésie de la classe prolétarienne, productrice de l’avoir, afin de maintenir intacte la force d’influence centripète de la société bourgeoise et d’éviter que périclite la polarisation centrale de cette société.

5.1441 — L’élément clef de la modernité libérale, que nous qualifions d’hypermodernité, par rapport à un capitalisme industriel classique et encore restreint autour d’une certaine idée identitaire de nation, est d’avoir fait croire à un dépassement des classes sociales en diffusant culturellement le pouvoir d’attraction du capital en chaque acte social.

5.14411 — L’hypermodernité est l’état du capitalisme tardif des échanges de l’avoir facilités par les techniques de l’information et de la communication.

5.14412 — L’hypermodernité n’est pas un schisme au sein de la modernité, mais la libéralisation outrancière de ses capacités d’accaparement. L’hypermodernité est un état de la modernité.

5.14413 — Ce qui est hypermoderne demeure moderne par essence.

5.1442 — La culture de la société bourgeoise s’adapte à la plastique structurante de son idéologie.

5.1443 — La culture de la société bourgeoise est à la fois le résultat de son idéologie et l’outil premier qui promeut son assise hégémonique.

5.1444 — La tension culturelle sourde qui doit faire désirer en chaque acte social l’affirmation de sa direction vers le centre capitaliste de la société bourgeoise s’entend telle une essence indépassable.

5.1445 — L’essentialisation de chaque acte social autour d’un désir de l’avoir est produite par l’omniprésence symbolique du capital.

5.1446 — Le maximum de la concentration du capital équivaut à une pureté polarisante de son essence, qui doit être atteinte quel que soit le moyen.

5.2 — L’ontologie bourgeoise tient tout entière dans le cycle clos d’une corrélation individuante entre l’être et l’avoir : je suis parce que j’ai, j’ai parce que je suis.

5.21 — Il ne s’agit plus d’être pour se posséder, mais de posséder pour être.

5.211 — Le capitalisme exécute une confusion profitable, en faisant de l’avoir l’être de l’avoir.

5.212 — Toute action bourgeoise va à l’avoir : ego cogito, ergo habeo.

5.22 — C’est en la possession que se situe la symbolique du pouvoir.

5.221 — Il faut posséder pour être, que la possession soit en puissance ou actualisée.

5.222 — Pour la mécanique capitaliste, la symbolique du pouvoir politique se possède à partir de la possession elle-même.

5.223 — Il n’est pas question d’établir une distinction entre propriété et possession, mais de placer la symbolique du pouvoir dans la puissance possédante.

5.2231 — La justification de la puissance possédante opérera une adaptation de la règle de propriété pour sauvegarder l’entièreté de cette puissance.

5.224 — Il faut faire montre socialement de ce que l’on possède pour faire montre de son pouvoir politique au sein du réseau d’intérêts égoïstes que représente la société bourgeoise.

5.225 — La force révolutionnaire de la bourgeoisie, classe détenant le capital, est d’avoir placé le pouvoir dans une récursivité symbolique de la possession : la possession conduit à un pouvoir symbolique conduisant lui-même à une tension vers davantage de possession.

5.2251 — Le capitalisme a fait du geste d’accaparement une boucle d’accroissement de sa puissance.

5.23 — Le capitalisme a permis de se délester d’une religiosité ancestrale liée à une dynamique portant l’être de l’individu à l’être de son environnement en instaurant un mouvement inverse portant l’avoir de l’individu aux potentialités de l’avoir dans l’être de son environnement.

5.231 — Le déplacement du sacré de l’être à l’avoir a permis à la bourgeoisie, par une religiosité entourant la mécanique capitaliste, d’éroder les pouvoirs politiques ancestraux dont la verticalité se caractérisait par une opacité et une imperméabilité sociale.

5.2311 — Les pouvoirs politiques ancestraux étaient directement issus d’une ontologie de l’être, et ce déplacement a soutenu l’adoption d’une ontologie de l’avoir centrée sur le capital, c’est-à-dire sur la valeur marchande qui le détermine.

5.2312 — L’ontologie de l’avoir fonde dans l’ère capitaliste moderne une religiosité nouvelle, à partir de laquelle peut advenir une nouvelle prise de pouvoir politique.

5.2313 — L’ontologie de l’avoir est la croyance en une valeur du réel conscrite à sa préhension marchande.

5.2314 — Tout ce qui est a la potentialité de la marchandise. Tout ce qui est peut être eu.

5.2315 — La marchandise est un morcellement du réel ramené à sa seule fonction d’échange. Par cette division du réel qui opacifie les liens dynamiques qui le sous-tendent, la marchandise obstrue l’être du réel en le bornant aux capacités de l’avoir.

5.232 — La verticalité de la prise de pouvoir politique dans la modernité se caractérise par une transparence et une perméabilité sociale apparente.

5.2321 — Il est nécessaire de souligner l’apparence de cette perméabilité, qui agit comme une catalyse des échanges économiques et sociaux stimulant le capitalisme.

5.2322 — L’adjonction d’une perméabilité sociale apparente à une transparence de la verticalité du pouvoir moderne limite l’ascension au pouvoir politique en établissant des voies uniques vers celui-ci, dont l’accès est conditionné par les mœurs d’un certain entre-soi des classes dominantes.

5.2323 — L’idéologie moderne, par l’hégémonie culturelle qu’elle a installée dans la société bourgeoise, promeut la démocratie tout en s’assurant de l’efficacité de son illusion.

5.233 — Par la mécanique capitaliste, un renversement ontologique a lieu : l’avoir remplace l’être, l’individu ne va plus à son environnement en quête de lui-même, en quête des échos de ce qu’il est, mais rapporte sa réalité immédiate à sa personne pour faire de sa domination sur cette réalité, au travers de sa capacité d’avoir, une religiosité de la possession.

5.234 — L’appréhension de la société en tant que société bourgeoise est une restriction qui s’impose par l’idéologie cloisonnant la perception sociale dans la seule logique de la religiosité entourant l’avoir et sa production.

5.24 — La religiosité est passée de l’immanence d’une essence de l’environnement à une ubiquité de l’appréhension marchande de l’environnement : l’espace s’efface devant la technique d’emprise sur l’espace.

5.241 — Le transfert opératoire et apparent du sacré de l’être à l’avoir a fait du capitalisme un mouvement dissociatif de la symbolique d’un pouvoir politique ayant procédé d’une restriction idéologique de l’être jusqu’à la modernité, comme l’ont développé les religions dans la fondation de leur pouvoir politique.

5.2411 — Le sacré lui-même demeure, inchangé dans sa substance, au cœur de la physique.

5.2412 — Le sacré reste accessible au sujet qui tente par sa poursuite de l’être d’entendre derrière l’entendement qui s’impose.

5.2413 — La poursuite de l’être est une brèche dans l’idéologie moderne.

5.242 — La modification de la verticalité du pouvoir politique par la bourgeoisie capitaliste est une révolution en ce qu’elle a transféré la religiosité dans le capital lui-même, faisant du capitalisme la religion moderne organisant les nouvelles structures du pouvoir politique autour d’une règle première : l’assouvissement des intérêts égoïstes.

5.2421 — Le foisonnement moteur des intérêts égoïstes a été au fil des siècles un mouvement révolutionnaire de fond, dans le sens que ces intérêts égoïstes ont opéré une érosion lente du pouvoir politique issu du pouvoir ontologique en modifiant l’ontologie par son transfert vers un culte du rapport entre l’individu et le capital, à savoir le passage d’une mainmise sur la société à partir d’une maîtrise collective de l’être à une mainmise sur la société à partir d’une maîtrise individuelle de l’avoir.

5.3 — La concentration maximale de capital est masquée dans l’hypermodernité par l’idée de la concentration maximale de bonheur.

5.31 — Le bonheur, derrière le jeu d’ombres de sa représentation sociale, et tout en continuant de se situer dans la satisfaction des intérêts égoïstes du sujet individuel moderne, s’appréhende comme le nouveau centre à atteindre de la société bourgeoise hypermoderne.

5.311 — Au cœur des brumes communicationnelles de l’hypermodernité, le bonheur est le nouveau capital, il est l’opium en tant qu’opium, la douce perfusion de l’idéologie qui laisse étourdies, dans quelque jouissance aussi faible puisse-t-elle être, les masses opérantes du capital.

5.3111 — Le bonheur est un bonheur par l’avoir : dans l’hypermodernité, le bonheur n’est plus le bonheur, quêtant une proximité harmonieuse des mouvements de l’être.

5.3112 — Le bonheur est un objectif social, qui conditionne tant la vie de l’individu que ses rapports sociaux.

5.3113 — Le désir du bonheur devient le bonheur lui-même, pour parer à l’illusion hypermoderne d’un avoir prétendu accessible à tous.

5.3114 — Le bonheur exclut toute forme de bonheur étrangère à celui-ci.

5.3115 — Le bonheur permet d’établir une éthique de la vie hypermoderne, qui l’encadre strictement.

5.31151 — Le bien marchand devient le bien de l’éthique.

5.32 — La bourgeoisie est à la recherche de la pure jouissance, et son capital n’a de raison que dans la monstration de celle-ci.

5.321 — La recherche du bonheur illustre l’immobilité de la société bourgeoise tournée uniquement vers elle-même, et dont le seul moteur est l’autosatisfaction d’une puissance vectorielle d’accaparement de son environnement immédiat.

5.3211 — Un matérialisme pris dans la fixité des apparences du réel, dans ses surfaces, ne satisfait que le point de vue depuis lequel il est émis, et n’a pas la capacité dynamique de creuser sous les évidences et contre ses intérêts, afin de révéler ce qui s’y dissimule.

5.322 — Pour libérer la société de la société bourgeoise, il s’impose de désœuvrer toute action sociale de son désir d’une accumulation de bonheur en tant qu’accumulation de capital.

5.3221 — Le désir du bonheur hypermoderne est l’instrument idéologique qui alimente la permanence de la fonction travail de la société bourgeoise.

5.3222 — Il faut purger l’idéologie bourgeoise en remontant à sa substance égoïste : l’individu à la poursuite du bonheur.

5.3223 — S’avère nécessaire la déconstruction de la présence idéologique de l’avoir au centre du bonheur, afin de remédier, dans le cadre moderne, à l’aliénation par le travail.

5.3224 — L’individu heureux est l’individu qui a bien travaillé : cette construction suit au plus près l’idéologie qui commande à un assujettissement bourgeois empêchant tout retour révolutionnaire à l’être.

5.33 — Le bonheur en tant qu’objectif d’existence doit être renié pour purger l’idéologie bourgeoise qui imprègne la totalité du social.

5.331 — La signification du bonheur passe dans la modernité soit, le plus souvent, par cette perspective de l’avoir où l’accaparement est maître, soit, dans de rares circonstances, par une éthique de l’être qui se tourne vers un dépouillement égoïste de l’avoir centré sur l’individu.

5.3311 — Qu’il soit gouverné par un accaparement de l’avoir ou une éthique individuelle de l’être, le bonheur demeure une destination des intérêts égoïstes centrée sur l’avoir, destination figée dans le prisme de l’idéologie bourgeoise.

5.3312 — Il est impossible d’accepter le bonheur moderne sans renoncer à la révolution ontologique qui doit permettre la métamorphose du sujet.

5.332 — S’en prendre directement au bonheur, qui est de nos jours le cache-sexe du jeu d’intérêts égoïstes moteur du capitalisme, pousse à s’en prendre à la mécanique censée mener au bonheur, c’est-à-dire à une accumulation individuelle du capital, accumulation qui paraît comme une symbolique sociale du pouvoir au sein du réseau d’interactions individuelles.

5.333 — La déconstruction du bonheur permet de percevoir les rouages individuants qui mènent à l’autoaliénation au sein de la société mercantile, où chacun marchande le propre sens de son temps à la recherche de l’assouvissement heureux de ses besoins, raison pour laquelle chacun se marchande lui-même par le labeur de cette recherche.

5.334 — Le bonheur évacué, la mécanique capitaliste est à nu, et se révèle la société derrière la société bourgeoise hypermoderne : un ensemble social parfois plus vaste, qui inclut ce dont la société bourgeoise se sert en silence pour asseoir sa dynamique capitaliste, comme la classe ouvrière clandestine ou d’autres franges illégales du lumpenprolétariat.

5.3341 — La différence première entre la société bourgeoise et la société masquée par la société bourgeoise n’est toutefois pas l’étendue de cette dernière, mais la disparition du désir moteur d’une accumulation maximale du capital.

5.3342 — La représentation concentrique de la société bourgeoise, débarrassée de son centre, se dépouille de la rigueur verticale de son organisation pour se modeler en une structure horizontale acentrée, où peuvent commencer à s’entrevoir des intérêts communs, au-delà de l’avoir et de l’idée restrictive de classe sociale.

5.3343 — Il faut transgresser l’idéologie bourgeoise, par un émiettement des bornes des classes sociales qu’elle impose, par une modification de la destination centrale de son monde capitaliste, et revenir à la société même, diverse et unie par sa diversité, et se situer à l’orée d’un temps nouveau où se distingue une dynamique partageuse tournée vers une quête ontologique de la confrontation à l’environnement, à ce qui s’y cache, là où la vie interroge la vie même.

5.4 — La déconstruction de la société bourgeoise doit révéler une société qui peut enfin, au plus près de la physique, devenir un social sans adjectif, ni bourgeois ni même humain.

5.41 — Le social sans adjectif peut s’entendre comme une communauté du vivant, incluant tout ce que les sociétés ont exclu jusqu’à aujourd’hui : exclusion des autres, des modes autres du vivant. Cela peut aller des vies humaines étrangères aux mœurs locales, et bien plus loin pour l’entendement moderne, jusqu’au vivant quel qu’il soit : de l’animal au végétal, du bactériel jusqu’aux possibles du vivant extraterrestre.

5.411 — Le social se comprend comme un champ partagé de l’être qui cherche son extension.

5.412 — Le social se fait non seulement totalité de ce qui devient par la confrontation du réel, mais aussi communauté de ce devenir, englobant la forme humaine la plus typique à son environnement, tout comme la bactérie la plus étrangère à celui-ci.

5.42 — Le déplacement du sens du social, du social sociétal au social social, ouvre une perspective sur la distinction entre une communauté de l’immobilité, qui se cloisonne dans une compréhension fixe d’elle-même, et une communauté du mouvement, qui ne fixe qu’une dynamique commune à sa croissance.

5.421 — Malgré la proximité des termes social et sociétal, leur divergence éclairante quant à une politique désœuvrante de la société bourgeoise réside dans la perspective sur le réel qu’ils établissent.

5.4211 — Sociétal insiste sur les composantes caractéristiques de la société et part de celles-ci pour établir ce qui les lie, tandis que le social procède inversement en établissant le liant, le champ de fluidité dans lequel s’inscrivent des éléments qui font communauté par ce qui leur est commun.

5.4212 — Pour entendre le commun, il est possible de remonter jusqu’aux particules subatomiques qui lient ensemble, par leur identité physique, toutes les entités du réel.

5.4213 — La langue allemande distingue les termes sociétal et social en opposant le gesellschaftlich au sozial. Le terme de Gesellschaft, société, se réfère à Geselle, le compagnon, le compagnonnage, tandis que sozial, remonte au latin socius, qui signifie ce qui est partagé, ce qui unit, avec cette idée de suite et de liaison, que l’on entend jusque dans la racine indo-européenne du verbe latin suivre, sequor.

5.43 — Un social de la non-exclusion émerge, contre la société humaine, à partir de l’entendement du commun.

5.431 — La société humaine est encore une restriction biologique aux formes de vie qui demeurent hermétiques à la communication humaine.

5.432 — Dans son incompréhension d’une sensation autre du vivant, l’humain aliène les formes étrangères à ses capacités communicationnelles, puisqu’il se trouve dans l’incapacité de faire mouvoir sa raison en dehors de son espace propre, de son topos d’existence.

5.433 — La raison doit s’échapper de son espace, à la recherche de l’extension permanente de celui-ci, pour découvrir ce qui lui est commun en dehors d’elle-même, et par cette découverte, pour devenir avec l’étrange qui peuple le commun.

5.44 — Pour déconstruire la société bourgeoise et retrouver le social qu’elle dissimule, il n’y a pas à distinguer un quelconque matérialisme de classe d’un matérialisme bourgeois, pour finir par l’y opposer.

5.441 — L’espoir ne se trouve pas dans un transfert d’un matérialisme de classe à un autre matérialisme de classe, par exemple, dans celui d’un matérialisme bourgeois à un matérialisme prolétaire.

5.442 — Il y a à détruire tout matérialisme de classe, à laisser le matérialisme le plus brut possible, dénué d’un quelconque intérêt politique discriminant. Le matérialisme peut alors confronter sa capacité analytique à l’ensemble du social et le rapporter ainsi à la matrice physique en laquelle toute matière advient et devient.

6. — La critique constitue la dimension révolutionnaire de la praxis par ce qu’elle offre de transformation à la conscience du devenir, et ainsi au devenir même.

6.1 — La critique doit se faire parallaxe.

6.11 — Changer d’angle de vision entraîne la possibilité de mettre fin à l’illusion de l’indépendance des circonstances sociales et historiques.

6.111 — Le fait d’accepter une quelconque causalité où la vie humaine serait le fruit de circonstances sociales et historiques passées, mais ne pourrait pas agir directement sur leur état présent, revient à faire de la causalité une abstraction aliénante.

6.1111 — Une action transformatrice dans le présent ne se contente pas d’être une action transformatrice de ce qui vient, elle est une action transformatrice d’elle-même, et ainsi de sa présence au monde.

6.1112 — Le devenir est un mouvement qui advient dans l’instant de la praxis.

6.1113 — Agir sur l’instant de la praxis rayonne tant dans le passé que dans l’avenir, sans oublier dans l’instant lui-même.

6.1114 — La compréhension abstraite des circonstances causales déterminant la vie humaine représente le centre névralgique des démocraties contemporaines, qui font accroire une maîtrise politique indirecte de ces circonstances.

6.1115 — La représentation politique moderne se nourrit de l’idée d’une impossibilité d’agir sur l’agir lui-même, dans son instant. Cela permet de limiter la grande majorité du pouvoir décisionnel autonome de la multitude, conservée par une classe sociale dirigeante, qui joue de cette abstraction causale pour justifier son pouvoir et dissimuler tant sa non-représentativité de la multitude que son exercice aliénant du pouvoir.

6.112 — La causalité sociale et historique de la vie humaine peut être saisie rétroactivement dans le présent.

6.1121 — Une cause n’existe pas abstraitement en tant que cause, elle est toujours un effet si l’on change la perspective à partir de laquelle on l’aborde.

6.1122 — L’appréhension d’une cause en tant qu’effet est un élément majeur de la parallaxe qui doit animer la critique.

6.1123 — La cause est toujours un effet, mais elle ne l’est pas nécessairement d’une cause passée, elle peut l’être d’une cause à venir.

6.1124 — La négation d’une unidirectionnalité de la causalité accorde à la praxis une conscience de son pouvoir transformateur.

6.113 — Se crée l’illusion que la vie se subit dans l’espoir d’une transformation politique indirecte à venir.

6.1131 — Au sein de la société moderne dite démocratique, l’action décisionnelle ayant déjà été exercée par le vote, l’action elle-même s’amenuise dans l’attente du changement qui vient.

6.1132 — L’illusion démocratique moderne, qui met en scène un pouvoir indirect de la multitude sur l’instant du vivant, sert une idéologie de la division sociale entre la minorité dirigeante mue par ses intérêts économiques et la majorité dirigée dans le but de servir les intérêts économiques des dirigeants.

6.1133 — La majorité n’a toutefois pas conscience d’être une majorité dirigée, puisqu’elle considère avoir agi sur les circonstances politiques par le fait de choisir, à des intervalles relativement éloignés, une représentation de son pouvoir politique.

6.1134 — La représentation politique de la majorité transfère de fait, dans les régimes politiques modernes, la quasi-totalité de sa puissance actionnelle à des personnages issus d’une classe sociale minoritaire, classe ne servant que ses intérêts propres et concentrant la quasi-totalité du pouvoir économique et politique : la bourgeoisie décisionnelle.

6.1135 — Même dans le cadre d’une représentation populaire correspondant avec justesse à l’identité sociologique de la multitude, la représentation elle-même dégraderait les représentants en des agents politiques ne pouvant plus représenter avec conformité la multitude, en raison de la distance sociale créée par toute institution de la représentation.

6.11351 — La distance sociale créée par toute institution de la représentation entretient à terme l’idéologie dominante par le gouvernement qu’elle impose à une multitude censée être représentée.

6.1136 — Le système de la représentation politique corrompt par l’empêchement que la représentation oppose à l’action qui voudrait consciemment se saisir de son instant.

6.114 — Une classe sociale sert toujours ses intérêts propres. C’est la raison pour laquelle la critique doit mener à une société sans classe, grâce à une praxis consciente du devenir dans lequel elle s’inscrit.

6.12 — Les circonstances sociales et historiques qui déterminent la vie humaine ne sont pas des éléments extérieurs à la vie humaine.

6.121 — Établir une critique de la vie telle une parallaxe subjective sur le réel commande non seulement à l’inversion d’une causalité subjective, mais aussi à l’inscription de la vie détachée de ses oripeaux modernes dans une dynamique où se confondent sujet et objet, cause et effet.

6.2 — La critique doit être révolution et révolution d’elle-même.

6.21 — La révolution est une permanence du mouvement.

6.211 — Le mouvement astral demeure le modèle de toutes choses et de toutes révolutions.

6.2111 — Lorsqu’un astre entame sa révolution, il ne revient pas en son seul point initial, puisque ce point évolue dans l’espace et le temps, comme l’indiquent les études sur la morphologie du cosmos et la dynamique de sa croissance.

6.2112 — Après sa révolution, l’astre se retrouve certes en un point de son orbite elliptique qui semble identique, mais ce point se voit transformé dans l’espace-temps par la période qu’il a fallu à l’astre pour opérer son déplacement orbital.

6.2113 — Les contempteurs de la révolution sociale utilisent parfois l’argument du retour sur soi, tantôt cosmologique tantôt étymologique, pour dire que la révolution n’est pas une transformation, mais un simple retour à un point de départ. Ils oublient néanmoins que tout retour est une transformation, et que la révolution d’un astre autour d’un point se place dans un devenir temporel juxtaposé à un déplacement spatial causé par la croissance de l’espace lui-même.

6.212 — Le phénomène de révolution ne se contente pas d’être un accident séparateur, une simple discontinuité au sein d’une continuité plus vaste, mais correspond à un mouvement transformateur de retour sur soi qui annonce déjà le mouvement révolutionnaire suivant.

6.2121 — La révolution se comprend telle la permanence d’un recommencement transformateur.

6.2122 — Appliqué à la critique et plus largement au phénomène social, lorsque la révolution s’adjoint à une conscience de son mouvement rotatif, non comme un retour en arrière, mais comme une dynamique du tournoiement propulsé dans le devenir plus vaste de son environnement, la révolution acquiert une autonomie transformatrice du sujet.

6.22 — La critique révolutionnaire n’est pas révolution en tant qu’événement singulier, mais permanence d’un tournoiement perceptif et transformateur.

6.221 — Le renversement critique qui a lieu par la critique révolutionnaire est un mouvement, mais il ne se contente pas d’être celui du déplacement, il est celui du retour perpétuel, celui de la révolution.

6.222 — La critique révolutionnaire est cette dynamique ontologique de la critique qui offre au sujet une autonomie de son devenir parallèle au devenir du réel.

6.2221 — Le miroitement ontologique de la critique transforme la vision initiale du sujet à la suite des transformations successives tant de l’objet perçu que de la perception même.

6.22211 — Le point de vue fait le sujet, et non l’inverse, et sa transformation le libère.

6.223 — La critique exige sa propre révolution si elle souhaite demeurer un discernement des mouvements à venir de l’être.

6.224 — La critique qui se fait révolutionnaire, en tant que permanence transformatrice par un retour sur soi, se fait de la sorte outil de libération des carcans sociaux qui s’imposent au sujet, surnuméraires à ceux du seul cadre de la physique.

6.23 — Un retour de la critique sur elle-même n’est pas suffisant si elle délaisse le mouvement de la révolution suivante.

6.231 — L’erreur réside dans le contentement du retour à une position première, considérant l’objet perçu et la perception dans un lien d’immobilité d’espace et de temps.

6.2311 — La permanence du mouvement pousse la critique à s’élancer à nouveau depuis un point de vue purgé des liens qui l’entravent.

6.2312 — Dans l’exemple d’une opposition entre le terrestre et le divin, il semble pertinent de résoudre l’encombrement divin des ciels par l’encombrement terrestre d’une structure familiale patriarcale, de déconstruire le phénomène social afin d’évider les lueurs stellaires de leurs superstitions. Toutefois, une fois cette saine opération effectuée, la révolution critique permet également au sujet un retour aux ciels, purgés des dieux, emplis d’un humain transformant et se transformant, conscient de s’y placer et d’y placer son devenir dans une connexion atomique avec ce que les ciels lui cachent encore.

6.232 — L’enchevêtrement spatio-temporel de la perception ne se contente pas de demeurer dans un état statique et abstrait, il se modifie continuellement en fonction de sa propre dynamique et de celle de son environnement.

6.24 — La révolution de la critique nécessite tant une conscience négatrice de son achèvement que le renouvellement de son processus perceptif, pour que la critique s’inscrive de manière vectorielle dans le mouvement spatio-temporel de l’enchevêtrement de l’objet perçu, du sujet percevant et de la perception les reliant.

6.241 — Le sujet doit mettre en mouvement le point de vue qui le façonne, s’il souhaite se dégager des obstructions qui l’empêchent de considérer les différences entre la forme passée et présente de son devenir.

6.2411 — La perception devient avec le devenir de ce qui est perçu.

6.2412 — Le mouvement perceptif va au mouvement du réel.

6.242 — La révolution continuelle du sujet par celle de son point de vue libère la critique et lui permet de déterminer la praxis à mener pour devenir avec autonomie.

6.3 — La critique doit aller à l’être, au plus près.

6.31 — La critique ne se projette pas simplement en amont du sujet, mais revient à l’être du sujet, dans un tournoiement qui lui accorde une autonomie de sa projection.

6.311 — Le sujet opère sa libération en se confondant à la dynamique de son environnement.

6.312 — Le déterminisme d’une telle vision, qui peut sembler au contraire cloisonner le sujet à un devenir régi par des causes extérieures, ne doit pas se limiter à être une contrainte, mais se présenter comme l’ensemble des conditions parmi lesquelles une conscience de celles-ci offre au sujet un champ plus vaste de son autonomie.

6.3121 — Puisque toute autonomie demeure limitée par la physique, cette spatialité qui croît et dans laquelle tout devient en cette croissance même, une conscience critique de la croissance correspond à une conscience de la croissance du sujet conscient, et par là, à l’étendue possible de sa transformation.

6.3122 — Comprendre le déterminisme en œuvre équivaut à comprendre l’étendue des possibles.

6.32 — L’idée de circularité de la critique entraîne une rotation perceptive où s’accumulent les variations de la perception du réel.

6.321 — Les variations perceptives du réel sont un enrichissement qui permet de saisir les variations d’un réel devenant, inscrit dans une accélération de son devenir.

6.3211 — La circularité de la critique n’a de sens que dans le retour à l’endroit du sujet, après qu’il a jeté hors de lui et hors des conditions établies de sa perception sa capacité critique.

6.322 — La division analytique du réel s’établit par une permanence de la distinction lorsque la critique se déploie en un mouvement global allant au réel.

6.323 — La dynamique de la critique féconde un point de vue autre et multiple sur le réel, point de vue qui se présente en amont du sujet et enclenche sa transformation.

6.324 — Le renversement de la critique ne doit pas se contenter d’un simple exercice de parallaxe par rapport à l’idéologie empreignant les mécaniques perceptives du réel, elle doit se renverser elle-même à la recherche de ce qu’elle est et peut être dans l’être.

6.33 — Par sa fusion aux mutations physiques de l’espace, la praxis critique est une praxis de la conquête de l’espace ontologique.

6.331 — La conscience du mouvement critique est une autorégulation de la vision qui purge les impuretés de son optique en discernant ce qui s’impose à son point de vue, en outre de ce qui l’oblige naturellement.

6.3311 — Il est important de souligner que ladite nature n’est pas, mais qu’elle devient indissociablement de ce qui advient en elle.

6.3312 — La nature n’est pas, puisqu’elle est une physique en tant que phusis, c’est-à-dire une croissance, et qu’il se trouve impossible d’imposer un état de nature si ce n’est celui de la perpétuelle transformation.

6.3314 — La transcription dans le social d’une fixité de la nature est le témoignage d’une idéologie réactionnaire qui refuse le vaste spectre d’une dite nature qui n’a de sens que par sa constante re-naissance.

6.3315 — La nature doit s’envisager comme une physique dans toute sa dimension génératrice, perceptible du végétal à l’animal, du bactériel au stellaire, puisque la naissance est une naissance à nouveau, elle n’est pas une origine, mais un continuum de ce qui génère et se transforme, de ce qui se renouvelle.

6.33151 — La naissance de l’objet est une naissance à nouveau du sujet.

6.3316 — Toute revendication d’une quelconque nature est une intervention culturelle qui restreint le réel.

6.332 — La critique s’inscrit dans la transformation de l’espace de son devenir par un retour sur soi, et accroît sa puissance par la conscience de ce retour.

6.3321 — Le retour de la critique sur elle-même est un retour de l’espace à l’espace, telle une transformation temporelle du sujet.

6.333 — La recherche de la critique est celle d’une représentation non aliénatrice.

6.3331 — Une représentation non aliénatrice est consciente de n’être qu’une représentation.

6.334 — La praxis critique a lieu par une projection perceptive qui revient révolutionnairement à son point de vue initial en y opérant une mutation, et de ce fait, une mutation du sujet.

6.335 — Le mouvement de la praxis critique permet une résolution altératrice de ses fondements, grâce à une dynamique assainissant les contradictions sociales qui contraignaient son discernement initial et à une conscience de celles qui le contraignent encore.

7. — La révolution des fondements ontologiques d’une société est une conséquence de la révolution des fondements épistémiques d’une société.

7.1 — La révolution politique est primordialement une révolution ontologique, et l’avènement de celle-ci réside dans les bouleversements de la technique sur l’agencement du savoir.

7.11 — Nous qualifions le déterminisme qui commande à la révolution ontologico-politique de nécessité technique.

7.111 — La révolution ontologico-politique, commandée par la nécessité technique, renverse la structuration de l’épistémè qui gouverne le social.

7.1111 — Par épistémè, il faut entendre le cadre, socialement accepté, des connaissances de la réalité structurant la vérité, c’est-à-dire le régime de savoir, dans laquelle et par laquelle évolue une société. L’épistémè est donc le savoir contextualisé dans le social.

7.112 — La nécessité technique correspond à un état de la société qui n’arrive plus à se contenter de son régime de savoir limitant les perceptions et les interactions avec son environnement immédiat.

7.1121 — Il serait erroné de concevoir la nécessité technique soit comme une cause soit comme un effet de la transformation nécessaire de l’épistémè. Elle demeure les deux à la fois dans un renversement de la causalité, qui fait de toute cause un effet, et inversement.

7.1122 — La nécessité technique n’est pas un état de la technique produisant une nécessité du dépassement de la technique, ou une conscience du sujet qui en appelle à une transformation nécessaire de la technique par la conscience de ses propres limites. Elle se situe dans un même temps à ces deux niveaux, tout en ne se contentant pas de ce qu’ils disent tous deux du sens unique d’une causalité justifiant les transformations du réel.

7.1123 — Le déterminisme de la nécessité technique ne s’entend pas à partir d’une linéarité causale expliquant le réel, mais par une vision réticulaire de celui-ci où tout événement se représente davantage comme une interaction toujours en devenir que comme une simple action entendue dans l’abstraction de ce qui l’anime et de ce qu’elle anime.

7.113 — La nécessité technique trouve dans l’avènement des techniques de l’information et de la communication, qui permettent de partager librement une information sur un réseau à la configuration acentrée, les conditions réunies pour qu’une nouvelle révolution ontologique advienne.

7.114 — Une révolution ontologique conduira la modernité à sa fin, par la remise en question de l’individu comme centre de l’ontologie gouvernant la réalité.

7.12 — La nécessité technique remet en cause l’épistémè d’une société en fracturant la structure close de son savoir.

7.121 — Une fracture épistémique transforme le régime de savoir d’une société, puisqu’elle impacte directement les fondements ontologiques à partir desquels le savoir se constitue.

7.122 — Une fracture épistémique est un marqueur d’une certaine chronologie de l’histoire humaine, qui ne se fonde pas directement sur l’événement, mais sur ses conditions.

7.1221 — Les deux derniers événements qui ont créé une fracture épistémique capable de transformer les fondements de l’épistémè et de provoquer la transformation ontologique d’une époque ont été l’invention du caractère mobile de Gutenberg et le moteur Boulton & Watt. Ces inventions se trouvent à l’origine de ce que nous nommons respectivement l’ère classique où l’humain fut le centre épistémique et l’ère moderne où l’individu devint l’élément capital.

7.1222 — Les révolutions de la fin du XVIIIe siècle n’ont été possibles qu’à travers l’institution de l’individu, en tant que granularité ontologique du phénomène social.

7.1223 — L’avènement de l’individu correspond à celle d’une force de travail individualisée mue par une logique individualisante de la liberté, devant le contraindre à travailler pour pouvoir en tant qu’agent social dit libre consommer grâce au fruit seul de sa force de travail.

7.1224 — L’individu et sa potentialité libérée des hérédités ont ainsi constitué le socle d’une ère nouvelle, basée sur l’illusion d’une autodétermination de l’action individuelle, qui perdure jusqu’à ce jour : la modernité.

7.1225 — Ce n’est pas le travail qui rend libre, mais c’est l’institution de la liberté individuelle qui rend le travail non seulement possible, mais le constitue comme une condition épistémique indépassable de la modernité. La liberté individuelle est l’anesthésiant des aliénations nécessaires pour assurer la pérennité d’un marché capitaliste libre où seule la marchandise doit connaître pratiquement la liberté.

7.1226 — Le capitalisme architecture le social autour de l’individu afin d’établir une hiérarchie entre des individus séparés les uns des autres par leurs intérêts égoïstes. Le modèle de l’individu libre pouvant gravir la hiérarchie sociale par sa force de travail au sein d’une hiérarchie considérée comme perméable est une abstraction qui assoit l’aliénation de l’individu par la croyance en sa liberté travailleuse.

7.1227 — La séparation épistémique entre les individus dans la modernité permet de sauvegarder la notion centrale de propriété individuelle.

7.12271 — La propriété de l’individu moderne est la propriété exclusive qu’il peut imposer sur sa réalité. Elle transfère par son exclusivité la gravitation sociale de l’individu à la réalité appropriée, c’est-à-dire à la marchandise.

7.12272 — La propriété d’une marchandise, dans le cadre du capitalisme moderne qui assure la liberté de son transfert, prévaut sur le propriétaire de la marchandise.

7.12273 — Dans la logique capitaliste, il ne s’agit pas d’un individu qui transmet, par le fruit de son travail, une marchandise à un autre individu, mais il s’agit d’une marchandise se servant d’une société monétaire fondée sur le travail individuel pour assurer sa circulation.

7.1228 — Le capitalisme cloisonne la société par une architecture concrète, déterminée socialement, qui se sert d’abstractions afin d’étendre le plus possible sa vérité en la diffusant en toutes choses de sa réalité, en d’autres termes, en toutes marchandises entendues comme le tout objectif du réel, faisant du sujet un objet lui-même, se déplaçant et pérennisant ce tout objectif et marchand du réel.

7.12281 — L’abstraction fait simulacre pour servir la verticalité concrète des aliénations, qui ont lieu dans la société capitaliste moderne.

7.12282 — Toute la mécanique capitaliste réside dans le fait de jouer d’abstractions pour consolider en permanence une fluidification de la circulation de la marchandise.

7.123 — Il nous paraît nécessaire de spéculer sur les modifications épistémiques en cours en affirmant que la pensée réticulaire va prendre le pas sur la pensée individuelle.

7.1231 — Nous vivons à nouveau les prémices des transformations consécutives à une fracture épistémique causée par l’invention d’un réseau informatique mondial acentré, où chaque personne peut librement y accéder, tant pour recevoir qu’émettre une information, malgré les résistances capitalistes qui tentent d’éroder sa caractéristique intrinsèque d’absence de centre pour réagir aux potentialités d’une telle fracture épistémique.

7.1232 — La facilité technique de s’adjoindre au réseau, selon son principe de décentralisation de l’information, constitue l’élément clef de la fracture épistémique contemporaine.

7.124 — Il n’est en rien étonnant que les mécaniques du capitalisme moderne tentent de restreindre le principe moteur de décentralisation qui anime le réseau en constituant des pôles au sein du réseau limitant les individus dans leur volonté de se saisir des capacités techniques de décentralisation.

7.1241 — La restriction de la décentralisation est une tentative de sauvegarde des mécaniques de centralisation indispensables au capitalisme.

7.12411 — La recherche du profit au travers de la production de marchandises crée invariablement la recherche de l’accroissement d’un phénomène gravitationnel de concentration de la demande autour de l’offre. La marchandise cherche ainsi à se produire elle-même par l’intermédiaire de la notion de profit.

7.1242 — La marchandise n’est pas une chose composant le réel, mais elle est le concept qui simule, à même la chose composant le réel, une valeur permettant à la fois un échange producteur du concept de marchandise et la diffusion de celui-ci.

7.13 — La pensée réticulaire advient par l’avènement d’un réseau acentré, cherchant à maintenir sa décentralisation, où l’intervention de sujets individuels laisse émerger la prééminence de leurs interactions sur leur identité.

7.131 — La pensée réticulaire, dont l’émotivité devient visible parmi les interactions sociales qui ponctuent les échanges entre inconnus sur le réseau informatique mondial, compose les prémices du sujet réticulaire.

7.1311 — La pensée réticulaire se structure par une décentralisation du réseau qui assure son mouvement.

7.1312 — La pensée réticulaire organise une rationalité nouvelle et collective, dont la mécanique relève d’une cybernétique autonomiste.

7.132 — Le sujet réticulaire, issu d’une multitude plurielle et connectée, sera caractérisé par une pensée dont l’unité introduira la dynamique d’une volonté collective et mouvante.

7.133 — La permanence de la réorganisation du sujet réticulaire se fera naturellement par une constante régulation des liens entre les nœuds du réseau ontologique, né du réseau technique.

7.1331 — Les nœuds du réseau ontologique, individus modernes augmentés par les découvertes de l’ingénierie des sciences du vivant, joignant l’informatique au métabolisme humain, seront toujours davantage liés les uns aux autres par des connexions constamment renouvelées entre ceux-ci.

7.1332 — La connectivité sociale accrue déterminera une autorégulation par l’interaction des nœuds du réseau ontologique. Elle organisera de la sorte une épistémè où le savoir véhiculé par les connexions entre les éléments constitutifs du réseau primera sur les connaissances engrangées par les éléments connectés eux-mêmes, dans leur individuation au sein du réseau.

7.2 — La fluidité de la circulation du savoir est la règle constitutive de la révolution ontologique qui mettra un terme à la modernité.

7.21 — Le flux d’informations, fondement de l’ontologie constitutive du sujet réticulaire, soulève la question cruciale de l’autonomie de sa circulation.

7.211 — Toute entrave au flux d’informations deviendra une attaque ontologique et politique mettant en péril l’organisation libre et démocratique d’un sujet pluriel organisé en un réseau autorégulé.

7.22 — L’essaim est la forme du sujet réticulaire.

7.221 — Aucun sujet dans l’essaim ne prime sur le sujet de l’essaim.

7.222 — Aucun sujet dans l’essaim ne perdurerait sans l’intelligence distribuée de l’essaim.

7.223 — Il n’y a pas à chercher un esprit de l’essaim, à disputer une théorie éthérée de son fonctionnement, mais à observer sa mécanique instinctive, son autorégulation, l’organisation collective de sa volonté, la distribution des tâches nécessaires à son développement.

7.224 — Au travers de la représentation du sujet réticulaire en tant qu’essaim demeure néanmoins la conscience des hiérarchies qui perdurent en son cœur.

7.225 — Par le phénomène de l’essaim, nous insistons sur l’intelligence d’agrégation qui découle du mode de vie sociale préexistant à la vie animale.

7.2251 — C’est dans la déconstruction du phénomène animal de l’essaim en un réseau acentré, à l’image d’une topologie maillée d’un réseau informatique, que la représentation du sujet réticulaire trouve une juste continuité.

7.2252 — Par une autorégulation anarchiste du vouloir, au sein d’un système pair à pair dynamique, nous proposons un mode d’autonomie de la pensée réticulaire qui favorisera la radicalité de l’organisation démocratique du sujet pluriel lui-même.

7.2253 — Ce n’est pas l’anachorète qui est le modèle, mais l’essaim parcourant le désert, dévorant l’espace qui se présente à lui.

7.23 — La pensée réticulaire se confond indistinctement à sa dimension actionnelle précisément dans le déploiement de son intelligence d’agrégation.

7.231 — Il ne s’agit pas de mettre en avant une théorie ontologique du savoir, mais de montrer que l’ontologie peut avant tout devenir une praxis du savoir, en d’autres termes une pratique consciente des potentialités transformatrices de la mise en action sociale du savoir.

7.3 — Le savoir est un ordre de la perception de l’ordre du réel, qui ne connaît aucune hiérarchie, ni dans ce qui l’engendre ni dans ce qu’il engendre.

7.31 — La considération du désordre du réel est une incompréhension de l’ordre du réel.

7.32 — Le savoir s’organise en répondant aux nécessités matérielles de l’organisme qui tente de créer du sens à partir de ses perceptions.

7.321 — La construction du savoir se fait de manière anarchiste, c’est-à-dire que sa concrétion ne connaît pas d’arkhè.

7.3211 — La concrétion du savoir ne résulte pas d’une nécessité première, mais se modèle en fonction des nécessités présentes.

7.322 — La nécessité technique qui préside au savoir est une variation de la réponse à l’accident, ce dernier advenant dans sa situation spatiale singulière par les conditions structurant la physique même.

7.323 — Il n’est pas possible de considérer la physique animant le réel comme une arkhè, puisque sa substance est le devenir, la permanence d’un mouvement n’ayant de cesse de se transformer lui-même.

7.3231 — La physique est omniprésente dans la construction par l’humain du sens accordé à sa réalité, telle une antiarkhè, dont la perpétuelle transformation avive la transformation de toutes choses.

7.3232 — La primauté de la physique est absente. Elle n’est que l’ordre harmonieux, sans hiérarchie, d’une spatialité qui fait place à une ubiquité de la transformation.

7.3233 — La physique ne se contente pas d’être un ordonnancement humain de lois qui décrivent les mécaniques d’un espace restreint à l’univers tel que l’envisage l’humain, mais se fait harmonie des transformations potentielles de l’espace dans le multivers qu’elles induisent.

8. — L’infinie contingence de la matière compose un matérialisme de l’infinitude, qui ne peut être réduit ni à aucune intuition de la sensation ni à aucune matérialité de la matière, mais qui doit être avec la matière, dans une sensualité de son devenir.

8.1 — L’usage abstrait du réel correspond à l’usage d’un outil d’aliénation sociale qui empêche de sentir l’immédiateté concrète du réel.

8.11 — Le sensible n’a de réalité abstraite qu’en tant qu’outil rhétorique servant le discours dominant, celui qui a le luxe de parler du sensible et de s’en satisfaire.

8.111 — La modernité travaille la vie pour produire le simulacre économique consistant à placer dans le travail une ontologie creuse de la matérialité, une ontologie de l’avoir : il faut travailler pour gagner sa vie.

8.1111 — Le simulacre moderne consiste à placer dans la vie la seule croyance économique en son développement. L’économie s’y entend comme un ensemble de règles qui renferme la réalité d’une société sur elle-même, en lui permettant de fixer une valeur aux éléments de celle-ci, qui découle directement de la fragmentation préhensible et transmissible de cette réalité.

8.1112 — L’idéologie dominante de la modernité, par le biais de sa religiosité évaluante, dans le glissement moderne qui délaisse le centre gravitationnel de la famille pour occuper celui de l’individu, va du salut de l’âme à la consommation de son salut.

8.1113 — L’impératif catégorique de la modernité, celui de la nécessité universelle du travail comme fonction émancipatrice, travail permettant seul et contradictoirement d’offrir la vacance du travail, assoit l’illusion d’une liberté sociale acquise uniquement par le biais de la valeur du labeur individuel. La liberté sociale se construit donc, dans la modernité, comme une liberté individuelle, exclusive de l’autre.

8.1114 — Travailler est l’action qui place l’humain dans un rôle d’agent économique individuel, dont le temps s’adjoint à celui de l’autre tout en l’excluant, au travers de l’établissement d’une concurrence interindividuelle. Cette concurrence demeure oublieuse des mécaniques collectives, qui commandent tant au simulacre de l’économie moderne qu’à la vie même que cette économie tente d’obstruer.

8.1115 — Pour assurer la stabilité de l’économie moderne, la vacance doit uniquement consister en une négativité gagnée du travail, et jamais en une négation du travail vaincu.

8.112 — La qualité du sensible pour les masses travailleuses n’est celle que de son labeur et du repos en vue du travail à reprendre.

8.1121 — Le sensible est marqué, au cours de la journée travailleuse de l’humain moderne, par son objectif salarial servant le temps de repos accordé par le temps de travail.

8.1122 — Le sensible, en tant que satisfaction de sa propre jouissance, se limite pour les masses travailleuses au simulacre de la vacance du travail, qui ne s’obtient que par le travail lui-même. Le simulacre consiste à faire disparaître la possibilité d’une absence du travail par la négation du travail.

8.1123 — Les satisfactions qui s’échappent d’une vie mesurée par le travail ne se construisent que dans l’acceptation du travail comme condition de la vie moderne.

8.113 — Le prolétariat demeure la classe qui ne dispose pas d’une maîtrise suffisante sur le réel pour sonder les limites du sensible.

8.1131 — Le prolétariat est la classe qui ne peut que se contenter d’engendrer sa suite travailleuse au bénéfice des classes dominantes, soit dans l’illusion de cet engendrement soit dans l’incapacité d’y remédier.

8.1132 — Le monde sensible pour le prolétariat, parfois obstrué par un phénomène religieux, le plus souvent masqué par la consommation capitaliste comprise comme instrument de jouissance de la vacance du travail, passe uniquement par le prisme du travail.

8.1133 — Il importe à la classe dominante de pérenniser l’impossibilité pour le prolétariat de disposer ontologiquement du réel.

8.1134 — L’ontologie moderne s’assure par la consolidation d’une vacance qui fait accroire au prolétariat que la vie consiste en une jouissance temporelle des débordements du temps de travail obtenus par le seul travail.

8.1135 — Le prolétariat est affirmé dans l’inconscience de son aliénation par une ontologie qui place dans le seul travail le moyen d’obtenir une vacance du travail. Toute idée sociale de réforme du travail qui perpétue le travail participe à l’inconscience de cette aliénation.

8.1136 — La classe dominante consolide l’ontologie moderne en ramenant toute chose de la réalité moderne à la valeur du travail qui la fonde.

8.1137 — L’ontologie moderne peut s’entendre comme une temporalité du travail, qui ordonne la totalité de la vie.

8.114 — La politique moderne se servira tantôt de la jouissance individuelle, tantôt de sa potentielle négation, au travers de phénomènes collectifs menacés qui ont pourtant une consistance étiolée dans la modernité, telles la famille et la patrie, pour assurer sur sa réalité une emprise totale de l’ontologie moderne de l’avoir.

8.1141 — L’usage négatif de phénomènes collectifs, qui se dissolvent pourtant invariablement dans le présent individuant de la modernité, doit s’entendre à partir du seul individu, agent économique de la consommation. La politique moderne invoque la famille ou la patrie négativement, dans l’absence de leur consistance passée, pour faire face à de potentielles menaces extérieures qui remettraient en cause la jouissance moderne de l’individu. Cette invocation fortifie l’illusion du travail individuel, seul facteur d’une jouissance individuelle menacée par la présence de l’autre.

8.1142 — Il faut que la croyance en l’aliénation sociale se place dans la figure étrangère plutôt que dans le travail lui-même.

8.1143 — La xénophobie latente à l’usage négatif de la famille ou de la patrie ne sert que la pérennisation de la mécanique capitaliste assurant à la marchandise sa libre domination sur la société moderne.

8.12 — La pensée doit s’assumer en tant qu’action et se déployer contre toute abstraction, y compris celle qui s’empare du sensible pour en faire une catégorie idéelle de plus.

8.121 — Le sensible demeure un élément de la langue, qui évoque médiatement une catégorie idéelle de l’immédiat.

8.1211 — L’histoire du mot sensible véhicule une capacité abstractive qui a contrario crée un espace où règne la seule abstraction.

8.1212 — La notion éthérée du sensible a l’arrogance d’évoquer la confrontation perceptive au réel tout en se plaçant au-dessus de celui-ci, dans une abstraction de la langue.

8.1213 — Dans un cadre social, l’évocation du sensible devrait dire l’immédiateté du quotidien travailleur à la recherche de son émancipation. Toutefois, en gardant à distance la qualification précise et douloureuse de l’ordinaire du labeur, la propension à se saisir sensiblement de l’environnement immédiat du travail s’aliène. Dans un cadre social, l’usage du terme sensible relève de l’idéologie dominante et se contente de dire l’immédiateté du quotidien sans le travail, tout en le figeant dans la distance de son aliénation.

8.1214 — Parler du sensible à l’humain aliéné par son travail, sans tenter d’épuiser la liste exhaustive des causes douloureuses de son aliénation, est une cruauté de la pensée bourgeoise, puisque, par la dureté du labeur, le lien qui l’unit au réel s’éprouve dans la douleur de la domination économique.

8.1215 — Sentir l’immédiateté du réel doit être le moyen de sa traversée : une voie résolvant la médiate immédiateté suivante.

8.122 — Le désir d’accroître ses capacités de possession du réel mène au souhait d’une toujours plus grande croissance, non de l’être, mais de l’avoir.

8.1221 — La mécanique substantielle du capitalisme, stimulant ses acteurs vers un renforcement de la puissance d’accaparement de leur environnement, instille à travers toutes les classes sociales une aliénation dans l’être lui-même, tentant d’empêcher le déploiement de toute ontologie.

8.1222 — La classe dominante qui détient le capital profite seule, par l’exploitation économique des masses travailleuses, d’une jouissance du lien sensible au réel, mais dans toute sa dimension sensuelle. Elle bénéficie de ses possessions pour goûter au réel, lorsqu’elle n’est pas prise elle-même par un certain désir d’accumuler davantage de possessions, la dissociant de l’immédiateté de son existence.

8.1223 — La classe détenant le plus de capital se trouvera souvent aussi empêchée de jouir de ce qu’elle a déjà, par l’universalité de la notion de travail qui fonde l’ontologie moderne de l’avoir et obstrue les jonctions sensibles vers l’être. Elle ne pourra que médiatement se connecter aux plaisirs aristocratiques que lui propose pourtant l’ère moderne qu’elle domine.

8.1224 — La modernité fait de la classe qui possède le plus la classe la meilleure, et non la classe qui jouit le plus de ses possessions, pour que se promeuve automatiquement une ontologie de l’avoir centrée sur la notion de valeur marchande, et conséquemment sur celle de travail nécessaire à sa production.

8.123 — Une des réponses politiques au toujours plus de la croissance, qui anime la modernité, mais dont la modernité commence à découvrir sa puissance de destruction, est la décroissance. Toutefois, cette réponse est une continuité de la logique ontologique moderne centrée sur l’avoir.

8.1231 — La croissance n’est pas le problème de la modernité, c’est la croissance dans l’avoir qui le demeure.

8.1232 — Répondre à la croissance par une décroissance, en demeurant dans une ontologie de l’avoir, ne réglera pas les difficultés d’existence du sujet.

8.1233 — Il est nécessaire d’abandonner une croissance dans l’avoir pour affirmer une croissance collective dans l’être. L’affirmation d’une croissance collective dans l’être, refusant toute croissance individuelle ou collective dans l’avoir, permettra au sujet d’exister harmonieusement dans son devenir.

8.124 — L’abstraction des mécaniques qui consolident l’avoir permet à l’idéologie de diffuser son écrasement en devenant un tout du savoir, rendant impossible la construction de toute pensée hors du cadre de son régime de savoir.

8.1241 — L’idéologie dominante de la modernité use abstraitement du réel pour le quantifier en tant que marchandises échangeables.

8.1242 — L’idéologie dominante de la modernité se contente de la seule mesure de l’avoir pour dire ce qui est et former autour de cette illusion de l’être les potentialités de sa valeur d’échange.

8.125 — La tendance à l’accaparement du réel, qui contamine la granularité moderne qu’est l’individu, disparaît du phénomène de la multitude lorsqu’elle est considérée comme une unité plurielle et mouvante, et non comme un seul agrégat d’individus mus par des intérêts égoïstes.

8.1251 — La multitude est avant d’avoir, et elle a dans le respect du devenir de son être.

8.1252 — Envisager l’unité ontologique de la pluralité imprime un schisme dans l’idéologie séparatrice de la modernité, qui interdit l’acception d’unité ontologique de ce qui est multiple au-delà de toutes les mécaniques de l’avoir.

8.1253 — L’accaparement ne s’impose pas au phénomène pluriel de la multitude, qui ne se trouve pas animée par une volonté de posséder, mais par celle de sa croissance ontologique.

8.1254 — La multitude n’a que faire de posséder son environnement au détriment d’un mode d’être harmonieux de l’espace qu’elle occupe. La multitude cherche à se posséder elle-même.

8.2 — Le sensible ne se découvre que dans une praxis de la vie se confrontant à elle-même et à l’environnement qui la maintient.

8.21 — Le sensible relie l’humain à sa réalité immédiate, et ce, à chaque instant, pour que cette connexion à son environnement trace les contours mouvants de son devenir propre.

8.211 — Le sensible ne commence à devenir pratique qu’à partir de l’instant où un peu d’autonomie s’offre à l’humain afin qu’il puisse se placer dans un lien conscient avec son environnement, qui relie le tout matériel du réel à celui de sa sensibilité propre.

8.212 — La permanence du sensible a été érodée tantôt par la religiosité du discours dominant qui empesa la vie humaine durant des siècles, tantôt par la reformulation moderne de cette religiosité en une vision de la vie humaine centrée sur le seul individu consommateur, vision à partir de laquelle a pu se développer une logique économique qui voila la pratique du sensible derrière la seule perception de son exploitation quantifiable.

8.2121 — L’idéologie moderne totalise l’économie de sa réalité.

8.21211 — La réalité moderne est la totalité du réel, par l’intermédiaire d’une ontologie de l’avoir qui donne à toute chose une valeur, et impose de ce fait à toute chose son paradigme ontologique, le travail.

8.21212 — Rien n’existe au-delà du sensible moderne, espace où advient le travail.

8.2122 — Dans l’emprise économique de la modernité sur le réel, tout espace est un espace de l’économie de ce qui est.

8.2123 — La religiosité qui précéda la modernité donnait l’espoir d’un dépassement lénifiant du sensible, résumé en la seule souffrance terrestre, tandis que la modernité fabrique, à partir de cette religiosité ancienne centrée sur la souffrance, une impossibilité ontologique de son dépassement. Tout n’est que dans l’économie de la perception moderne du réel.

8.21231 — La seule solution moderne à la souffrance causée par le travail est le travail lui-même, au cœur du sensible, dans l’évacuation de toute idée de transcendance.

8.21232 — L’abstrait des tromperies religieuses, par l’idée abstraite de transcendance, présentait l’avantage d’accorder aux masses laborieuses l’espoir d’une paix déconnectée des souffrances du labeur quotidien. L’intelligence de la modernité fut de clore la réalité moderne sur elle-même en faisant du réel le simulacre d’une totalité économique qui ne connaît aucun dépassement, mais où chaque individu-consommateur, en d’autres termes le sujet moderne, pourrait connaître par son seul travail une rédemption.

8.21233 — La rédemption moderne consiste en un bien-avoir présenté comme un bien-être, par une accumulation suffisante de capital permise par le travail, donnant l’illusion de pouvoir disposer de manière inépuisable de la réalité immédiate.

8.2124 — La modernité ne s’embarrasse plus des affres provoquées par le travail, et de ses possibles apaisements au-delà du sensible, qui promettent à la vie une continuité parmi les contingences idéalistes du réel.

8.2125 — Tout se restreint aux lois économiques qui s’apposent sur le réel en tant que lois naturelles.

8.213 — Le mouvement de libération de la conception moderne du sensible ne consiste pas à tirer le monde à soi, mais à sentir son devenir en parallèle du devenir du monde.

8.2131 — Le sensible s’entend pour l’existence qui va hors d’elle-même, pour l’existence qui ex-siste.

8.2132 — C’est dans la recherche de l’autonomie qui offre à la multitude une autorégulation que s’abandonne l’idée du sensible en tant que perception médiate de l’individu, par le crible économique de la valeur accordée au réel, pour avancer celle d’une praxis du sensible en tant que sensualité pratique de la multitude.

8.23 — Le bien-être social ne se situe pas dans les discours qui promettent des améliorations du quotidien par l’avoir, mais dans une pratique qui dépasse la simple satisfaction des besoins et accorde à l’envi la plénitude des sens.

8.231 — La plénitude des sens ne peut être envisagée, avant même d’être atteinte, que par le dépassement du simulacre qui fait du bien-être un bien-avoir.

8.2311 — La jouissance moderne s’inscrit toujours dans un marché de la jouissance, qui a pour substance sa valeur d’échange.

8.2312 — La modernité identifie la résolution des souffrances des classes travailleuses, soit par une jouissance d’un avoir acquis par la seule force de travail, soit par l’invocation d’une menace extérieure, personnifiée souvent par les figures étrangères du travail illégal, mettant en cause le libre accès au marché du travail et ainsi à celui de la jouissance de l’avoir.

8.232 — La pratique collective du bien-être social par les sens constitue l’assurance d’une justice sociale distribuée dans la totalité du phénomène social.

8.2321 — Un pouvoir commun de la disposition de soi témoigne de l’équilibre d’une pluralité humaine à même de prendre conscience, par la conscience de la physicalité du soi social, d’une concordance des échelles du bien-être, de celle du corps humain à celle du corps social, jusqu’à celle du corps non animal, voire jusqu’à celle d’un au-delà du corps, au cœur d’un environnement qui doit être aujourd’hui senti dans sa dimension cosmique.

8.2322 — À l’échelle de l’humain comme à celle du social, le corps se comprend comme un nœud de sens qui en appelle à l’épanouissement physique afin de densifier les possibles de sa croissance.

8.2323 — Le dépassement de la modernité passe par la disparition de la représentation du sujet qui fait face au cosmos et par la construction de celle du sujet qui est le cosmos.

8.233 — Le sensible n’a pas de réalité abstraite qui pourrait être catégorisée, il est une chose concrète dont la compréhension parcellaire met en exergue les violences sociales, qui fondent de tout temps les mécaniques de discrimination dans l’exercice des sens.

8.2331 — L’humain considéré socialement inférieur ne devra pas pleinement jouir de ses sens, dans tous les cas, il ne le pourra pas à l’image de l’humain considéré socialement supérieur. L’idéologie fait en sorte que ce devoir devienne une impossibilité dans le pouvoir.

8.23311 — La jouissance du pauvre est une démesure qui offense l’économie de la réalité.

8.2332 — En opposition aux idéologies astreignant les classes socialement dominées à une maîtrise réduite du sensible, il s’avère nécessaire de détruire l’idée du sensible pour la refondre en celle d’une sensualité collective, qui permettra à la multitude de goûter une dimension pratique de la confrontation au réel dans ce qu’elle peut avoir d’éclairant sur l’étendue qui s’offre à la capacité humaine diffuse de sentir, et ainsi d’être collectivement.

8.3 — Une écologie de la sensualité propose au sujet une manière d’habiter l’espace de son être, par le biais d’une raison découlant des sens et se confrontant harmonieusement à cet espace.

8.31 — L’écologie de la sensualité se façonne en tant que praxis de la multitude dans l’être. Elle y affirme une communion avec l’environnement immédiat du sujet et avec l’espace contingent du cosmos, là où l’être projette les puissances de son extension.

8.311 — L’écologie de la sensualité, qui va du soi du sujet au cosmos, révèle que l’être en dehors de l’être de la multitude demeure une identité de l’être de la multitude.

8.3111 — Les spécificités d’un mode d’être conservent une identité avec leur non-être par leur contingence à être, et à être totalement autrement.

8.3112 — L’identité est toujours un devenir de la déviance.

8.3113 — Tout ce qui diverge de l’être prolonge l’être.

8.312 — Tout en l’être va à une harmonie de l’être, c’est-à-dire à un bien-être de son accroissement.

8.32 — La sensualité met en lumière la dimension concrète des sens humains qui ont cette capacité à être satisfaits. Le terme latin de sensualitas nous suggère une capacité de sentir, malgré une langue française qui fait de la sensualité la seule recherche de la satisfaction des sens.

8.321 — La pratique qui sous-tend la recherche d’une satisfaction des sens ne doit pas être considérée comme une pratique recherchant sa réalisation, mais comme une manière d’être s’installant dans une harmonie avec le réel.

8.3211 — La praxis de la sensualité n’est harmonieuse que lorsqu’elle cherche à établir une jonction constructrice avec ce qui l’entoure.

8.3212 — Toute sensualité qui se développerait aux dépens des autres ou de son environnement correspondrait à un nihilisme revenant finalement à une destruction des équilibres propices à la satisfaction sensorielle de l’ensemble de la multitude.

8.3213 — Harmonie sociale et harmonie environnementale se construisent uniformément par une praxis des sens à une échelle collective.

8.3214 — Une sensualité commune à la multitude ne peut être qu’une sensualité de la préservation et de l’extension de la multitude.

8.322 — La sensualité, qui s’entend de manière contre-intuitive dans une modernité où plaisir rime avec individuation du plaisir, étend son potentiel d’harmonie lorsque sa praxis est distribuée avec équivalence au sein du phénomène collectif que compose la multitude.

8.3221 — La distribution équilibrée de la praxis de la sensualité participe à l’union d’une multitude bariolée. Elle affermit les liens souples qui unissent ses mouvements pluriels, telles les cadences foisonnantes de l’essaim cherchant la plénitude de son être dans l’espace qu’il compose ontologiquement, en d’autres termes dans l’espace qu’il est, puisqu’il est avec l’espace.

8.3222 — La sensualité pratique de la multitude est l’expression concrète d’un équilibre qui se bâtit sur le bien-être de toutes les entités formant le phénomène social, et ce par une juste reconnaissance de leur existence physique qui appelle non seulement à l’assouvissement de leurs besoins premiers, mais également à l’épanouissement des agréments sensoriels de leur devenir, puisque tout devenir demeure une concrétude qui s’enchevêtre dans des champs matériels plus vastes de devenirs.

8.33 — Le bien-être d’un groupe social n’est pas une chose abstraite, mais un phénomène concret composé d’une diversité d’éléments qui appellent au contentement de l’être afin de densifier l’harmonie collective qu’ils composent.

8.331 — La sensualité pratique correspond à une satisfaction de la vie singulière dans son unicité connectée à la dynamique multiple du vivant, comprise comme un bien-être social qui s’affirme d’abord par la plénitude sensorielle de chacun.

8.332 — C’est l’épanouissement des entités d’un groupe social qui entraîne l’épanouissement du groupe lui-même en tant qu’unité, et établit de ce fait un bien-être social étendu à tout le phénomène collectif.

8.3321 — La sensualité participe à la constitution en chaque entité d’une plus grande acuité de l’interconnexion entre toutes les entités du phénomène collectif et social les reliant. Elle développe ainsi une fluidité des échanges qui porte l’épanouissement général de la multitude.

8.3322 — L’harmonie du devenir de la multitude s’assure par le bien-être de sa pluralité entendue comme unité.

8.333 — La praxis de la sensualité est pour la multitude une disposition du nombre en quête de son harmonie à la fois interne et externe, dans laquelle les entités composant le nombre vivraient connectées les unes aux autres et à leur environnement dans un équilibre sensoriel protecteur de leur bien-être, mais également de celui de leur environnement, espace de leur croissance ontologique.

8.4 — Le matérialisme est une perception ontologique de la matière qui se construit au-delà des intuitions de la perception.

8.41 — L’intuition est une complaisance de la vision qui se devance elle-même, qui appréhende sa réalité en l’immédiateté de la confrontation à celle-ci et fait de cette immédiateté une totalité du réel.

8.411 — L’intuition se saisit de l’immédiateté de sa réalité, dirige aveuglément la raison en elle, et stagne en l’immobilité de ses présupposés.

8.4111 — L’intuition n’est qu’un éclaireur de la raison, elle lui indique un point de départ, parmi d’autres, pour fouiller derrière les évidences.

8.41111 — Pour entendre l’intuition, ses dangers et ses opportunités, il peut être utile de confronter son étymologie latine, qui remonte jusqu’à la racine in-tueor, observer, veiller dans, à sa traduction allemande An-schauung, le regard qui se porte à, qui se porte contre.

8.4112 — L’intuition pour l’intuition est une inintelligence de la raison, puisqu’elle construit une vision sans la dynamique nécessaire à toute exploration du réel, sans la méthode de tenir ensemble, en se satisfaisant uniquement de ce qui se présente à elle.

8.4113 — L’intuition n’a d’utilité que si elle est le moyen pour la raison de se devancer elle-même, de découvrir une voie parmi les voies possibles d’exploration, et non la voie.

8.412 — L’intuition perçoit les surfaces, mais le matérialisme commande à percevoir sous les surfaces.

8.42 — Le matérialisme intuitif ne peut pas être la totalité du matérialisme, il ne peut être qu’un matérialisme des surfaces, un superficialisme.

8.421 — Un matérialisme restreint à l’intuition est un matérialisme mutilé. C’est une taxidermie de la matière.

8.422 — Les surfaces composent la totalité de ce qu’appréhende l’intuition, mais l’intuition ne doit pas être entendue comme une finalité de l’entendement, mais comme un simple avènement de celle-ci, puisqu’elle n’a pas la capacité de se projeter après l’immédiateté de son avènement.

8.43 — Le contre-intuitif a cela de supérieur à l’intuitif qu’il force la raison à voguer contre le courant des évidences, et à découvrir la face cachée de son cheminement docile, déterminé par les conditions sociales de sa constitution.

8.431 — Par une raison pratiquant le contre-intuitif, la mécanique de son déploiement peut être reconstruite contre les évidences que lui dictent ses axiomes actuels.

8.4311 — Le matérialisme doit permettre à la raison de percevoir le réel au-delà de la vérité qu’elle établit.

8.4312 — Le matérialisme est pour la raison une manière de ne jamais se satisfaire d’elle-même.

8.432 — Le contre-courant du contre-intuitif déconstruit l’opacité qui empêche la contingence des traversées du réel.

8.4321 — Les traversées du réel ne préexistent pas au sujet, mais sont une forme de la contingence d’une praxis rationnelle de son espace ontologique.

8.44 — L’idée de contemplation émerge de celle d’intuition, mais la contemplation est une immobilité de l’entendement qui croit mettre une certaine gravité en celle-ci, gravité lui permettant de voir dans.

8.441 — Pour entendre dans, et non plus seulement voir dans, il convient que la raison sinue dans le réel, qu’elle s’y confronte et qu’elle s’y mêle, qu’elle y goûte et qu’elle y sente, qu’elle interroge tout ce que la vision ne lui dit pas, qu’elle y cherche la métamorphose.

8.442 — Toute contemplation demeure une autosatisfaction du sujet qui croit pouvoir par un déploiement atmosphérique de ses sens rejoindre le sens, tout en demeurant dans une immobilité de ceux-ci.

8.4421 — Le sujet, par la contemplation, tente vainement de faire sens, mais il ne fait qu’établir une compréhension à partir de ce qu’il préjuge, du fait d’un déterminisme social qui le structure dans et par ses sens.

8.4422 — Toute contemplation demeure une production sociale qui s’inscrit dans la matrice des déterminismes prédisposant le sujet contemplatif.

8.443 — L’intuition peut devenir un outil d’exploration si elle se débarrasse de la réjouissance de ce qu’elle découvre et qu’elle le replace dans le contexte d’une exploration appelant à un excès de la vision.

8.4431 — Il faut sentir derrière l’immédiateté de la sensation : voilà le seul point de départ pour se départir de l’intuition entendue comme finalité.

8.4432 — Il faut avoir des yeux derrière les yeux, savoir les retourner vers la blancheur des intériorités pour les guider sous le derme de nos réalités, leur donner en offrande l’entrevue de ce qui est commun : la substance changeante du réel.

8.444 — Sentir doit se muer en un phénomène d’exploration dépassant ce qui s’établit dans le savoir, interrogeant ce qui est derrière les évidences. S’impose une traversée des marécages idéels qui amoindrissent la raison voulant l’extension de ses capacités à sentir.

8.4441 — Sentir doit être une circulation entre les mondes. Sentir doit refaire continuellement sa circulation entre les mondes.

8.4442 — Sentir doit être une sensualité des profondeurs, une praxis collective des échos de la matière.

8.4443 — Sentir doit sonder les atomes, tenter la pénétration subatomique, y prospecter les abysses, à la lisière desquels la raison découvre le périmètre de son savoir. Cette découverte est une invitation à l’extension de celui-ci.

8.445 — Le sens des choses est une dynamique qui ne peut être fixée par les sens. Le sens des choses doit être poursuivi par les sens en symbiose avec sa dynamique propre.

8.45 — La raison matérialiste doit être au fait de la relativité sociale de l’intuition, elle ne peut donc pas se contenter de l’immobilité de l’intuition, mais doit s’en servir comme une simple piste pour ses explorations.

8.451 — Le contentement intuitif crée de fait une immobilité de la compréhension, qui stagne autour de ce que présuppose la confrontation, et n’est plus en capacité de questionner l’altérité de la confrontation.

8.452 — Le matérialisme se contentant de sa seule intuition correspond à un matérialisme des contempteurs de la dialectique des mondes, de ces sphères subjectives et cloisonnantes qui donnent l’illusion au sujet, qui en est son centre, que le réel se borne au rayon de ce qu’il peut.

8.453 — L’intuition comme absolu est la certitude d’un accès à la vérité pour l’individu esseulé dans son monde.

8.4531 — L’entendement du réel est limité par le contentement de ses limites.

8.4532 — L’entrechoc des entendements limités du réel, qui s’entraînent les uns les autres vers une finalité de leur propre sensation, fabrique l’illusion d’un accès véritable au réel, sous ses surfaces, alors que triomphe une suffisance de la sensation, circonscrivant les possibles exploratoires de sa continuité.

8.4533 — Le contentement intuitif, l’intuition prise comme fin en soi, est une perspective spéculaire de l’individu sur lui-même, qui croit trouver dans son miroitement une réalité vraie du réel, la réalité étant toujours cette subjectivité s’accaparant le réel par une découpe suivant la forme de son entendement, et la vérité demeurant l’imposition de cette découpe à tout ce qui est autre.

8.4534 — Considérer l’individu comme un axiome social est une invention moderne qui permet de nier la perception de la structure moléculaire que sa singularité intuitive compose par l’agglomération à d’autres singularités intuitives, singularités étant à leur tour, dans leur subjectivité propre, exploratrices du réel et, de ce fait, constructrices d’une dynamique rationnelle autre. Cette considération excentrique peut aller au non-humain, au non-animal, voire au non-terrestre.

8.454 — La perception de la mécanique transformant l’évidence de la représentation en objectivité ontologique s’expose seule par une autocritique de l’intuition et de son immobilité dans l’immédiateté des choses.

8.455 — Toute intuition devrait être une invitation à la traversée rationnelle du réel, entraînant l’extension de l’espace ontologique du sujet.

8.456 — La sensation doit toujours chercher, dans un dépassement de ses intuitions, à être plus qu’elle-même.

8.5 — Le matérialisme doit devenir un matérialisme de l’infinitude s’il souhaite se rapprocher du mode d’être de la matière, c’est-à-dire de sa contingence ontologique.

8.51 — Le matérialisme de l’infinitude conçoit le réel comme une puissance ontologique de la matière, où sa substance est toujours une mutation de sa substance.

8.511 — La finitude de toute chose se subsume à l’infinitude des interactions de toute chose avec toute chose.

8.512 — Toute finitude de la matière s’inscrit dans une infinitude de son devenir.

8.5121 — La matière devient par la matière, dans la matière.

8.513 — Tout est devenir dans la matière, mais tout est aussi devenir de la matière.

8.5131 — Le vide est un devenir de la matière par la puissance de son non-être.

8.5132 — Le vide dispose un espace du non-être de la matière.

8.5133 — Le non-être est, dans le vide qu’il densifie par sa puissance à être.

8.514 — Le matérialisme de l’infinitude fait du réel un champ d’exploration ontologique pour une dynamique de la raison, qui ne cesse de sonder les profondeurs du réel et leurs constantes prolongations.

8.5141 — Plus la raison approfondit le réel, plus le réel devient profond.

8.5142 — La raison qui anime le matérialisme de l’infinitude est à la recherche des échos communs à toutes les choses, composant l’être commun de toutes les choses : le devenir.

8.5143 — L’intelligence de la raison matérialiste est la méthode de tenir ensemble les éléments qui se présentent à son discernement. Elle y sonde les interstices de leur assemblage au travers d’un accroissement contingent des capacités de cette méthode.

8.52 — Le réel perdure en son infinitude.

8.521 — L’obscurité a la consistance des accidents qui peuvent la mouvoir.

8.522 — Les contempteurs de l’infinitude du réel refusent la négation de ce qu’ils sont par ce qui leur échappe. Ils refusent la possibilité d’une profondeur inaccessible.

8.523 — Le refus de l’infinitude du réel correspond à un refus de ses extensions potentielles.

8.524 — Dans le cadre de la modernité, le refus de l’infinitude du réel donne à l’intuition une dimension politique, où elle devient sa propre fin, en tant que signe d’une propension individuelle et unique à une dite réussite sociale : l’élévation par l’avoir dans la hiérarchie sociale.

8.5241 — L’unicité de la propension individuelle à réussir socialement constitue un moteur de la discrimination entre individus, qui se présente comme la nécessité d’établir par la seule sensation individuelle une réussite matérielle au détriment de l’autre : l’individu moderne doit avoir le sens des affaires.

8.5242 — L’idéologie bourgeoise, animée par la discrimination égoïste, se sert du matérialisme intuitif pour qualifier ses constructions économiques de lois naturelles.

8.5243 — L’intuition bourgeoise est l’intuition économique à partir d’une singularité qui se confronte à d’autres singularités, sans jamais considérer la fusion rationnelle pouvant naître d’un agglomérat perceptif de sujets formant un sujet pluriel, et se situant dans une antinature de l’économie.

8.53 — L’affirmation de l’infinitude du réel dessine une tension vers l’inexploré, ou une insatisfaction de l’exploré, à partir de laquelle peut se façonner une politique collective du mouvement exploratoire de l’être vers un toujours plus de l’être.

8.531 — Dans une perspective réticulaire du sujet apparaît une construction subjective à partir des confrontations des subjectivités intuitives en œuvre. Cette dialectique permanente des subjectivités se nourrit de ce qui reste d’inconnu après l’addition des intuitions singulières pour former une politique de l’extension de l’être.

8.5311 — La rencontre des intuitions diverses conduit à leur épuisement, puis à leur métamorphose.

8.532 — Par ses intuitions, le sujet réticulaire tente de se devancer lui-même et de transcrire cette conquête extensive de l’être, qui va de soi à soi, et de soi à l’infinitude du réel.

8.533 — Il n’existe pas de contentement de l’intuition au stade collectif du sujet réticulaire, mais seulement au stade individuel de l’intérêt égoïste.

8.534 — La mise en commun des sensations de l’infinitude du réel conduit à une distribution rationnelle de l’entendement qui en découle. Son partage collectif arrange la saine et permanente agitation d’une raison dirigée vers un toujours plus ontologique de ses explorations.

8.535 — Le matérialisme de l’infinitude présente une idée pour faire politique, celle d’un communisme réticulaire, acentré, cosmique, tendu vers une conquête ontologique sensible de l’espace où le sujet n’est pas encore.

9. — Le sacré est une interrogation qui mène la vie humaine au-devant d’elle-même, dans les modulations mythiques de son récit s’adaptant à la dialectique du sujet et de son environnement.

9.1 — Le sacré est l’aura qui nimbe ce que le sujet ne peut pas résoudre de sa présence au monde.

9.11 — Le sacré est l’opacité qui à la fois sépare le sujet d’une connaissance entière du réel et stimule le sujet à désirer une réunion encore plus entière avec le réel.

9.111 — La raison du sujet va creuser l’opacité qui l’entoure pour entendre l’écho de ce qu’elle ne peut savoir d’elle-même, et entendre en cela les puissances de son devenir.

9.1111 — Ce sont les puissances du devenir de la raison qui peuvent transformer sa présence au monde, et ainsi son mode d’être.

9.1112 — Le mystère est la contingence de ce devenir dans l’opacité qui entoure la raison du sujet.

9.112 — Le sacré s’arrange dans un amoncellement dialectique de ce qu’est la raison et de l’impossible actualisation de ce qu’elle peut être dans sa présence au monde.

9.12 — Le sacré répond à une absence de réponse par l’absence de réponse.

9.121 — C’est autour des remous interrogatifs qui excitent la raison que s’invente le besoin du sacré pour que se conserve une certaine dynamique transformatrice de la vie.

9.122 — La stupeur interrogative doit se faire tension interrogative.

9.123 — Le sacré fait en sorte qu’aucune réponse ne soit possible, mais que la dynamique résultant du questionnement demeure la vitalité qui pousse la substance à sa transsubstantiation.

9.13 — À partir du besoin vital du sacré, le visible va chercher ce qu’il y a de soi dans l’invisible.

9.131 — Le sacré est un besoin vital parce qu’il offre à la vie de pré-sentir son être sans pouvoir y accéder.

9.132 — C’est la pré-sensation de l’être qui aiguille à un accroissement de sa quête sensible.

9.2 — Le besoin du sacré produit le mythe en tant que récit qui tente d’articuler la position interrogative de la raison face à sa réalité.

9.21 — La raison n’essaie en rien d’apporter une quelconque réponse face à ce qu’elle n’entend pas de sa réalité, mais façonne un récit autour de cette absence de réponse, récit par lequel la question ontologique pourra produire son cadre social.

9.211 — Le mythe se sert de l’allégorie pour former une construction sociale et impermanente du questionnement autour de la nécessité physique et permanente du devenir.

9.2111 — L’impermanence du mythe s’explique par une nécessité d’adaptation du récit aux transformations de la raison et de son environnement, et de ce que ces transformations engendrent dans le social.

9.2112 — La caractéristique évolutive du mythe demeurera une plasticité du récit formée autour d’un besoin du sacré, qui demeure quant à lui une permanence de la raison faisant face à ses limites.

9.212 — La concrétion mythique du sens engendre un foisonnement de récits dont l’ordonnance révèle l’invisible des structurations du social.

9.2121 — La latence de l’organisation mythique d’une société satisfait un besoin sourd de l’intuition groupale, celui de trouver l’ordre répondant le mieux aux confrontations de la raison à l’ampleur mystérieuse du réel.

9.2122 — L’intuition mythique s’hérite d’âge en âge, se module à chaque âge, détermine l’âge suivant tout en lui laissant la tâche de travestir l’héritage, de s’en écarter, d’oublier les liens qui se tissent, dans les mythes et par les mythes, entre les sociétés depuis que l’humain a découvert la potentialité de sa raison.

9.2123 — La latence de l’organisation mythique, qui suinte invariablement dans le quotidien de chaque humain, permet de faire face à la persistance du questionnement pour que la vie sociale puisse continuer sa reproduction, sans la pesanteur d’une conscience permanente du mystère.

9.213 — L’inconscience du mystère porte le geste vivant qui tente de provoquer le geste vivant suivant.

9.22 — Aussi démythifiée soit une société, elle ne pourra pas dépasser le besoin du sacré qui remue la raison face à ses ignorances, et même si cette raison, au travers de sa technicité, doit devenir le mythe en tant que reliquat de la démythification sociale.

9.221 — Les sociétés démythifiées se situent toujours dans une démesure de la quête ou du rejet du sens, puisqu’il ne demeure qu’un support parcellaire et inconscient à leur besoin du sacré.

9.222 — La société moderne est une société démythifiée, qui a placé ce qui lui reste de mythe dans un rapport technique à l’avoir.

9.2221 — La société moderne croit en sa domination rationnelle sur sa réalité, mais ne perçoit pas le caractère mythique tronquée qu’elle place en cette domination, sans toutefois lui accorder une conscience qui pourrait permettre un retour révolutionnaire à l’être.

9.2222 — L’inconscience du mythe moderne de la raison, reliquat d’une démythification de la société moderne imposée par une économie libérale centrée sur l’individu, fonde une ontologie de l’avoir qui explique la démesure du rapport de la société moderne à son environnement.

9.223 — La société moderne a égaré l’importance du mythe dans une distension des liens qui l’unissent aux mystères environnants de sa raison.

9.2231 — La raison moderne n’est plus une raison collective, mais une explication du comportement individuel d’un agent économique dans le cadre moderne du marché.

9.2232 — Le marché représente la réalité entendue comme totalité spatiale de la raison moderne, c’est-à-dire la raison économique individuelle. Le marché doit alors pouvoir se saisir de la totalité de l’espace que la raison peut appréhender.

9.2233 — La caractéristique totalitaire du marché s’explique par l’inconscience du mythe parcellaire moderne qui ampute la raison de la possible construction d’un mythe au-delà de la préhension de son environnement.

9.224 — L’émiettement du récit moderne, malgré un besoin du sacré qui demeure invariable même s’il reste inconscient, justifie le rapport destructeur de la raison à son environnement, puisqu’elle n’y place plus rien de commun à ce qu’elle est.

9.2241 — Le retour d’un phénomène religieux vide au sein de la modernité, vide car subissant la démythification moderne de l’avoir, ne peut advenir qu’à travers la violence consubstantielle de l’ontologie moderne de l’avoir. Ce retour se fera par l’imposition de la violence de l’avoir dans le social.

9.2242 — Les violences religieuses modernes tentent de forcer autrui à partager une croyance identique en des réponses évidées de leur consistance dogmatique, qui ne se trouvent être plus que le simulacre de leur autorité ancienne, afin de pallier la démesure d’une ontologie de l’avoir, mais sans avoir conscience que tout phénomène religieux moderne est invariablement une production sociale dont chaque caractéristique sera déterminée par les mécaniques de l’avoir.

9.23 — La concrétion anarchiste du savoir répond au besoin du sacré par la nécessité du constant débordement du savoir de ce qu’il est.

9.231 — La concrétion anarchiste du savoir, dans laquelle le savoir refuse tout régime de savoir, ne se contente pas d’être, mais tend vers ce qu’il n’est pas et trouve sa force motrice dans un rapport dialectique au mystère.

9.232 — Le savoir est mû négativement par ce qu’il n’est pas. C’est l’ignorance qui pousse le savoir vers sa métamorphose, et cette tension qui va de la connaissance au mystère de la connaissance se justifie par le besoin du sacré.

9.2321 — Le sacré demeure tout ce qui est dans le non-être du savoir.

9.2322 — Le sacré est l’espace inexploré du savoir parce qu’il est l’espace que ne peut pas envisager le savoir. C’est la zone qui est au-delà de la tension entre la connaissance et le mystère de la connaissance. Cette zone se situe dans le mystère qui vient.

9.233 — Suivant le principe anarchiste de la concrétion du savoir, la concrétion mythique du savoir déguise un fonctionnalisme social en fable des origines, afin de chasser l’angoisse nihiliste d’un savoir sans destination, qui mène la vie à sa propre extinction, et de poursuivre une volonté sourde de transsubstantiation, qui attise en la raison ce mouvement de l’engendrement du dépassement.

9.2331 — La question, qui va de la vie à la vie en passant par le crible invisible de l’ubiquité physique, est une question qui n’appelle pas à une réponse, mais se façonne dans la raison qu’elle agite, tel un moteur imposant la nécessité de s’adapter et de se transformer.

9.2332 — La question demeure sans réponse, et l’absence de réponse est la nécessité du devenir.

9.24 — Ce n’est pas le mythe qui fabrique la pratique sociale, mais la pratique sociale qui fabrique le mythe à partir du besoin du sacré.

9.241 — Le mythe doit être considéré comme une fondation idéologique de la pratique sociale, mais pas en tant que pensée originelle fondant le social, ce qui reviendrait à véhiculer indirectement une idéologie des origines, mais comme le besoin du sacré de créer un récit de la causalité du présent s’adaptant aux conditions d’existence en ce présent.

9.2411 — Le mythe simule les stabilités de l’arkhè, tout en adaptant son contenu à son époque, pour construire les liens qui articulent la vie commune à un groupe.

9.242 — La praxis qui meut une société agglomère des pratiques sociales dont les acteurs se révèlent moins importants que les pratiques elles-mêmes et leur circulation.

9.2421 — La considération d’une certaine autonomie des pratiques sociales par rapport à leurs acteurs accorde à ces pratiques une propriété créatrice du lien social.

9.2422 — Ce n’est pas l’acteur social qui constitue la société, mais les pratiques sociales et les interactions entre elles.

9.2423 — La pratique sociale fait le lien social et, par conséquent, fait l’acteur social. C’est la pratique sociale qui constitue son acteur, et non l’inverse.

9.2424 — La pratique sociale compose la société, la module, et en ce sens, il serait possible d’évoquer une vision cybernétique de la société où les pratiques sociales s’agglomèrent dans une confrontation pratique à leur environnement immédiat.

9.243 — L’agglomération des pratiques sociales fonde la concrétion mythique du savoir et produit une intelligence de l’allégorie qui tente de catalyser ces pratiques structurantes.

9.2431 — Le corollaire religieux de la concrétion mythique du savoir apparaît indirectement comme une dérive, celle du besoin de figer le récit afin de servir les intérêts de certaines classes sociales contre d’autres classes.

9.2432 — La volonté de figer le récit mythique d’une société se rapporte à une volonté de domination sur le social. Elle est le plus souvent celle de la classe sociale dominant la société, mais elle peut aussi être celle d’une classe sociale dominée voulant renverser cette hiérarchie du pouvoir et devenir à son tour une classe dominant d’autres classes sociales.

9.3 — Le phénomène religieux est un phénomène uniquement politique, qui n’a de liens que distants avec le sacré, par le figement idéologique du mythe qu’il provoque.

9.31 — La dérive du religieux se fait par l’imposition d’une hiérarchie au cœur de la dialectique entre le sujet et son environnement.

9.311 — Le religieux est la négation du sacré.

9.3111 — Le sacré qui se situe à même la matière, telle la conséquence d’une matière qui dialectise avec elle-même, est perverti par l’impérieux besoin de domination de la classe souhaitant imposer le phénomène religieux.

9.3112 — La présence du sacré en toutes choses dessert le besoin de domination sociale et doit être purgé, avec autorité et contrainte, par une dite élévation du questionnement autour de la chose vers un questionnement autour de l’essence de la chose.

9.3113 — L’abstraction sacrée du phénomène religieux évide la puissance du sacré distribuée en chaque chose, en chaque vie, disponible par chaque geste et pour chaque étant qui veut s’en saisir. Le phénomène religieux, pour perdurer dans sa dimension politique, se doit d’empêcher tout accès, par ce qu’il représente, à un mystère l’outrepassant.

9.3114 — Le simple fait, pour le phénomène religieux, de vouloir apporter des réponses strictes, sans laisser aucune place à un rapport malléable et collectif de la raison au mystère, démontre que tout phénomène religieux sera toujours une restriction du vivant dans l’être.

9.312 — La négation est en soi le fondement de la production du phénomène religieux, qui n’est autre qu’un corpus d’interprétations restrictives du réel que nous pouvons qualifier de religion, ou de chose religieuse afin d’y percevoir la production sociale normative qu’elle constitue.

9.3121 — Rapporter la religion à cette idée matérielle de chose, de chose religieuse, permet d’extraire l’éther asphyxiant d’une immanence imposée à la vie que la religion veut assujettir. Dans le terme de chose, la religion s’entend précisément comme la mécanique matérielle issue des structures géographiques, biologiques et historiques qui conditionnent une société, mécanique n’ayant pour but que de marquer une influence directrice sur ces structures génératrices.

9.3122 — Le phénomène religieux se calque sur le passage du mouvement vital au travers de la matière pour refuser à la question qui sonde le sens du devenir métamorphique de la matière son autonomie.

9.3123 — Dans l’affirmation de sa négation, la chose religieuse fige le réel en des essences masquées par une matière obstructrice, où chaque acte ne transforme pas ce à quoi il se confronte, mais capitalise sa valeur de confrontation en rapport à une cause finale de la matière.

9.3124 — La transformation permanente de la matière, mettant en cause le rapport unidirectionnel entre la cause et l’effet, est ignorée pour permettre un figement idéologique de la valeur de la cause déterminant le poids de son effet sur le sujet soumis à la chose religieuse.

9.3125 — La chose religieuse peut prendre diverses formes, y compris celle d’un athéisme d’État, tant qu’elle fige un récit structurant le social et servant les intérêts d’une classe dominante.

9.313 — La chose religieuse doit figer le récit qui la soutient afin d’asseoir sa normativité.

9.3131 — La chose religieuse place dans la somme d’instants qui compose la vie le contrôle et l’accusation.

9.3132 — Le bâton du berger est le berger, comme la damnation est la chose religieuse : un outil de direction du consentement créateur de la fonction sociale.

9.3133 — La chose religieuse nie le principe de la physique qui fait du réel une suite de combinaisons et de séparations, une perpétuelle transformation de celles-ci.

9.3134 — L’immuabilité de la chose religieuse veut une éternité de la fin, et par là une éternité du jugement de la fin, empêchant toute contingence de la transformation matérielle.

9.3135 — S’obstrue dans la chose religieuse l’idée d’un mouvement du devenir, celle des fluctuations de l’être, et ce jusque dans le récit.

9.3136 — Toute idéologie religieuse rejette toute expression de tout se transforme pour mieux affirmer toute expression de tout se fige.

9.3137 — La pensée du devenir dans la chose religieuse, par exemple au travers d’un cycle de réincarnations, demeure une fixité de l’être, puisqu’une pensée du devenir s’y établit par une immuabilité du récit, dont l’illusion du mouvement sert une stabilité de l’emprise politique éloignée de toute idée radicale de démocratie. Cette pensée du devenir ne peut souffrir les variations du savoir conséquentes de son évolution dans et par la matière.

9.314 — L’emprise sur le sujet de la chose religieuse requiert une ontologie dualiste, dans le sens d’une distinction entre une essence de la matière et sa possible transcendance, et non pas seulement dans la seule vision occidentale d’une séparation du corps et de l’esprit.

9.3141 — L’ontologie dualiste nécessaire à la chose religieuse se trouve être la seule structure permettant d’enclore la vie dans une menace de ce qui se situerait au-delà d’elle, tandis que les formes d’un monisme matérialiste laissent entendre une circulation libre de la vie dans la matière, en rejetant l’idée d’une situation finaliste après la vie, parallèle à la vie, juxtaposée à la vie, puisque la situation de la vie demeure un continuum qui traverse le réel, mute par cette traversée, et y nie toute immanence.

9.3142 — Pour la chose religieuse, l’au-delà de la vie est une situation possible, mais qui demeure incluse dans l’au-dedans de son récit.

9.3143 — L’au-delà du récit est une situation impossible pour la chose religieuse, parce qu’elle permettrait non pas un au-delà de la vie, mais une vie au-delà du récit.

9.32 — La chose religieuse se présente comme une forme politique de contrainte, hiérarchisant le social pour renforcer les structures de domination, et ceci grâce aux menaces qui découlent d’une opposition entre l’essence de la matière et la promesse de sa libération.

9.321 — La chose religieuse, par une injonction de la peur politique en l’instabilité de ce qui est dans l’être, fige l’idée de passage en celle de fin, qui deviendrait l’écho de la somme des actes ponctuant la dialectique entre toute vie et sa réalité, et dont le jugement permettrait d’établir une conformité sociale, ou son absence, à l’idéologie productrice de la chose religieuse.

9.3211 — La fin, à l’inverse du passage, cherche à stigmatiser la vie comme un lieu de fautes, fautes dont l’agencement compose négativement une morale en tant que cloison politique imposée par la classe productrice de la chose religieuse.

9.3212 — La morale, production invariable de la chose religieuse, est la fixation d’un récit normatif par le jugement politique de l’acte qui s’y conforme ou qui y diverge.

9.3213 — La morale est un phénomène politique qui nécessite une certaine organisation structurelle afin de mieux enserrer la société qu’elle tente de contrôler, et cette nécessité ne peut supporter une fluidité transformatrice de la valeur.

9.32131 — Une valeur s’inscrit, malgré les présupposés de la morale, dans une transformation fluide d’elle-même, puisque la valeur ne peut que suivre la valeur de la physique et que cette valeur demeure un mouvement perpétuel.

9.32132 — La valeur cosmique est une continuelle transformation de la valeur qui la détermine.

9.3214 — Toute théologie est une téléologie politique, et toute fin une négation de la malléabilité de l’instant.

9.3215 — Considérer la somme des actes qui ponctuent la confrontation d’une vie à sa réalité n’a d’intérêt que dans l’établissement d’une morale permettant de juger le sujet à partir duquel cette somme s’établit.

9.32151 — Le jugement d’un sujet à partir de ses actes passés est un refus de la malléabilité du présent, car il n’est qu’une potentialité coupable éclipsant l’instant de l’acte et pesant sur le futur du sujet. De telle manière, le présent du sujet demeure sous l’emprise du passé et son avenir n’est déterminé que par celui-ci.

9.32152 — Dans le cadre de la morale, le passé est toujours sa lecture subjective à partir des intérêts de la classe productrice de la chose religieuse.

9.32153 — Le refus de la malléabilité du présent permet d’imposer une représentation de celui-ci conforme aux intérêts de la classe productrice de la chose religieuse.

9.3216 — S’architecture dans la chose religieuse une morale emprisonnant l’acte en ce qu’elle juge bien, c’est-à-dire favorable aux intérêts de classe l’animant.

9.3217 — La somme des actes d’un sujet est inévitablement la somme de leur considération morale, c’est-à-dire politique, à l’aune de la menace que représente l’éternité de sa valeur cristallisée dans la mort.

9.32171 — La chose religieuse est toujours une contrainte politique de la vie par la représentation de la mort.

9.3218 — La dimension morale de la chose religieuse n’a pas un autre but que celui politique de l’asservissement.

9.322 — Les arguties religieuses ne servent qu’un nihilisme politique de la restriction du réel, et la chose religieuse n’a que faire du sacré, elle tente d’éloigner le plus possible de son centre politique les champs d’exploration qu’il ouvre.

9.3221 — Nous pouvons reconnaître, au travers de l’histoire des religions, la cible politique que fut le matérialisme, et au-delà de cette menace d’une matière cherchant son autonomie, la quasi-omniprésence du dualisme dans les religions dominantes s’emparant du pouvoir politique ou le parasitant, leur versant moniste, même non matérialiste, étant cantonné à des formes mystiques secondaires écartées à dessein du pouvoir politique que doit servir le phénomène religieux.

9.323 — La valeur de la vie, par la force intrinsèque de transsubstantiation qui la meut, nie la cristallisation des fins.

9.3231 — Retourner à la valeur de la vie conduit à abattre la morale et à destituer son pouvoir politique.

9.3232 — C’est la valeur de la vie à laquelle se confrontent les interrogations du sacré, c’est bien cette confrontation destituante que la chose religieuse cherche par tout moyen à marginaliser, à contraindre, voire à détruire, afin de préserver sa puissance de domination vierge d’atteintes révélatrices de cette puissance.

9.33 — La chose religieuse demeure dirigée, dans un schéma tripartite des fonctions sociales, par une tension à la continuité de la domination politique sur la fonction productrice, ou au renversement de la domination par une domination nouvelle sur celle-ci, dans le cas où la chose religieuse émanerait d’une minorité.

9.331 — La chose religieuse ne dépend pas d’une vision globale de la société, mais d’une vision globale du groupe, dans lequel elle se crée, c’est-à-dire du groupe compris comme un globe refusant l’existence de ce qu’il n’englobe pas.

9.3311 — Il est possible de découvrir au sein d’une minorité soumise à une classe dirigeante une chose religieuse divergeant de l’idéologie dominante, mais contenant également cette même force de contrôle au sein de son organisation sociale minoritaire.

9.3312 — La chose religieuse demeure, dans la majorité des cas, le fait de la classe dirigeante, et la chose religieuse des minorités se trouve combattue, tout en demeurant animée par le souhait d’une domination du social et donc d’une inversion du rapport de force.

9.332 — La chose religieuse et la chose guerrière ne font qu’une dans leur velléité de domination de la fonction sociale de production.

9.3321 — La chose religieuse n’existe que par sa dimension guerrière, et la chose guerrière que par sa dimension religieuse.

9.3322 — La chose religieuse n’a plus de sens si elle ne souhaite plus imposer sur la société où elle évolue une quelconque domination. Elle se trouve alors purgée de sa dimension politique et retourne aux questionnements agitant le sacré. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que le sacré est aussi, comme n’importe quel élément qui ponctue la vie au sein d’une société, une production sociale, mais dont la substance demeure mobile et au plus près du lien qui unit le vivant à la physique, dans l’absence de volonté politique d’y figer une compréhension de ce lien.

9.333 — Le sacré ne peut pas souffrir la fixation religieuse dans un phénomène social stable sans distendre ce qui lie le vivant au réel et hybrider le besoin primordial d’interroger sans cesse ce qui environne le vivant. La chose religieuse, quant à elle, ne peut asseoir sa domination sans se servir des questionnements issus de la quête du sacré pour apporter des réponses englobant toute la vie et lui commandant une conception finie de celle-ci. Nous constatons donc la tension inverse du sacré et du religieux, et l’impossibilité axiomatique de leur coexistence, l’existence de l’un menaçant celle de l’autre.

9.3331 — La différence entre le sacré et le religieux se situe dans l’outil de domination que représente la chose religieuse, tandis que les questions motrices du sacré se retrouvent dans l’insoumission nécessaire à leur pleine mobilité.

9.3332 — La chose religieuse, fonction des variations des structures sociales, reste mue par la nécessité de régir le rapport entre le vivant et son environnement, au travers d’un assujettissement s’opposant à toute possible autonomie du sujet.

9.34 — La chose religieuse est une production sociale qui sert à imposer politiquement son récit par une tyrannie sur le corps. Tout en elle est tourné vers la contrainte du corps, et c’est seulement en contraignant le corps que la société peut être mise au pas.

9.341 — La mécanique politique de la chose religieuse souhaite un contrôle matériel du corps sur le corps, puisqu’il s’agit du support organique de la vie.

9.3411 — La chose religieuse vise la vie afin de mieux détruire sa motilité, de l’empêcher d’atteindre cet état fluide de transsubstantiation.

9.342 — La chose religieuse n’a de sens que par la domination sur le corps qu’elle prescrit.

9.3421 — La chose religieuse affirme son savoir comme une cloison qui s’abat sur le corps, par la négation de tout ce qui est envisageable au-delà de sa doctrine.

9.3422 — Quelle que soit la chose religieuse ou la classe où elle se propage, la mécanique demeure celle de la fixation du sacré, dans une perspective politique de contrôle du corps.

9.3423 — Envisager, pour une minorité, un renversement des hiérarchies sociales par la chose religieuse demeure une conservation des hiérarchies sociales.

9.343 — La mort comme terme du corps cristallise la question qui agite la chose religieuse.

9.3431 — Pour la chose religieuse, pour cet instrument politique de classe, le corps n’a de sens que comme support de la souffrance du corps, afin d’y promettre soit son éternité coupable soit sa disparition béate. Cette dernière promesse demeure pourtant oublieuse de la possibilité d’une autre promesse, celle de la jouissance du corps en cette même éternité de la fin.

9.344 — L’injonction à la culpabilité doit empêcher le sujet d’avoir une pleine conscience de son action, et doit ainsi venir limiter ce qui compose l’esprit par un mélange inextricable : le corps.

9.3441 — Au-delà du contrôle de l’esprit que la chose religieuse suggère, et contre les évidences de la plupart de ses variations doctrinales, elle sous-entend une inexistence de l’esprit, ou plutôt d’un esprit purement immatériel, délié du corps, pour instiller une volonté de lier l’esprit, en lui apposant tout autour de lui un champ matériel de fautes.

9.3442 — Il importe peu d’un point de vue politique que l’esprit existe au-delà du corps, ce qui importe reste la seule promesse d’une libération de l’esprit du corps.

9.3443 — La promesse faite à l’esprit du sujet par la chose religieuse est celle de son immatérialité paisible, mais cette promesse ne trouve de raison que dans l’illusion d’immatérialité que sème la matérialité pourtant concrète d’une politique restrictive.

9.3444 — Les tenants de la chose religieuse ne croient pas en une quelconque immatérialité, ou alors ils se trompent eux-mêmes, par cette croyance, pour mieux s’autocontrôler.

9.35 — La praxis peut permettre au sujet de se distancier de la chose religieuse. L’inversion du substrat doit répondre à l’inversion du substrat. Le renversement religieux du mythe doit subir le renversement mythique du religieux.

9.351 — Le souhait d’émancipation sociale impose un retour au sacré tel un retour à la dynamique ontologique du réel, débarrassant la vie des scléroses hiérarchiques et autoritaires du phénomène religieux.

9.3511 — Le sacré doit recouvrer sa pureté d’interrogation, sans autorité et sans contrainte, avec la conscience de sa genèse qui s’inscrit dans une dialectique mystérieuse de la matière.

9.3512 — Le sacré ne doit jamais être une domination, mais un moyen de la vie qui cherche son dépassement. Tout phénomène religieux l’en empêche.

9.352 — Ce ne sont pas les réponses qui importent dans un retour révolutionnaire à l’être, mais la densité mobile du questionnement sans cesse renouvelé qui le meut.

9.3521 — Le rapport mythique au monde, qui tolérerait une adaptation du récit émanant de la dialectique du sujet et de son environnement, et particulièrement de son terme, ne pourrait pas être la production du phénomène religieux, car elle se situerait en dehors de la politique, dans une acceptation que rien n’est figé dans le récit de la dialectique.

9.3522 — L’émancipation au sein de la vie sociale passe par le recouvrement d’une conscience des causalités mythiques organisant la vie sociale. Cette conscience contribue à empêcher la domination de la chose religieuse sur la vie sociale.

9.36 — La chose religieuse fabrique, à partir de son idéologie et dans la fixité de son récit, une typologie biologique qui déforme la biologie dans l’effet de restreindre politiquement la contingence vitale.

9.361 — La distinction par la biologie n’est autre qu’une mise à distance politique de la mutation par une essentialisation de la biologie.

9.3611 — L’essentialisation de la biologie procède politiquement par l’établissement de la domination des formes du vivant entre elles et par celui de caractéristiques innées et immuables de celles-ci.

9.3612 — La considération de l’inné et de l’immuable dans la biologie consolide la structure hiérarchique d’une vision politique de la biologie, qui se construit sur l’idée de lutte entre les formes du vivant.

9.3613 — La déformation de la biologie a un objectif de distinction politique. Elle trouve une visibilité dans l’histoire humaine, au travers du pouvoir politique qu’une caste d’humains, caractérisés par certains traits biologiques, comme la clarté de leur peau, tente d’imposer sur le reste de la société par la distinction que ces traits biologiques leur accordent.

9.3614 — L’idée de lutte, entre les formes du vivant et au sein même des formes du vivant, est un travestissement politique de la biologie. Elle sert à établir une domination biologique de l’humain sur son environnement, mais aussi à permettre de justifier, directement ou indirectement, la discrimination sociale et l’impossibilité d’une égalité au sein de l’espèce humaine.

9.3615 — La corporéité de la vie humaine, bornée à une compréhension fixe de celle-ci, sert l’hégémonie de la classe sociale produisant le régime de savoir pouvant dire que la corporéité est telle qu’elle veut se la représenter.

9.36151 — La représentation du corps est toujours une représentation politique, et la représentation du corps qui ne tolère pas sa puissance de mutation est toujours la représentation du corps d’une classe sociale voulant soit consolider la verticalité de son hégémonie, soit parvenir à une domination sociale de son discours.

9.3616 — La structure patriarcale de l’économie humaine, motrice de l’économie libérale contemporaine, compartimente la société par un réductionnisme de la corporéité en adéquation avec les intérêts de la classe sociale dominant la production du discours. Le sort du féminin ou celui des minorités ethniques, tout au long de l’histoire humaine, illustre ce cloisonnement politique par la biologie, soit en restreignant le corps à certaines de ses fonctions, soit en adjoignant à ses caractéristiques une symbolique de la distinction sociale.

9.3617 — Le discours politique qui dit ce qu’est la biologie, alors que la biologie ne peut pas être en dehors de sa mutation permanente, empêche, à des fins hégémoniques, une diversité du devenir pouvant menacer sa domination sociale.

9.362 — Une femme est une femme : une femme est une réduction à une pétrification de son être. Une femme est une réclusion en sa fonction corporelle.

9.3621 — La femme n’est pas femme, elle devient femme selon les critères que lui impose le pouvoir mâle dominant. Le devenir-femme de la femme n’a pour consistance que la direction culturelle dans laquelle souhaite la limiter la classe mâle dominante.

9.3622 — Le devenir du devenir-femme demeure la faille ontologique dans l’ordre établi par le système patriarcal, puisque celui-ci est dans un refus ontologique du devenir, notamment par la manière dont la mort religieuse fige l’être. Il représente une façon de se délier de l’hégémonie culturelle, d’y échapper par la déviance, puisque le devenir est toujours une contingence ouverte à l’inattendu de la mutation.

9.3623 — C’est dans le devenir-femme, en une transsubstantiation du vivant qui n’accepte pas la fixité de l’être, mais qui s’avance comme une fluidité conduisant son identité à la suite de l’ubiquité des mouvements de la physique, que se situe un potentiel révolutionnaire de destitution de la répartition tripartite du pouvoir politique et du rétablissement d’une contingence libérée dont disposent le corps et la matière.

9.3624 — La construction du genre doit refuser toute fixité de sa construction établie, et doit devenir une étape vers une situation acceptant l’harmonie mutante du vivant au-delà de la forme humaine. La fluidité doit être rapportée à la vie même, au-delà de la simple forme humaine, vers toute la potentialité des croissances du vivant.

9.3625 — La domination mâle sur la femme est une économie, un ensemble de normes domestiques qui cherche à capitaliser l’avenir par le corps de l’autre.

9.3626 — Dire que la femme est, quelle que soit la situation sociale de cette énonciation, revient toujours à affirmer les intérêts de la classe dominant le social. Cette classe use du discours, en empêchant une fluidité de l’être, et ainsi en cristallisant le vivant en son idéologie, pour figer une structuration sociale de la domination.

9.3627 — Par la domination de la femme, ce n’est pas la femme seule qui est dominée dans le social, mais c’est tout le social qui subit une mécanique de domination.

9.363 — En reprenant un schéma tripartite des fonctions sociales, s’envisage, dans cette soumission de la femme à sa fonction re-productrice, une nouvelle illustration du pouvoir que veut fonder les fonctions guerrière et religieuse sur celle de production.

9.4 — Le sacré représente un liant du phénomène social, tandis que le religieux représente la rigidité de ce liant tentant d’empêcher le devenir du phénomène social.

9.41 — L’idéologie religieuse structure un champ fini et opaque qui chapeaute le vivant par une essentialisation de ses caractéristiques, dans le seul but de l’assujettir.

9.411 — Il n’est pas envisageable de considérer une essence du vivant, sans passer par l’étude de l’idéologie dont s’arme la chose religieuse pour créer le leurre de l’essence du vivant.

9.4111 — L’étude d’une essence religieuse relative à une essence humaine, qu’elle soit individuelle ou collective, résulte d’une déformation causée par la propension à la domination idéologique de la chose religieuse, en tant que production d’asservissement d’une classe par une autre.

9.4112 — Dans le cadre du discours religieux, le vivant est lié au diktat d’une essence prédéfinie par les producteurs idéologiques de celle-ci, et la longueur de ses liens détermine la circonférence stricte du champ de son imagination.

9.412 — Une déconstruction de l’idéologie religieuse permet un retour émancipateur à la notion de sacré par l’extension constante de son champ d’imagination.

9.413 — La négation du religieux permet un retour au sacré, et ainsi à la confrontation du sujet à son devenir.

9.42 — Le sacré possède une substance mouvante, dont la conscience doit entraîner la multitude vers son devenir émancipateur.

9.421 — Le retour au sacré doit se faire dans la perspective anarchiste que présuppose le mouvement non hiérarchique des questions qu’il soulève.

9.422 — Pour que le retour au sacré soit purgé de la chose religieuse, il doit se faire avec la conscience que le sacré demeure lui-même une construction sociale, mais qui contient une puissance de destitution du pouvoir politique caractérisé par les rigueurs de ses verticalités.

9.4221 — Pour rejoindre la dynamique du sacré, il s’avère nécessaire de procéder à un mouvement de retour, de renversement, de révolution afin de revenir collectivement aux questionnements ontologiques qui vont de la vie à la vie sans aucun intermédiaire, en débarrassant le social des scléroses provoquées par le phénomène religieux.

9.423 — Attiser les questions qui sous-tendent un retour au sacré est une praxis destituante qui ouvre un espace nouveau d’exploration à une multitude rassemblée.

9.4231 — La praxis du sacré s’entend comme une dynamique interrogatrice de la vie par la vie, accessible à tous en toutes choses et par toutes choses.

9.4232 — La praxis du sacré rétablit un champ cosmique du devenir, au-delà de la notion de verticalité, voire de celle d’horizontalité qui suppose indirectement celle de verticalité.

9.4233 — Le cosmisme de la praxis du sacré dispose une politique apolitique, non orthogonale, qui évide les structures sociales des nécessités de sa hiérarchisation.

9.4234 — Le cosmisme rend au vivant sa puissance de transsubstantiation, par une praxis du sacré qui rappelle à la biologie qu’avant d’être une déclinaison politique, elle demeure une expression contingente du cosmos.

9.4235 — Le cosmisme offre au sujet réticulaire de n’être assujetti qu’au cosmos.

9.4236 — Le cosmisme prélude l’établissement d’un communisme cosmique.

10. — Le réel est un espace du mystère où tout ne cesse de se transsubstantier, et la praxis du mystère signifie cette permanence de la transsubstantiation jusque dans le social.

10.1 — La substance du réel existe en tant que transsubstantiation du réel, qui ne tolère aucune des fixités idéelles de l’essence, établies pour limiter les capacités de l’esprit à actualiser un pouvoir autre de l’esprit, en d’autres termes un pouvoir débordant les normes sociales qui conviennent de ce que l’esprit peut être.

10.11 — Il n’existe pas une essence des choses, il existe une existence des choses, qui se module par ses interactions avec d’autres existences agitant le réel.

10.111 — Toute essence est une construction sociale de l’étant qui refuse l’inconnu de son devenir.

10.1111 — Puisque l’étant de l’être est une perpétuelle mutation de l’être en tant que devenir, dans le constant outrepassement de l’immobilité de ce que souhaite une construction sociale, il nous faut nier l’essence.

10.1112 — Une construction sociale se transforme malgré elle, en subissant le devenir irrémédiable de son environnement. Toutefois, elle continue, malgré cette transformation, de se projeter dans la fixité de l’essence autour de laquelle elle façonne sa représentation du réel.

10.112 — La chose, en tant que particularité du réel, n’a pas d’essence. Elle est mue par des propriétés qui conditionnent la confrontation de son devenir à celui de toutes les autres choses.

10.1121 — L’essence d’une chose, étymologiquement l’étant de l’être d’une chose, doit ainsi être ramenée à la substance d’une chose, étymologiquement ce qui sous-tient une chose. Cette substance saisit l’agencement des conditions matérielles de son existence et purge une quelconque dimension idéelle de sa réalité.

10.1122 — L’essence doit être ramenée à son sens d’étant, tout en délaissant les perspectives idéelles sur son être. Ces perspectives s’énonceraient uniquement pour éluder l’ignorance de ce qui sous-tend la dynamique d’existence.

10.113 — L’affirmation de l’essence est une pusillanimité de l’esprit qui ne sait que faire des mystères de sa substance organique. Il s’injecte l’anesthésiant de l’idée de l’idée, cet éther qui nie la matérialité de l’idée, pour tenter d’être par-delà l’effroi que lui cause sa fin.

10.1131 — L’esprit se refuse à sentir qu’il ne décline pas, mais se transforme dans le devenir de la matière, et par la matière qui le compose.

10.1132 — L’esprit existe, et, par son existence, l’esprit peut sentir, puisque l’esprit existe par sa matière qui se dialectise dans la mémoire de cette dialectique.

10.1133 — L’esprit a le pouvoir de sentir que l’esprit des choses existe sans la nécessité idéelle de leur essence, et il a le pouvoir de sentir, par là même, que l’essence des choses est une construction sociale qui entrave le devenir de leur existence.

10.1134 — L’esprit tente d’établir constamment autour de lui le rassérénement d’une stabilité de l’être confondu au réel, mais le réel n’a pas de stabilité dans l’être, il est l’être en tant que devenir de la confrontation.

10.12 — Le réel croît par une perpétuelle confrontation à lui-même, et de cette dialectique substantielle apparaît pour l’humain une concrétion temporaire du savoir, qui peut donner l’illusion d’une essence, mais ne peut pourtant se représenter que dans l’image d’une destruction conduisant à la concrétion suivante du savoir.

10.121 — La recherche d’une essence est la négation de la praxis, tandis que la recherche d’une substance est la négation de la négation de la praxis.

10.1211 — La négation de la négation de la praxis sonde la matière dans le but de dévoiler sa puissance vectorielle et d’entendre ce que l’existence a de dialectique.

10.122 — La matière s’anime, et c’est dans la motricité de cette animation que peut être creusé le sens des rapports dialectiques de la matière, de leur moteur qui se situe dans l’invisible du réel.

10.1221 — Une essence de la vie humaine serait une déformation de la rigueur évolutive du devenir humain, détaché des rapports dialectiques de la matière dans lesquels il s’inscrit.

10.1222 — L’ontologie ne peut être qu’une pratique du devenir, une raison qui va à la dynamique de l’étant. Elle ne se situera jamais dans la fixité d’un étant de l’être. Elle ne connaîtra jamais aucune essence.

10.13 — La substance du réel est la nécessité de l’accident.

10.131 — L’accident est une actualisation de la puissance du devenir.

10.1311 — L’accident est en chaque situation de l’espace.

10.1312 — Il n’y a pas à dissocier la substance de l’accident, puisque l’un ne peut exister sans l’autre, la substance étant un devenir par l’accident qui la conduit dans le devenir.

10.1313 — Une substance sans accident est la création idéelle d’un réel sans devenir. Elle est une construction de l’esprit qui se rassérène en croyant à son propre absolu, en disant, hors de lui, l’absolu.

10.1314 — Le réel est une puissance de l’espace, et la puissance n’existe que par la possibilité de son actualisation.

10.1315 — Sans accident, la substance n’est pas, puisqu’elle ne peut pas devenir. Sans substance, l’accident n’est pas, puisqu’il ne peut pas advenir. Sans indivision de l’accident et de la substance, le réel n’est pas, puisqu’il ne peut pas survenir.

10.1316 — Le réel survient, et survient en permanence dans la transsubstantiation de ce qu’il est.

10.1317 — Par la fusion de l’accident et de la substance, le réel est, parce qu’il peut pouvoir être, dans chaque situation de sa croissance.

10.132 — Dans l’établissement restrictif du réel, par l’entendement de la substance telle une abstraction du réel, l’accident est relégué à une particularité qui ne peut être rapportée nécessairement à l’étant d’une chose.

10.1321 — La relégation de l’accident à une ontologie de la non-nécessité permet à l’esprit d’évacuer la nécessité de sa transformation, pouvant aller jusqu’à la disparition de l’état à partir duquel il peut sentir sa dialectique au réel, c’est-à-dire son mode d’être.

10.1322 — Une conceptualisation abstraite de la substance ferait de l’accident une non-nécessité accessoire à son devenir, mais c’est cette abstraction qui doit être chassée afin de percevoir le principe nécessaire de l’accident.

10.133 — La nécessité de la nécessité est la contingence.

10.1331 — La substance d’une chose n’existe que par l’agrégat de ses accidents, qui s’associent au devenir de l’espace où ils adviennent.

10.1332 — La substance humaine correspond à l’histoire des accidents d’une certaine forme biologique de la vie.

10.1333 — L’histoire humaine ne s’entend qu’au travers de la construction sociale faite autour des couches successives d’accidents, qui ont vu la matérialité de la forme humaine dialectiser tant avec la matérialité de son environnement qu’avec sa propre matérialité.

10.13331 — L’histoire humaine est un agencement des conditions matérielles de la vie en tant qu’espace d’avènement de l’accident.

10.1334 — La confrontation de la vie humaine au réel constitue le noyau évolutif de sa substance, qui se comprend dans l’impermanence d’un état social de la dialectique.

10.1335 — La vie humaine n’est que dialectique, et toute dialectique humaine n’est toujours qu’un dialogue avec l’inconnu de l’accident à venir.

10.1336 — La nécessité humaine est la mutation de sa forme à la forme de l’accident.

10.1337 — La vie humaine a la forme de l’accident.

10.14 — Les choses sont non par leur substance, mais par leur puissance de transsubstantiation.

10.141 — La transsubstantiation est le mouvement de la dialectique de la dialectique. Elle est le point de bascule où la synthèse de la dialectique de la matière à sa réalité immédiate annonce la thèse de ce que sera la matière dans la dialectique à venir.

10.1411 — La dialectique de la dialectique est une mise en abyme d’un devenir qui est dans l’insatisfaction permanente d’être.

10.1412 — La dialectique de la dialectique n’est pas double, elle n’est pas la conflagration de dialectique, elle est déjà triple dans l’association qui pourra surgir de sa progression dans l’espace de son devenir.

10.1413 — Toute dialectique annonce une dialectique suivante, par l’impossibilité d’une fixité de sa synthèse.

10.142 — Dans la transsubstantiation doit être sondé non ce qui est dans la transformation, mais ce qui soutient, indissociablement, la forme nouvelle de la substance.

10.1421 — La transsubstantiation doit être comprise comme la nécessité de la transformation qui anime la substance.

10.1422 — La transsubstantiation conduit la substance à se transformer perpétuellement par la confrontation dialectique qui va de la matière à la matière, confrontation résultant des principes de la physique.

10.1423 — La forme n’existe pas sans la substance, et inversement. Leur inextricabilité conditionne le mouvement du réel.

10.143 — La déconstruction de l’essence, ou plutôt l’acceptation de la transsubstantiation permanente du réel, déplace la dynamique ontologique du monde vers une idée matérielle de substance humaine inscrite dans un réel devenant avec elle.

10.1431 — Le réel ne devient pas indépendamment du devenir humain, mais avec lui, malgré lui, malgré sa possible disparition.

10.1432 — L’avènement de la disparition du devenir humain dans le devenir du réel n’est pas la marque de l’indépendance du devenir du réel par rapport au devenir humain.

10.14321 — Dans un devenir du réel qui serait sans le devenir humain demeureraient les traces de ce que fut en tant que devenir l’humain.

10.1433 — Le réel devient avec tout ce qui le constitue et tout ce qui peut le constituer.

10.144 — La nécessité de l’accident fait de la substance de la vie humaine une continuelle transsubstantiation des conditions de son établissement.

10.1441 — L’impermanence d’un état social de la vie humaine peut être opposée, et ainsi indirectement définie, à la permanence d’une contingence transformatrice de l’accident qui fait advenir cet état social.

10.1442 — Le groupe humain qui souhaiterait se saisir consciemment de la transsubstantiation qui anime le réel, telle une praxis lui offrant une émancipation dans son devenir, commettrait, pour les régimes de savoir passés et présents qui ont modelé l’humanité, une faute morale, puisque ce groupe remettrait en question l’ontologie finaliste sur laquelle s’appuie jusqu’à ce jour le pouvoir politique de l’humanité.

10.2 — Le mystère est une mise en abyme de l’obscurité du réel, dont la découverte a la puissance de propulser la raison en sa traversée.

10.21 — Le mystère s’oppose au mystère, comme la raison s’oppose à l’irraison.

10.211 — Dans l’opposition entre mystère et mystère, c’est à la raison qu’il incombe de constituer la distinction, en disposant la différence entre un mystère comme finalité et un mystère comme moyen.

10.2111 — L’opposition entre mystère et mystère se place dans la langue telle une faille qui laisse entrevoir un champ de la praxis.

10.2112 — L’étymon de mystère souligne sa dialectique interne : muéô dérive de múô, l’initiation découle de la fermeture. Le grec ancien entend l’apprentissage à partir de ce qui se ferme, du sens qui se refuse.

10.212 — La raison et sa dynamique de croissance se retrouvent entièrement dans la dialectique de la langue, qui fait du mystère une raison se dépassant elle-même au travers d’une initiation à ce qui est fermé.

10.2121 — Ce qui est fermé peut s’ouvrir, et c’est à cette praxis que le mystère doit conduire la raison.

10.2122 — La fermeture ne représente pas le réel au travers de l’idée de frontière, mais de celle de traversée.

10.2123 — Le mystère réside dans la physique, comme la fermeture dans ce qui devient.

10.2124 — À partir de la considération qu’une chose est, malgré le fait qu’elle semble ne pas être pour notre raison, en d’autres termes, qu’elle se ferme à nous, il faut entendre la puissance d’une ouverture de cette fermeture de l’être.

10.21241 — L’ouverture de la fermeture ne se contente pas d’être une puissance de la révélation. Puisque le réel devient avec ce qui le constitue, l’accroissement de la connaissance du sujet méconnaissant fait évoluer le devenir du réel, et la révélation se présente ainsi comme une stimulation des potentialités du devenir, et ainsi une potentialité des transformations de l’être de la chose méconnue.

10.21242 — Il ne sera jamais possible de connaître l’être d’une chose fermée, dans l’instant de sa fermeture. L’ouverture à la raison d’une chose jusqu’alors fermée à la raison ira à la transformation tant de l’être de la chose, que de l’être du sujet qui découvre la chose après son ouverture.

10.21243 — La substance d’une chose fermée n’est pas la même que la substance d’une chose ouverte qui aura connu l’accident de son ouverture.

10.2125 — Le mystère se présente toujours comme une irrésolution motrice. Son dévoilement ne correspond pas à son extinction, mais au dévoilement du voilement suivant.

10.213 — L’initiation permet d’aller dans le mystère, au cœur de ce qui est fermé, et ainsi, par cette présence en la fermeture, elle permet de transformer la chose, par le passage de sa fermeture à son ouverture. L’initiation va dans le mystère, le traverse, le transforme par sa traversée, sans jamais le faire disparaître.

10.2131 — La considération d’un devenir du mystère par une dialectique entre le sujet méconnaissant et la chose méconnue est le point clef d’une initiation au mystère qui attise tant le devenir du sujet que celui de la chose mystérieuse.

10.2132 — Le mystère ne se résout pas, il est une tension irrésolue entre le sujet méconnaissant et la chose méconnue, préfigurant le mystère à venir.

10.2133 — Le mystère n’est jamais une violence entre la chose méconnue et le sujet méconnaissant, dans l’empêchement de leur devenir commun.

10.2134 — L’ennemi du mystère apparaît comme le mystère de la fermeture fermée, à savoir comme la manière dont il est appréhendé socialement par un régime de savoir refusant à ce qui est fermé sa capacité à transformer ce qui est ouvert, et inversement.

10.2135 — L’initiation à la fermeture ne peut pas être une satisfaction de la cloison, comme un serrurier ne se contenterait pas d’une porte close pour pratiquer son art.

10.2136 — Il nous faut combattre l’impossibilité de s’initier à ce que la chose fermée est et ce qu’elle peut pouvoir être par l’initiation, en nous et pour elle-même.

10.22 — La vision horizontale et mécaniste de l’initiation, qui s’entend comme une traversée transformatrice du mystère, s’oppose à une vision verticale et finaliste de l’initiation, que nous qualifions de mysticisme, et qui dispose l’accession à ce que dissimule le mystère tel un achèvement moral à partir duquel peut s’établir une hiérarchie sociale.

10.221 — Une verticalité de l’accession au mystère sous-entend une élévation vers sa résolution telle une fin.

10.2211 — La verticalité de l’initiation dresse une opacité du monde du sujet comme une frontière séparant les êtres. Le mystère s’y échafaude comme une finalité de la discrimination, une discrimination par la sensation paisible de la transcendance du sujet individué.

10.222 — Dans une vision verticale du mystère, il faut s’y hisser par des pratiques du corps, convenues socialement, afin de sentir ce qui se cache dans le réel. Cette accession serait la finalité paisible de l’esprit individuel qui atteindrait un état transcendant de communion.

10.2221 — Il revient à chaque individu de produire les efforts sociaux nécessaires pour goûter à l’achèvement moral d’une vision verticale de l’initiation par son propre corps. Une telle vision promeut ainsi indirectement une vision individuante de la confrontation du sujet à son environnement, en restreignant le sujet à l’individuation de sa corporéité.

10.2222 — La discrimination produite par une vision verticale de l’initiation se sert de l’esprit comme d’un leurre pour établir une impassibilité face à l’aléa de la sensation que peut subir le corps. Cet établissement produit une nouvelle discrimination sociale par le corps, dans la capacité pour certains sujets individués de se situer au-delà de ce qu’est le corps, ce qui fait du corps une valeur morale négative discriminant les sujets entre eux.

10.223 — La transcendance est l’outil mystique dont use socialement le contempteur du devenir mystérieux du réel.

10.2231 — Le mysticisme fait du mystère sa propre fin où résiderait le secret d’une possible transcendance du corps accessible par le seul corps individué du sujet.

10.2232 — Le mysticisme fonde un égoïsme, qui s’occupe du contentement d’une caste d’individus, par la sensation subjective d’une soi-disant transcendance du réel.

10.2233 — Les pratiques mystiques sont socialement hiérarchisées, le plus souvent au sein d’un culte mystique, mais également par une considération comparative des individus au sein du groupe, comparaison établissant une distinction hiérarchique entre l’initié et le non-initié.

10.2234 — Le mysticisme est une aristocratie, où certains, les meilleurs, savent sentir au-delà de l’immédiateté du réel, par leur seul mérite d’ascension de l’essence mystérieuse du réel. L’outil qu’y représente la transcendance aide à cette discrimination des meilleurs.

10.2235 — La transcendance n’est jamais un partage permettant au sujet de devenir nombre dans le devenir de sa traversée du réel, au-delà de son immédiateté.

10.2236 — Le mysticisme se suffit d’une promesse à la transcendance, maintenue néanmoins à bonne distance d’une praxis entendue à son échelle collective et partageuse.

10.2237 — La transcendance est un outil social privant le sujet de son pouvoir révolutionnaire, que le sujet subisse ou non la discrimination de ne pouvoir y accéder, parce que la transcendance se place comme un chemin qui va au-delà de la matière, et conséquemment de la matérialité du social.

10.2238 — La transcendance discrimine en repoussant tout ce qui ne répond pas aux intérêts de la classe qui en use.

10.23 — Le mysticisme, qui qualifie la stagnation transie du sujet individué au sein de l’opacité de son monde, doit être combattu, puisqu’il est un établissement du mystère pour le mystère.

10.231 — Le mystère forme un danger lorsqu’il est un contentement de lui-même, lorsqu’il refuse intrinsèquement toute idée de son dépassement et de la perpétuation du dépassement. Cette pratique aristocratique du réel rejette toute transsubstantiation du réel.

10.232 — Le mystère s’oppose au mystère, lorsque ses pratiques rationnelles refusent à l’irraison sa résolution du mystère dans une fixation opaque et discriminatoire du réel.

10.2321 — Le mysticisme, qui prend le plus souvent les apparences d’un spiritualisme dualiste, mais qui peut aussi se décliner en un matérialisme satisfait de l’espace auquel le borne l’immédiateté du réel, se présente comme une irraison de l’immobilité, en cela qu’elle présuppose un dépassement essentiel, sans mettre en œuvre une dialectique cherchant l’extension du domaine de sa contingence.

10.2322 — Les pratiques irrationnelles du mystère constituent le plus souvent, par leur agglomérat, un culte social plus ou moins organisé, le mystère demeurant toujours une pratique sociale malgré certaines de ses appréhensions qui prétendent à la transcendance singulière, comme l’ascétisme ou l’érémitisme. Ces pratiques prolongent néanmoins un héritage culturel par la confrontation d’une pratique sociale du corps et d’un questionnement ontologique.

10.233 — Le mysticisme peut être déconstruit par une raison établissant la fermeture du réel comme un lieu de passage, comme une extension de l’espace ontologique d’un sujet pluriel, sujet lui-même entendu en tant qu’espace d’agglomération accessible librement à chaque vie.

10.2331 — Le réel ne peut pas être transcendé sans être nié, il ne peut être que transsubstantié, il ne peut être qu’une extension de lui-même : un espace devenant du devenir.

10.234 — Doivent être distinguées les nuances qui ornent le réel se refermant sur lui-même, s’éloignant de notre œil animal si peu enclin à observer sous les apparences. Doivent être distinguées ces nuances non par les caractéristiques de leur substance cachée, mais par la manière dont elles sont appréhendées socialement.

10.3 — Le mystère doit se saisir comme une praxis rationnelle et non hiérarchisée de l’extension des possibles s’offrant au sujet réticulaire, à la socialité qui le compose.

10.31 — La praxis du mystère en tant qu’initiation doit chercher sa propre distribution rationnelle, accessible à tous et par toutes choses.

10.311 — L’initiation au mystère doit être un partage, un mouvement social qui tente de sentir l’opacité et la traversée qui peut y avoir lieu.

10.3111 — Si le mystère est une fermeture, son initiation doit être un mouvement commun vers cette fermeture, une initiation en tant que partage de la traversée.

10.312 — L’initiation au mystère prend, dans une perspective contemporaine, la forme de la science qui sonde l’obscurité qui se dresse face à elle.

10.3121 — La science tente de dissiper l’obscurité immédiate du réel pour envisager la dialectique d’une obscurité médiate à venir.

10.3122 — La science tente de dissiper l’obscurité pour faire de cette dissipation l’événement signifiant d’une amplification du mystère : la science ne retient pas le sujet dans ce qu’elle révèle, elle le propulse en l’inconnu.

10.3123 — La science est la voie vers une initiation collective au mystère, au travers de la confrontation à ce que le cosmos détient d’inexploré.

10.313 — C’est à la science et à son exactitude de cultiver les questionnements autour du sacré par une confrontation précise et rationnelle à ce que le mystère retient.

10.3131 — La science s’entend tel l’effritement de la rétention du mystère. Elle préfigure l’idée qui se situe après la certitude de l’idée, auprès d’une matière tout entière à sa fuite en avant.

10.3132 — La science ne doit pas être saisie par une approche finaliste, mais comme un moyen, celui d’une traversée de l’instant du régime de savoir qui la fonde.

10.3133 — La science ne produit pas un savoir absolu, mais possède les précarités de l’entendement qui le façonne.

10.3134 — La rationalité du mystère, au travers d’une science sondant le réel, ne doit pas être réduite à un simple mécanisme causal, qui tenterait d’établir strictement des catégories de causes et des catégories d’effets. Elle propose au savoir sa propre transsubstantiation.

10.314 — L’initiation au mystère, qui ne détourne pas d’une théorie rationnelle de l’extension ontologique du sujet pluriel, dessine une voie émancipatrice, à laquelle chaque singularité qui compose la pluralité subjective peut contribuer librement.

10.3141 — L’extension de la contingence du mystère à venir, par le savoir scientifique, dote l’humanité d’une sensation motrice du mystère : la sensation de se traverser soi-même, de découvrir la métamorphose à venir de la substance, au-delà des finitudes corporelles de la singularité individuelle, la sensation de participer collectivement au changement de substance du réel, et conséquemment du social.

10.3142 — L’objectivité de la sensation de la transsubstantiation, et non de la transcendance, doit être creusée et distribuée horizontalement pour que s’envisage une extension de la contingence du mystère.

10.3143 — L’extension de la contingence du mystère est une extension de l’espace ontologique du devenir.

10.32 — La praxis du mystère permet de traverser ontologiquement le réel en l’étendant par sa seule traversée.

10.321 — Ce qui compte n’est pas de traverser pour atteindre un achèvement de la traversée, mais de traverser pour perpétuer la traversée.

10.322 — La mécanique du devenir dans le mystère est un continuum de la dialectique entre l’être et l’être lui-même.

10.3221 — La mécanique du devenir dans le mystère est celle d’une critique de la causalité comprise dans une stricte séparation temporelle de la cause et de l’effet. Cette mécanique pourrait être qualifiée de quantique, voire, de manière contre-intuitive, d’anticausale.

10.32211 — La cause et l’effet n’existent pas, puisque tout est à la fois cause et effet, simultanément.

10.323 — Par la praxis du mystère, la raison cherche à s’accroître et à accroître ainsi les possibilités d’une extension de la spatialité ontologique où à la fois le sujet évolue et se confond.

10.3231 — L’intellect humain balbutie un agencement technique de la raison, qui reste un apprentissage de sa transsubstantiation. Il recherche un toujours plus de ses possibles.

10.3232 — Toute restriction de la voie vers le mystère reviendrait à retenir l’humain en une stagnation de son miroitement : rétention dans une immobilité niant la puissance de son mouvement de dépassement.

10.3233 — Le mystère attise une fuite en avant, tel un dépassement de ses représentations présentes.

10.33 — Le réel se heurte au réel et ne cesse de s’engendrer. La praxis du mystère vise le dévoilement de cet engendrement et de la contingence qui en découle, jusque dans le social.

10.331 — Le champ des possibles s’étend par un mystère qui se pratique rationnellement en vue de sa résolution et de la révélation du mystère le prolongeant. Dès lors la rationalité du mystère apparaît par la rationalité de la praxis.

10.332 — La praxis du mystère est mue par une volonté à la transsubstantiation.

10.3321 — La volonté à la transsubstantiation, la volonté qui va à la transsubstantiation davantage que la volonté qui veut détenir la transsubstantiation, se fait mouvement rationnel d’aller dans ce qui se ferme et d’y révéler l’espace devenant qui s’offre à l’être.

10.333 — En évitant de constituer sa propre fin, la praxis du mystère cherche la dialectique qui ne se contente pas de la facilité de la causalité, mais cherche au contraire un dépassement de la croyance dualiste de la cause et de l’effet, par l’établissement d’une permanence de la révolution de la cause et de l’effet, révolution qui se comprend comme une permanence de la confrontation transformatrice du réel à lui-même.

11. — La praxis critique ontologique du sujet réticulaire l’entraîne vers un retour à l’être, dans un soulèvement révolutionnaire de l’être.

11.1 — Le monde n’est plus ni à interpréter ni à transformer, il est, dans un seul et même mouvement de révolution, à réinterpréter et à retransformer.

11.11 — L’interprétation et la transformation se suivent et se poursuivent dans une corrélation qui fait événement : l’événement d’une conscience révolutionnaire.

11.111 — En renvoyant précisément l’interprétation à l’interprétation en soi se révèle une intermédiation de l’immédiateté environnementale à laquelle manque un pouvoir de sondage du dissimulé, tandis que le renvoi de la transformation à la transformation en soi expose une fluctuation des surfaces où n’arrive pas à se déployer en profondeur la raison afin de prédisposer un changement substantiel, et ce contre tout contentement superficiel.

11.1111 — L’évidence de l’interprétation se situe dans une passivité de la confrontation au réel, alors que l’interprétation se saisit aussi du réel pour le modeler en un espace d’existence pour la raison.

11.1112 — L’évidence de la transformation se situe dans une activité de la confrontation au réel, alors que la transformation change la forme apparente du réel, selon une chaîne déterminée de causalité, sans toujours opérer une modification substantielle de celui-ci.

11.112 — L’interprétation se présente comme une glose d’une transformation précédente et menant à la transformation transformatrice du cadre depuis lequel sa capacité interprétative s’emploie. La causalité façonne son illusion à partir d’une boucle qui quête pourtant son allant.

11.12 — C’est l’entremise de l’interprétation et de l’inintelligence de la transformation qu’il s’avère nécessaire de relever, par l’entrechoc de l’interprétation interprétative et de la transformation transformatrice.

11.121 — La raison, par un mouvement autoréférant des signes qu’elle emploie, peut créer la permanence d’un mouvement du devenir, où les séquences d’interprétation et de transformation n’existent plus en leur unicité causale, mais existent, tel un état quantique, en une superposition où l’interprétation est à la fois transformation, retransformation et réinterprétation découlant de celle-ci, et la transformation est à la fois interprétation, réinterprétation et retransformation.

11.122 — Le fait de délaisser une séquence d’interprétation et de transformation pour se saisir des notions de réinterprétation et de retransformation offre à la raison de se placer en dehors des évidences de la causalité.

11.1221 — La causalité s’efface dans la disparition de la séquence interprétation-transformation.

11.13 — La réinterprétation-retransformation est l’action herméneutique qui s’inscrit dans un retour métamorphique sur elle-même, et conséquemment sur l’objet avec lequel elle dialectise.

11.131 — L’action herméneutique, en d’autres termes la réinterprétation-retransformation qui se saisit de sa réalité immédiate, est une récursivité agissante de la raison qui poursuit la métamorphose permanente de l’être.

11.1311 — L’articulation de l’action herméneutique provoque une identité mouvante et cyclique de l’interprétation et de la transformation.

11.1312 — La situation de l’action herméneutique se trouve en même temps dans ce qui la devance et dans ce qui la précède.

11.1313 — Le mouvement de l’action herméneutique est un retour continuel sur soi, mais pris dans l’extension de l’espace qui compose le soi.

11.1314 — La réinterprétation et la retransformation de l’action herméneutique signalent leur identité dans l’émiettement des simplicités causales de l’appréhension du réel pour signifier une superposition des états du réel où à la fois tout était, est et sera.

11.1315 — En l’action herméneutique, la construction causale s’efface. L’effet y est cause, et inversement, en l’événement identique de leur transsubstantiation.

11.1316 — Pour souligner l’identité de la réinterprétation et de la retransformation, il importe de rapprocher cette jonction des pratiques sociales qui agitent une praxis du soulèvement, tout en écartant l’évidence sémantique de la passivité interprétative et de l’activité transformatrice.

11.1317 — L’évidence sémantique apparente de la passivité interprétative et de l’activité transformatrice demeure l’outil de la contre-révolution dont use le régime de savoir dominant, et que l’action herméneutique cherche à annihiler.

11.132 — La synthèse additive des caractéristiques propres à l’action herméneutique explique la mécanique vitale du devenir, se comprenant par la croissance de sa spatialité et non par l’avancement de sa temporalité.

11.1321 — Ce qui devance devient ce qui précède et réciproquement, dans un mouvement de révolution.

11.1322 — L’événement de la conscience révolutionnaire apparaît comme une fatalité de l’accident dans la révolution infinie du devenir.

11.133 — L’action herméneutique révèle à la conscience sa puissance révolutionnaire.

11.1331 — L’action herméneutique s’opère en l’événement de la praxis que nous nommons révolution.

11.1332 — La dialectique entre le sujet et le réel est toujours une dialectique de la dialectique, retournant en son endroit initial, qui est à la fois l’achèvement de son cycle, l’avènement de son cycle prochain, l’événement du cycle révolutionnaire lui-même.

11.2 — La révolution ontologique, qui se propage dans la conscience du sujet par le mouvement cyclique de l’action herméneutique, se transcrit dans le social par une praxis du soulèvement.

11.21 — La révolution ontologique est un soulèvement du réel qui va à sa transsubstantiation. Une praxis du soulèvement correspond à la transcription politique de la révolution ontologique dans le phénomène social.

11.211 — Le retour du même n’est pas un retour au même, il marque sa progression dans l’être par l’inscription de la révolution dans une extension continuelle de l’être.

11.2111 — L’être en tant que devenir est une révolution permanente de l’être.

11.2112 — La spirale est une torsion, son tournoiement une tension vers un toujours plus de son être.

11.2113 — La révolution par un mouvement de retour continuel de l’être à l’être provoque une transsubstantiation de l’être.

11.2114 — L’étape synthétique de la dialectique ne se contente pas d’être, mais établit son toujours plus dans un retour révolutionnaire de son mouvement de dépassement, et ce mouvement de dépassement se saisit de sa propre évolution pour faire révolution.

11.2115 — Le phénomène de dépassement ne s’entend pas comme le simple franchissement d’une étape, mais comme la traversée prise pour elle-même, là où se relève sa dynamique en soi.

11.212 — La notion d’Aufhebung totalise ce que constitue le phénomène de dépassement dialectique par une conjonction de la négativité et de la positivité de son signifié, à la fois suppression et conservation, en exprimant ce qui se maintient dans ce qui s’abolit, mais en laissant entendre sa transformation.

11.2121 — La négativité positive de l’Aufhebung, notion traduite tantôt par dépassement, tantôt par sursomption, s’entend le mieux dans ce que d’aucuns ont traduit par le terme de relève. Celui-ci continue malgré tout de contenir un manque par rapport à l’Aufhebung. La signification de changement du terme relève n’a pas à la fois la force négative d’abrogation et celle positive de maintien, voire de dépassement. Il faudrait coupler au terme de relève le sens de relèvement, tout en accentuant cette opposition de leur négativité et de leur positivité, ce qui peut s’entendre en revenant simplement aux multiples sens du verbe relever. Malgré une traduction exacte quasi impossible, rapprocher le signifié du verbe aufheben de celui du verbe relever exprime la tension synthétique de l’Aufhebung dialectique, en contenant des sens contradictoires qui fabriquent ensemble une synthèse.

11.2122 — Le verbe relever peut décrire par une variation autour de sa racine l’ensemble du processus dialectique. Relever marque ainsi les mouvements de la dialectique, avec la thèse ou la levée, l’antithèse ou l’enlèvement, la synthèse ou la relève.

11.2123 — L’Aufhebung de la substance va au soulèvement du mystère du réel.

11.213 — La dialectique de la dialectique fait de la relève un soulèvement de ce qui s’y dissimule.

11.2131 — La révolution ontologique se relève dans le social par une praxis de son soulèvement.

11.22 — La praxis du soulèvement fait de la praxis une critique ontologique agissante en tant que révolution ontologique du social.

11.221 — La praxis du soulèvement articule la jonction révolutionnaire entre création et théorie par une action herméneutique, appliquée par le vivant à ce qu’il considère être, afin de déterminer ce que l’être serait au-delà de sa considération.

11.2211 — La praxis du soulèvement tente de relever, pour la raison qui la met en œuvre, la potentialité actionnelle de ce qui se dissimule derrière les évidences de l’espace du devenir où se développe la vie.

11.2212 — Qu’est-ce que la révolution si ce n’est le perpétuel soulèvement du même l’entraînant vers sa variation, le carré de son Aufhebung, brisant son identité et réordonnant le désordre de ses brisures ?

11.222 — Dans l’image torsive de la spirale, le mouvement de révolution s’entend comme une récursivité de la dialectique, comme la négation de la négation qui se réapplique au résultat de la négation de la négation.

11.2221 — La négation de la négation se multiplie par elle-même, elle est la synthèse au carré, le recommencement du recommencement de son mouvement critique : voilà la perpétuité du soulèvement.

11.2222 — Le soulèvement quête le mouvement du toujours plus dans et par le tourbillon qui l’entraîne vers l’inconnu de son devenir.

11.2223 — La praxis du soulèvement a la capacité politique de briser la cristallisation de ce qui est, causée par ce qui paraît, par la volonté d’établir pour le social une accélération de son devenir.

11.23 — L’action herméneutique est une critique ontologique, dans le sens qu’elle exerce ses capacités de discernement en deçà de ce qui paraît, à la recherche des dynamiques de ce qui peut se soulever en son être.

11.231 — La critique qui se déploie par l’action herméneutique permet à la raison de discerner le devenir de son être.

11.232 — La critique se place entre la passivité de l’interprétation et l’activité de la transformation, comprises en leur acception classique, pour les fusionner en une praxis substantiellement révolutionnaire.

11.2321 — L’action herméneutique est une modalité de la praxis du soulèvement.

11.2322 — L’interprétation et la transformation du réel se trouvent relevées par l’action herméneutique qui réinterprète-retransforme sa réalité immédiate par le discernement de la critique appliquée au réel.

11.2323 — La critique issue de l’action herméneutique alimente un discernement de la praxis jusqu’à une conscience mettant en cause le régime de savoir à partir duquel le sens de la critique s’entend.

11.23231 — La critique devient critique de la signification de la critique, pour relever le régime de savoir à partir duquel la critique apparaît, et ainsi opérer sa propre mutation.

11.2324 — L’action herméneutique provoquera dans le social l’apparition de nouvelles formes de sa substance par le renouvellement de la signification du social, et conséquemment provoquera une mutation de la substance du social elle-même du fait de ce lien inextricable entre forme et substance du réel.

11.233 — Ne succèdent plus à des perspectives théoriques des perspectives politiques dans une décomposition distinctive du processus historique, mais s’opère une jonction de l’action, de la théorie et de la création dans le mouvement d’un soulèvement se soulevant lui-même, dans le cycle exponentiel d’une extension de l’être.

11.3 — Pour que la permanence de la révolution de l’être trouve son extension jusque dans le social, la praxis du sujet réticulaire doit être une permanence de la critique de sa participation à l’être.

11.31 — Toute praxis a fondamentalement la puissance de se déployer dans le réel par sa nature critique et sa nature ontologique, puisqu’elle peut déployer un champ actionnel créateur d’une continuité spatiale de l’être, à partir d’une compréhension réflexive et extensive qui va de l’être à l’être.

11.311 — Puisque le temps est une dimension de l’espace en tant que connaissance de celui-ci, dimension figée de l’espace pour le sujet qui se confronte à son immédiateté, il importe de ne pas s’arrêter de révolutionner le temps pour que l’extension de l’être devienne l’exponentielle des contingences de son événement.

11.3111 — L’être advient dans l’être, et son événement est la permanence de sa métamorphose.

11.3112 — L’être est métamorphique, puisqu’il devient, et même lorsqu’il n’est pas, il demeure une puissance du surgissement de sa métamorphose.

11.312 — La révolution doit suivre le mouvement métamorphique de l’être dans l’être.

11.3121 — La révolution doit être, par conséquent, elle doit être l’extension sociale qui se rapproche de la physique au plus près de son allant, dans la suite continuelle de ce qui croît.

11.313 — Le cosmisme du sujet réticulaire fait de sa praxis une pratique métamorphique de la réalité avec laquelle le sujet réticulaire dialectise.

11.32 — La praxis critique ontologique dispose une raison pratique dans le social, qui y dispose à son tour une puissance de l’émancipation.

11.321 — La praxis critique ontologique, dans sa perspective émancipatrice, se transcrit dans le social telle une praxis du soulèvement qui se diffuse sans hiérarchie dans la multitude agissante.

11.3211 — Le social peut se transsubstantier et rejoindre l’ontologie du devenir par la dynamique de soulèvement qu’offre la praxis critique ontologique.

11.322 — L’événement de la révolution ontologique qui s’opère par la praxis du soulèvement est l’accession à la communion et la communion avec ce qui est commun.

11.3221 — Le processus de soulèvement qui apparaît par l’application au social d’une praxis critique ontologique y expose ce qu’il y a de commun dans le cosmos avec le social, et les interconnexions possibles qui peuvent s’y établir.

11.3222 — Débarrassé des pesanteurs d’une idéologie qui compartimente le social aux seules fins de servir les propensions d’avoir d’une classe dominante parce que possédante, le social peut s’unir non en ce qu’il a d’identique, mais en ce qu’il est matériellement identique au cosmos.

11.3223 — Dans une continuelle et commune transsubstantiation du vivant qui étend ses possibles à la poursuite d’une physique, qui ne cesse elle-même d’accroître la contingence du domaine où ces possibles propres au vivant peuvent advenir, la praxis critique ontologique offre au sujet réticulaire un mode d’être par le soulèvement qui s’opère dans le social pour rejoindre ce que le social a de cosmique, c’est-à-dire ce par quoi il est du cosmos.

11.3224 — Ce qu’il y a de cosmique dans le social est toujours ce qu’il y a d’harmonieux en son devenir.

11.323 — Le retour à l’être passe par une praxis critique ontologique qui purge la modernité, mue par son capitalisme libéral, de son ontologie de l’avoir.

11.3231 — La praxis critique ontologique dépouille la modernité de son simulacre de l’être qui masque toute possibilité d’une traversée de la réalité immédiate.

11.3232 — La praxis critique ontologique désœuvre la raison marchande, elle la défait de la mystification qui consiste en un matérialisme de l’échange ne sachant se situer que dans les apparences et dans l’accaparement de ces apparences.

11.3233 — La praxis critique ontologique permet de rejoindre les croissances et les excroissances d’un réel ne finissant pas de devenir par-delà le régime de savoir moderne.

11.33 — L’être révolutionné de l’être se révèle à lui-même par la praxis critique ontologique.

11.331 — Tout est possible pour le social libéré de l’avoir qui fomente son retour à l’être, puisque tout est possible en tout ce qui devient.

11.3311 — Libéré des emprises de l’avoir, le social libère la vie de la politique.

11.3312 — Le social émancipé de ses fixités se rassemble autour de ce qui est commun dans l’être.

11.3313 — Le social entame l’infinie traversée de ce qui ne finit pas de devenir en lui.

11.332 — La révolution de l’être est une promesse de révolution de la politique.

11.3321 — Le renversement de notre temps commence par le soulèvement de notre espace, afin qu’il soit dans l’être autrement.

11.3322 — La seule destination de l’être s’entraperçoit dans un soulèvement qui ne se contente jamais de lui-même. La destination de l’être apparaît sans discontinuer dans sa permanente disparition. Tout dans l’être va au non-être, en conséquence, tout dans l’être va à sa métamorphose.

11.3323 — La révolution de l’être s’offre à ce qui se transsubstantie en attendant déjà l’inconnu de sa transsubstantiation suivante.

11.333 — L’être révolutionné de l’être est l’être qui ne cesse de se traverser lui-même.

11.3331 — Tout est parce que tout devient, et tout devient parce que tout se transsubstantie.

11.3332 — L’extension de l’être est l’infini de l’extension suivante, et son devenir d’infini se meut et se mue en la transsubstantiation de toutes choses.

11.3333 — La traversée n’a pas de fin puisqu’elle est sa propre fin.