U
Ü
pas de nom
pas besoin de nom
ou alors un
inventé de toutes pièces
qui ne reposerait sur rien
que de l’air —
pas besoin de noms
trop de silences les entourent
silences qui accomplissent
le destin des noms
de ne rien signifier du tout
musique difficile
un coin de gris apocryphe
je le regarde sans le voir
absorbé par la myopie du ciel
il coule un peu là
un peu plus haut
aussi
après la pluie
et la musique difficile
le nez contre la vitre
tu ne la vois peut-être pas
peut-être que le paysage
ou ce qu’il en paraît
le nez contre la vitre
tu ne la vois peut-être pas
ce qui ne veut pas dire
qu’elle disparaît
posologie de la fin du monde
formes toutes faites qui diluent
les idées noires —
doses de mort quotidienne —
elles coulent imprègnent réduisent
lamento au bout du temps
tu es à toi-même ta propre éclaircie
question de lumière
jusques à travers les nuages
clandestins
et secrets
musique difficile
et périlleuse comme la nuit
qui s’y risque s’y perd
oublie son nom
coordonnées sans repère
disparition de l’identité
musique difficile
qui s’y refuse
pourrait aussi bien ne pas exister
rien à haïr ce matin
peut-être que le monde est devenu meilleur
de la nuit au lendemain
ou bien la vie sociale s’est-elle éteinte
faute d’électricité —
j’allume la lumière
et tout redevient normal
relativement mal
musique difficile
échos du désastre
jusque dans le silence
et puis jeux de langage
avec des astres
il faudrait pour composer une vie —
une vie meilleure sans doute —
écrire comme la musique
vivre pour le rythme
et la règle
nécessaire de survie
le bleu pur du ciel
la ligne d’horizon
là où il se confond
avec la mer
le vent qui claque dans l’air
et sur le visage
décongestionne l’esprit
le libère de la grisaille
dans le crépuscule infini
en écho à la mer
l’olivier tremble
le vent souffle
de là où je suis assis
c’est tout ce que je vois
et le ciel derrière
et la mer dessous
et les îles dessus
frioul et if
if récit
si récif
sur le balcon
cet après-midi
rien à haïr
non plus
tout ce que cachent les noms
propres
tout l’espace entre les choses figées
par le temps
les objets
morts
de notre peur instable de vieillir
et ne pas pouvoir ne pas
grammaire d’un verbe qui se conjugue
quand même dans la plus grande solitude
ignorance totale
la plus anonyme des perfections
grammaire d’un verbe qui se conjugue
tout le temps —
présent semper
je ne peux pas ne pas
et nul besoin de nom
pour ça
quel jeu pour quelle langue
quel feu pour quel monde
quel corps pour quel corps
qui mieux que personne ?
nous
qui n’aimons rien tant que
les questions sans réponses
rien tant que
les questions pour répondre
aux questions
avec l’impression vague d’avoir quelque chose
à dire
je fais des suites
sur le bout de la langue
nombre indéterminé de notes
pas de variations
(pas de thèmes item)
pas de répétitions
la mer
soleil dès le matin
et jusque si tard dans la nuit
toujours la même
musique difficile
l’espace blanc
l’espace d’un instant
découvrir qu’il n’y a pas
de traces
les déchiffrer par suite
ou bien esprit de contradiction
il faut s’arrêter
et
il ne faut pas s’arrêter
le supplice est
l’indice du vrai
ce que veut toute
musique difficile
et plus encor
tenir captives
les âmes qui ne croient plus aux âmes
les muses qui ne croient plus aux muses
les dieux qui ne croient plus aux dieux
monter chaque pas d’un degré
sans savoir où aller
il n’y a plus nulle part où aller
qu’ici
gestes des mains
restes de rien
quand la terre disparaît à l’horizon
simagrées
images encadrées
foule qui fonce contre son gré
foule aux pieds
d’aucuns
en retrait fomentent
un complot
une farce
nul donc ne sait
tout mouvement n’est pas un geste
des yeux
impassible
gré contre guerre
essais
échecs
extases
là où n’est pas
la vérité
entre l’obsolescence et
le posthume
la musique difficile
ne fait pas
l’obole du sens
comme au ciel
rien que le ciel
dans le ciel
idem
bleu couleur
de lui-même
preuve de l’existence
d’un matin parfait
irréfutable
de l’hiver à l’envers
moins que l’hémisphère
et
pas un mot sur le langage —
traître —
à coups de coup du sort
déceler un ordre
ou quelque combinaison
possible
j’ai des iris plein les yeux
dit ma planète
imaginaire
l’éden n’est pas le jardin
mais
la flore partout
tout est là
l’oubli du passé
comme forme du futur
plus rien à déchiffrer —
défricher sans ombre pour abri
telle ambivalence des sentiments
ne plus savoir
que haïr
science malaimée
tout est là
bavard
comme le nom de quelque chose
qu’on donne
quand elle n’existe pas
tout est là
que tu l’appelles
mutinerie
ou bien
mutisme
ou bien
n’importe quoi
illumination
point d’exclamation
mais
pas le sens
ni le son —
lumière
en avant
et
en haut
dans la boîte crânienne
lumière
tirant sur le jaune
tirant sur l’ailleurs
force quand même il n’y a plus rien
qu’on dirait
vivre
sans doute
des ensembles vides
nul le nom
seul le souffle
la mémoire en somme
une certaine forme
de l’âme défunte
feue l’âme donc
laisse-la brûler
et
tout ce qu’elle contient
avec
nul le nom
annulé comme
l’entité qu’il nomme
l’unité qu’il somme
nul le nom
nul besoin
de se cacher
dedans
des ensembles livides
tours
barres
mondes qui grimpent
ascension ?
peut-être pas
des ensembles liquides
europe
le monde a oublié ton nom
nous sommes seuls —
pas la solitude —
le seul
un comme île
elle et moi
après nous
il n’y eut plus jamais
d’ailleurs
or ils crurent vivre sans carcan
consignera l’épitaphe sans personne
pour la lire
d’où le non nom de l’être
peut-être
europe
enlèvement du nom propre
rien ne disparaît
transparence irrémissible
corps sans agents
foule d’anonymes
coupables sans aveux
sans même le crime
tout s’efface
jeux avec le mot
mort
rien ne disparaît
devient métaphore
dès lors
et puis pourrit
tout les lasse
sauf le nom
vivons dans les traits de l’espace
pas les séquelles de ce qui a eu lieu
déjà passé
affres en suite
l’histoire n’est pas la même
il y a toujours quelque chose à raconter
dont nul ne se souvient
non déjà existé
nuage de poussière
de cendre aussi
pages
rongées par les vers
et
mises au feu par les hommes bûchers
honnêtes
comme des hordes d’analphabètes
en longues processions
génuflexions invisibles
toutes à l’intérieur
et
pas une lettre qui les sauve
tous —
ils ont oublié
la musique difficile
qui consume les entrailles
de qui elle se laisse comprendre
l’existence
d’une couleur dominante
n’implique pas
l’existence
d’une couleur dominée
bleu tirant sur
la méditerranée
(corollaire —
la mer n’est pas une mère)
nous —
descendants de personne
de la lignée du grand ironiste
marins à la dérive
amoureux captifs
musiciens au grand air
nous
qui savons nous passer d’un nom
pas de deux de l’histoire
la rature est notre triomphe
traces de pas dans la neige
j’essaie d’oublier celles
si nommées qu’innommables
qui me précèdent —
oh l’impossible tâche —
traces de pas sur la plage
là même où la neige
dessous
le sable intact
non foulé
traces de pas sur la plage
celles que je peux dire
les miennes
et ne pas pouvoir ne pas
écrire quitte
pour soi —
le seul qui aille —
l’experimentum crucis —
écrirais-je encor
quand même
personne ne me lirait
jamais
est-ce une affirmation ?
la singularité qui traverse
détruit
c’est-à-dire
toutes les subjectivités
anonymes comme innommables
pas une invitation au silence
peut-être une autre
science
les ondes
sans les choses
les mondes
sans les poses
personne
ne se noiera plus jamais
dans l’étang de l’être —
périmé
des ensembles liquides
je n’ai pas de mémoire —
zéro octet —
j’ai tout oublié
et ne veux me souvenir de rien
sang
mort
ordure anecdotique
métaphore
autorité
punition
châtiment
honte
culpabilité
je veux qu’on ne me rappelle rien
l’innocence c’est moi
l’innocence
c’est moi
le destin
c’est moi
l’avenir que rien n’attend
c’est moi
les rendez-vous manqués
c’est moi
avec l’histoire
c’est moi
sans histoire
c’est moi
le monde qui tourne en rond autour de son axe déconcentre bascule s’effondre et s’achève ruine hideuse
c’est moi
l’oubli de l’être
c’est moi
la racine du mal radical
c’est moi
sa fin
aussi
c’est moi
le soleil pâle de la raison
humiliée
brille encore
quelquefois
à la fin d’une journée
rien que l’idée te donne envie de fuir
ne pas continuer
ne plus jamais continuer
sans mourir pourtant
non
comme le goût de l’impossible
est suave
sur le bout de la langue
et si tu ne pouvais plus parler ?
on a toujours quelque chose à dire
tout le monde a toujours quelque chose à dire
sauf le silence
rien que l’idée te donne envie de te taire
l’idée d’avoir une idée
peut-être
mais il faut encore parler
encore faire semblant
un jour de plus
et caetera
jusques au bout de la vie
l’absence d’envie
n’est pas une excuse
pas une raison
suffisante
pourtant
depuis quand
faire toutes les choses —
et toutes ces choses —
parler se taire continuer —
ne sert-il plus à rien
des années
depuis toujours ?
des ensembles livides
l’esprit la nuit
la machine à écrire
tout est muet
mais tout n’est pas gris
le carnet seul
noire
la nuit l’esprit devient
la machine à écrire
le jour
rien n’a d’importance
que cette nuit
et
ce jour
tout le reste —
des ensembles vides
mon désert domestique
sauvage comme une image
mon désir élastique
lisse comme l’asphalte
chaque fois que le monde
fait peau neuve
prendre la route
quand même tu saurais où aller
quelque chose pourrait se passer
surgir hors de la carte
te jeter ailleurs
dans le soleil ou dans la mer —
mon désir domestique
de demeures élastiques
parcourt les ruines civilisées
les zones trop courues
où il n’y a plus rien à voir
et
où l’on peut dès lors
s’aveugler à peu de frais
devenir
s’il est possible
un être un peu moins fait —
une puissance pour l’avenir
rien ne nous sépare de rien
de la couleur identique
nuances de ciel et de mer
le vent devient la tempête
qu’il chasse
alerte bleue
sur les deux hémisphères
de mon cerveau
dévorer le ciel
mâchoires
falaises
foutaises
arbres dans le néant
sans plus de racines
des forêts d’hier
avaler la mer
ou bien encore
ce qu’il y a derrière
et enfin
se dissoudre
dedans
mal né
fils de quiconque
figure pâle
dans une raie de lumière
on l’y devine
quand même
elle ne serait pas là
ne ferait que circuler
reflet de l’éternité
désespoir du temps qui passe
mal né
ou seulement à peine
échos d’antan dans un pays sage
les filles
elles
auront plus de chance
peut-être
à droite
ou à gauche
le sel monte aux lèvres
comme le soleil dans les yeux
à midi
reflets aveugles sur la mer
bouche vaste
de la méditerranée
pas lasse
non
affable
simplex sigillum nenni
musique difficile
bien avant le son
embruns jusques aux nuages
ciel où sont tous les paysages
quelques notes enfin
éclats de lumière
fracassent les esprits
vagues
désirer le soleil
tout
le feu de la langue
brûler
et
dans le refuge de l’ombre
chasser
l’obscurcie
l’enfant illuminé
découvre
les couleurs du prisme —
regarde
trop de vies
sans spectres ni hantises
trop de vies
sans images d’elles-mêmes
trop de vies
sans personne pour les vivre
dedans
les différences qui n’en sont pas
les différences qui n’en font pas
la mappemonde
la route
boucle
apparition de l’infini
au pas de la porte
la roue
le drone
le disque
tout tourne
spirale
qui nous guide
dans la disparition du paysage
moi et monde s’estompent
les différences qui n’en font pas n’en sont pas
les deux hémisphères
de mon cerveau
l’espace se dilate
vertige sur place
les pieds sur terre
et
la tête dans les nuages
le nez en l’air
aussi
peut-être
histoire
non de trouver quelque chose supérieure
mais
d’aller voir ailleurs
les rides sont nos réponses aveugles à
l’inquiétude du soleil
le chant assourdissant de la chaleur que
tu pressens
déjà
à la fin de l’hiver
même après l’été
ne l’oublie pas
le lyrisme est une histoire d’insectes
saborde-toi
détruis les mondes qui sont vains —
populace en nombre infini —
trop de vies prêt-à-porter —
illusion de l’altérité —
qu’il est sidérant
ce vide
pas profond du tout
non
langue plate qui s’étend
bien plus loin encor
que le fond
de l’horizon
se noyer dans le ciel bleu
ne crois pas la vie simple
facile
il faut inventer la faille
apprendre à sentir
apprendre à se déprendre
prendre congé
les illusions sont des jeux de lumière
plutôt l’air que la vérité —
quelque chose comme
précisément
le bleu du bleu du ciel
il faut investir la faille
investir dans la broussaille
des écailles de dieu sur la peau des vivants
signes muets adressés à tout le monde
langage débonnaire de l’énormité
réaction qui triomphe en devenant progrès et puis
pas silencieux dans le bleu tout autour
si tu coules c’est que tu appartiens
apprends à flotter
sur la terre comme au ciel
quand la neige aura recouvert les écailles de dieu
et le soleil tout brûlé ensuite
auras-tu accompli
un rêve
un drame
quelque révolution
ou te seras-tu contenté
de regarder le temps qui passe
passer —
un peu triste
un peu gris ?
tout le sang du néant
goutte sur langue
ruisselle
rappelle
il n’y a pas de barrage sur l’obscène — rien
que le goût amer de la défaite
sans le nom pas sans le sang
pulsation base chaque respiration
vitesse du vivant
historique des variations
sans le nom pas sans le son
gicler
partout où tu tais ton nom
quelque chose croît
sans le nom pas sans le sang
du plus au moins et retour
changement
la seule histoire à raconter
quelqu’un est mort qui continue de vivre
sans plus personne qu’il hante
tout le monde mort aussi
ou impuissant
ou fatigué
ou indifférent
n’est-ce pas la même chose
après tout ?
tous les matins
sont les mêmes
tu accueilles les nouvelles
d’un œil vide
il n’y a rien pour toi
rien pour personne non plus
dans l’œil quelque chose pourrait briller
mais non
c’est fini —
vide
dans l’œil dehors partout
chaque jour est le même
il n’y a rien
pour personne
et
tu es le seul qui le voies
quelqu’un est mort qui continue de vivre
fantôme littéral de soi-même
qui dira
les larmes séchées
les sommeils lourds
la peau brûlée
la haine du réveil
quelque chose comme
le soleil voilé
dont la lueur morne
rappelle l’éternité
qui dira
toutes nos antiquités
appels étouffés
angoisses nocturnes
d’où l’on ne se lève
jamais ?
et après que tu l’auras dit
qu’en feras-tu ?
les gens sont fous
mon amour
ai-je pensé la regardant
dormir
quelques instants à peine
les gens sont fous
mon amour
ou bien
c’est ce que j’aurais voulu lui dire
alors
mais il aurait fallu la réveiller
alors
je n’ai rien fait
je l’ai simplement regardée
dormir
quelques instants de plus
les gens sont fous
mon amour
silence
fatigue sur les yeux
sifflements
vent
ou acouphènes
on ne peut pas décider
entre loin et proche
le bruit des travaux
de l’autre côté de l’avenue
comme un marteau-piqueur dans le ciel
qui décime
un
à
un
les nuages
quand as-tu pour la première fois eu le sentiment de ne pas appartenir à ce monde ?
as-tu seulement un jour eu le sentiment d’appartenir à un monde ?
la fatigue sur les yeux m’empêche
je crois
de chercher dans mes souvenirs
les éléments d’une réponse
ou d’une autre
la chose du désir
sans escarre aucune
mais
pas le désir d’une chose —
police occidentale —
ni ce qui du désir rend chose
pierre de mer
méduse
étoile
non
un peu plus loin
précisément
au glissement du terrain
la chose du plaisir
ensuite
pour elle
se faire tout ouïe
cris d’oiseaux dans la nuit
ils disent
la mer est proche
et la fin de tout
aussi
cris d’oiseaux dans la nuit
pas un chant
ni une plainte
un organe
qui exprime
l’air de l’eau
où ils retournent
aller et venir
voler et mourir
cris d’oiseaux dans la nuit
je ne les entends plus
un organe
c’est-à-dire
un orgasme
crispent le monde
les mains
sur lui
sinon le nom peine
ne touche rien
pas la langue
qui fouille
la chair du dit
monde
ne tient à rien
la langue
ne rime avec rien
le vent qui souffle
ne me dévie pas d’un pouce
c’est lui
mon oiseau futur
à mort gutenberg
et ta portée de crétins reproducteurs
armée de nains identiques
qui se pavanent
comme s’ils l’étaient
uniques
tripotée du même
faces blêmes
triomphe de l’uniformité
crève
rejeton du père idem
rien que pareil
c’est ainsi que tu l’aimes
et puis
longue vie à la vie
photocopie
et
autres tautologies
à mort
esprit de l’imprimerie
métadonnées
ou sorcellerie
on aurait pu aller voir ailleurs
tu sais
les mains dans les poches
flâner tu sais
au lieu de quoi
décimés car multipliés
à la course
battus
on nous a vendus
théorie d’onomatopées
pour des vérités fantoches
plus tard
il y aura des nuages
suspendus au hasard
tout monde est une puissance d’effondrement
un corps mort ne tombe pas nécessairement
on l’oublie simplement
on oublie tout —
si simplement
plus guère que le goût de la défaite
larmes de gloire
sanglots salés
de la terre dans la bouche
que tu ravales
plus guère que le goût amer de la défaite
illusoire rancune
des nuées d’insectes
autour des écrans
et leur lune infecte
qui brille
dans le néant
seul le goût amer de la défaite
peut te porter à
l’arme de paix
mourir ou décélébrer
oublier tout l’immonde
et
espérer l’être
comme tout le monde
quelque chose vibre
et
on n’entend rien
quelque chose craque
et
tout le monde tombe —
c’est le bruit que fait le bien
extases ou métastases —
il y a des rats qui courent sur le plancher
sont-ils devenus insensibles ?
surtout ne réponds pas
il y a des rats qui courent sur le plancher
il ne suffit plus de les écraser
utopies et oiseaux
des mensonges écrits en lettres de sang
ne sont pas plus vrais que sans
vol d’oiseaux exotiques
à la fenêtre
traînées vertes
dans le ciel bleu
pourquoi des couleurs seraient-elles primaires ?
et si elles le sont qu’est-ce qu’il vient après ?
des primitifs ?
ils sont si loin
nos rêves
oiseaux magiques
à tout bout de champ
ils sont si loin nos rêves
le matin au réveil
tu te frottes les yeux
utopiques
mais plus personne ne veut
de tes cieux
des enfants idiots jouent sur la plage
à la guerre à la mort
à se battre à se jeter des pierres
filles et garçons
tous du même côté
les pères absents
au mieux
sur la grève
visage masqué
quelques mères
derrière le voile des apparences
crient des horreurs
que personne ne comprend
les histoires n’ont pas de sens
c’est ainsi qu’on les reconnaît
tous les empires
emprise sur ton esprit
le monde que tu ne vois pas
seulement ton doigt
du bout duquel tu montres
des ombres
des spectres qui se prennent pour toi
des formes vagues
des desseins confus
au lieu de terrains nus
irrécupérables
des musées tristes comme l’idée
que l’on se fait de la pierre
place vacante du saint père
et
que tu t’imagines combler
de frasques
plutôt que de fables
tout sauf le nom
ne m’appelle pas
non
laisse-moi flotter
errer
laisse-moi
ne pas avoir l’air d’être
laisse-moi dérangé
quelque part où personne
n’est allé
qui fut nommé
faire sur le monde
des nuées de points
et tourner autour
les alentours
et tout ce qui
désarticule
langue déliée
ne craint pas de manquer
à la vérité
en vérité
qu’est-ce que la vérité ?
faire pour tout le monde
une infinité de points
et circuler
passer par tous
passer partout
en vérité
où commence la vérité ?
pluie sur la route
et rien d’autre
que de la musique
elle étouffe
là mais absente
comme toute chose
qui se meurt
d’ennui
nous fait mourir
grandes eaux
et fortes
au contraire
de la musique
facile
et
qui tourne
tout en dérision
pas de sens
pluie sur la route
le soleil droit devant
coule au bout de ces doigts
qui le cachent
sinon tu ne verrais rien
aveuglé
moraliste venu trop tard
comme tous les moralistes
qui se respectent
n’eût-il pas valu mieux
que tu ne visses rien ?
délicatement peut-être
un rayon —
sans action
nuages
sur la sainte victoire
terre rouge
sous les pieds
humide
nuages
sur la sainte victoire
aveugles
comme au premier soir
nous aussi
oublions
que nous sommes venus ici
seuls
dans l’espoir de ne faire
aucun bruit
et des villes
tout autour
pullulant
oiseaux de nuit
hululant
on a bétonné
le motif
au nom du nom
impropre
le nom de l’autre
immense
sans visage propre
armée d’âmes grises
sans vocation
et qui hantent
la succession
des chutes sans fin
que paraît-il
on nomme
histoire
qu’importe or
ce que l’on nomme ainsi
si ce n’est jamais de ton corps
qu’il s’agit
si ce n’est jamais ton corps
qui agit
mais celui obèse
d’une espèce qui s’agite ?
qu’importe or
si ce n’est pas de ton corps
qu’il s’agit
mais de ton cadavre
assagi ?
des cieux
séditieux
délicieux
à la marge
mon amour
le bas-côté du chemin de croix
à la marge
mon amour
les aléas
croisée des chemins de faire
à la marge
mon amour
c’est un service que l’on se rend
s’éloigner comme tout étant
et
tirer sans ailes les avantages
du néant
heures de sommeil
qui disparaissent dans la nuit
enfouies
sous les épaisseurs de l’inquiétude
infanterie des enfants
trous dans l’histoire percés
introuvables au matin
est-ce que j’ai rêvé
qui sait ?
phases blanches dans le noir
écoute les phrases
laisse l’enfant parler
après lui avoir récité le poème
elle dit de paul verlaine
mais ne s’endort pas
alors veille jusqu’à ne sais quand
est-ce que j’ai rêvé
qui sait ?
de la fin de l’adolescence
un peu avant l’âge adulte
insultes ivresse fêtes
folles
ne jamais vieillir
ou au moins
ne pas devenir vieux
des années plus tard
c’est le même monde en pire
qu’il aurait fallu changer
si tu l’as rêvé
dis-toi bien que
tu ne l’as pas oublié
la marmaille
sous la lumière crue
n’a pas l’air moins nue
mais plus encore
sans plus rien qui dissimule
sans plus rien qui simule
cris d’enfants sales
la rose électrique
au loin
ne me dit rien
elle tourne
elle tourne
et
personne n’en revient
je regarde parce que c’est intéressant
dit l’enfant
et
c’est vrai que
de loin
on pourrait voir la terre
mais non
ce n’est qu’un morceau
mal fichu
qui du néant
a chu
marionnettes mondaines
petits pas dans le vide
plus rien qui ne tienne
pas même à un fil
les pantins ont quelque chose d’excessif
ils brûlent
hommes de paille
ils brûlent
et
tout le monde
fout le camp
musique difficile
pas inaudible
qui réclamerait de nous
simplement que nous soyons soyeux
soyons doux
oreilles ouvertes comme toujours
à tous les vents
grand transit sans lequel rien ne subsiste
soyons doux
dit la musique difficile —
soyons nous
à force de ne plus croire en rien
si seulement il s’était passé
quelque chose
oui mais quoi ?
rien
c’est toujours ici qu’on revient
sur la rive du néant
si seulement il s’était passé
quelque chose
mais non
rien
y a-t-il encore des questions qui se posent ?
je voudrais les prendre
à pleines mains
mais il n’y a que des notes
qui coulent
entre mes doigts —
tout ce qui m’échappe
heureusement
que tout m’échappe
que je n’appréhende plus
rien
musique difficile
contre toutes les rengaines faciles —
à force de ne plus croire
en rien
de l’espoir en moins
tout contre l’espace —
il se rétracte —
mondes étroits
où s’abolissent les langues
les croyances en la distance
canettes de boissons sucrées jetées dans le fleuve qui vient se jeter dans la mer
qui s’en va jeter ailleurs
les derniers détritus de l’étant
assis face à la mer
tu peux toujours rêver
mais
déjà le kitsch s’est converti
en son négatif — maladif —
trop de métaphore —
trop de sucre —
trop de graisse —
écœurement
face à la mer
dans le dos
une image précise
de la mort
trames fleurs et passe
parfum de l’épaisseur
le jaune n’est pas un motif
encore moins une couleur
effet du narcotique
sur l’espace tout autour de soi
il effleure le temps qui passe
plane — dit la surface
l’épaisseur du parfum
les brins bientôt
tomberont
un à un
regard hautain
quasi vide
de l’enfant aux chansons
ecchymoses ensuite
dit la peau
bleu tirant sur le jaune
tirant un peu trop
et pousse aussi vers le vide
une chute un choc
sang retenu
ou infiltré qui sait ?
tout finit par s’écouler
s’écrouler
c’est le sens de l’existence
le chas à l’autre bout de quoi
de ton corps transpercé
quelque chose
coule
chaos
toujours la question de l’espoir
qui vient et se pose
avec lenteur
sans l’appui de la main
un pied devant l’autre
après tout
y eut-il jamais
meilleure façon d’échouer ?
pas de sens
de l’effort
apprends à aimer tout le monde
et puis aussi le monde entier
toute une vie passée
à lutter contre soi-même
dans l’attente du mouvement
contraire
qu’auras-tu accompli ?
faire l’économie
hagiographie du signe moins —
retrancher soustraire
quel jour ?
bien assez tôt sans toi
peux-tu faire l’économie de toi ?
te retrancher à l’intérieur d’une coque creuse d’un espace nul coquille cérébrale et attendre là quelque chose qui est déjà venu ne viendra plus —
derrière la somme des apparences
or
même sur cette idée
pèse le doute
jamais trop de légèreté
finir
l’impossible
tout n’est-il pas
en effet
achevé
avant même
que d’être
commencé ?
une image de l’éternité
molle
nulle
au sens de triste existence
car en fait c’est d’être trop lourde
chargée
étouffante
qu’elle confine à l’ennui —
frontière toujours franchie
et
repoussée par suite
toujours plus loin
mais
en vain
à qui la faute
à qui le doute ?
effondrement à la fin de la ligne
catastrophe
c’est-à-dire
non pour que tout s’achève encore
plus triste
non
rien que tout le contraire
que quelque chose ait lieu
ne serait-ce que ceci
disparaître
figues dans l’assiette
sèches
elles creusent au loin
le bleu de la mer
ou le gris du ciel
couleurs inverses
on peut toujours chercher à les fixer
rien n’est stable que le vent
il perturbe tout
le temps
met de l’ordre dans le chaos
météorologique où
paraît-il
il nous a été donné de naître
cadeau étrange n’est-ce pas ?
comme ces fruits qui fument
l’espace entre la brume et le vivant
l’écume et le néant
d’un côté l’eau
et de l’autre la pierre
la peau
précaire
où sommes-nous sinon cernés ?
membres épars
pâles quoiqu’écarlates
cinématique du climat
quand tôt le matin
un peu à peine après l’aube
le soleil touche
orange l’île
archipel agrume
meilleure façon de dire je crois le paysage que paysage
les yeux s’ouvrent alors
le doigt se tend à l’intention de l’enfant
nymphe
regarde
lui dit-on
et c’est ainsi que le monde découvre le monde
depuis la nuit
qui le précède
adossé à la falaise
dans la transparence de l’air
hiver
attendre que le soleil t’avale
plus loin —
je dirais sur la droite —
plus loin
un vieil homme attend assis sur les marches d’un établissement de santé publique
sale
seul
régime azur dans la roche
romarin en fleur
petites mauves
la pierre est luisante glissante
« il ne faut pas venir ici quand il pleut »
dit la vieille quand je la croise
mais pas à mon intention
non
je ne suis pas ici pour parler
aujourd’hui le soleil aveugle
on voudrait se dissoudre
et puis je me dis
« on » je ne sais pas
mais
moi en tout cas
oui
est-ce que la lumière s’éteint
comme les corps disparaissent ?
est-ce que les yeux se ferment
comme les centres commerciaux ?
est-ce que toutes les nuits
sont les mêmes ?
est-ce que tu regardes le destin
comme un film à l’affiche ?
est-ce que quelque chose t’apparaît
au milieu de la nuit ?
tu dors
tu dors et puis
c’est l’éclaircie
une lumière à minuit
quelqu’un est rentré tard
ou alors c’est le mystère
qui se révèle enfin
et toi
tu n’as pas fermé les volets
les illuminations ont ceci de spécial
qu’elles ne brillent jamais
que d’un seul côté
depuis quand
tout est-il fini ?
la rumeur sourd depuis le ventre des siècles
agents muets cachés
sous les gargouilles
devise des peuples qui ont trop dit
ou pas assez
qui sait ?
qui sait quelque chose après tout
ou si tout est fini
qu’avons-nous appris ?
tout finit —
qui ne voudrait le croire ?
la lumière devient noire
nulle drogue ne fait plus d’effet
avale les paroles comme tout le monde
son cachet
ordonnance de l’ordre du monde
tout est fini tu sais
à quoi cela te sert-il
la fatigue
que faire du sentiment d’exister
qu’exprimer quand plus personne n’écoute plus
personne
ne peut plus écouter ?
qu’exprimer ?
dis —
de l’air
n’ouvre pas les bras
ne regarde pas en toi
ni en l’abîme
ne fixe pas un point absent
qui toujours fuit
te fuit
n’accueille pas le monde
n’écoute pas les histoires de renommées
longues litanies de la vie fantasmée
ne sois pas tout à ton affaire
ne cherche pas une raison de plus
une raison de moins
il n’y a de causes que négatives
guerres lasses qui se laissent vaincre
vagues sans appel des gouttes
et des gouttes
sans la moindre théorie
n’ouvre pas les bras
grand
si tu retranches tout
que reste-t-il ?
demande-le-toi
et oublie-le
laisse-le
vivre
ne choisis rien
il n’y a pas de destin
tout coule
ou bien rien
aime quelqu’un
dis-le-lui
aimons-nous nous adonner à la laideur
ou sommes-nous tels êtres
devenus insensibles ?
anesthésie internationale
expansion et caetera
à l’infini du périurbain
à la manière de païens
rites
bloc après bloc après bloc
on cimente l’univers
civilisation de l’inculture
inculture de la civilisation
pendant que
dans tes yeux
se méduse l’éternité
reflets du ciel
dans le goudron
tout le malheur du monde
prend forme dans une coulée de béton
et
tu te demandes :
qu’est-ce qu’exister ?
s’extasier
devenir faire
semblant
et l’amour
mourir
pourquoi est-ce que quelque chose aurait du sens et autre chose non ?
tu te concentres sur le soleil de l’hiver
si beau qu’il dure à peine
tout pourrait disparaître
penses-tu alors
cela ne ferait nulle différence
tu sens que ce n’est pas vrai
non
mais
ce n’est pas une question de vérité
non
mais
de lucidité
faut-il que tout devienne clair
si clair ?
qui suis-je pour oser m’exprimer ?
qui sommes-nous pour oser exister ?
le monde —
le monde
que le mot à la bouche
avale-le
aspire-le
sens est l’esprit
avec qui faire quoi
sinon corps
tout commence par là
comme tout y finit
erreur
vouloir que tout soit
lourd de sens
qui ne veut
la mort de gutenberg ?
profusion obèse du sens
gras du signe
qui ne veut
supprimer au contraire ?
élimine
crie une voix quelque part
injonction illuminée
brasier de l’ordre
elle a des accents déchaînés
parfums de garrigue en flammes
odeurs âcres du consommé
incendies du saint esprit
vapeurs de sens qui flottent
encore
après la consomption de la montagne
qui les sent —
toi ?
que fait un corps
qui dessine
pense pleure chante
aime
en attendant
la résurrection des cigales
que fait un corps
qui peint
observe et étreint
en attendant
l’intervention lointaine
que fait un corps
qui sent
inspire et imagine
envahit l’espace
en attendant
la destruction prochaine
de l’espace entre les âges
de la forme même du paysage ?
que fait un corps ?
dis-je
et c’est une question
portant peut-être
sur la nature du feu
monde gris
percé par endroits de vie
tels trous
béances dans le réel
qui soudain s’anéantit
devant lui
ce rien ou quasi
soleil que les nuages détourent
ligne qui plonge dans la mer
et multiplie
parfois c’est vrai on a l’impression qu’il fait jour et on croit pouvoir s’accrocher à cette idée
cette apparence
comme si elle possédait
quelque durée
sauf qu’il n’en est rien
la masse qui nous surplombe est mouvante
la ligne illuminée
engloutie bientôt
antichambre de nulle part
s’avancer à l’aveugle sans savoir où
à l’évidence
à la télévision
alors
un type célèbre raconte que comme tous les gens de sa génération enfant il passait huit à neuf heures par jour en moyenne devant la télévision
éclaircie négative
dans le noir absolu de toute époque
le réel ignorant la merci
la grâce est inefficace
qui arrachera le voile gris
opaque
sur le paysage
au-delà d’une première ligne
que tu dessines
voiles
que cherches-tu à voir ?
le miroir fait toujours son effet
mais n’est jamais qu’une image
floue collée
à l’autre d’elle-même
toi ou bien personne
si tu plonges la main dedans
en ressortent des cristaux de sel
à même la peau greffés
j’attends un instant
bâille
narcisse est une fleur
tu sais
suave la vérité
dans son drapé
sauve
peut-être pas
légère en tout cas
pas un spectre
qui hante les zones désertées
de l’esprit
à peine une âme
une plume plutôt
comme les oiseaux qui viennent faire leur nid sur le toit au-dessus
à l’abri des tuiles
en perdent chaque fois
un coup de vent soudain
et c’est toute l’organisation
qui vole en éclats
qu’auras-tu fait des noms ?
déraison sens et négation
étonnements rouges
à la fin de la journée
quand on montre du doigt
ce qui déjà n’est plus là
qu’y avait-il à voir
de toute façon ?
aussi écoute
mauvaises chansons hymnes populaires
professions du néant qui s’érigent
phallus maladroits
en monuments
les couleurs ont passé
restent nos larmes
fades
les modes se succèdent
restons-nous seulement ?
à la fin
de ta ploraison
te sens-tu soulagé au moins
affiné par le vide
le vin
mince
ou bien n’est-ce qu’une façon innée
de passer le temps ?
je regarde le soleil se lever
un oiseau —
le énième traverse le champ de vision
ce n’est pas encore le ciel
dis
ou déjà ?
musique difficile —
dans l’instant où tout disparaît
ne restent que couleurs
comme les simples
au bord de la route
que personne n’emprunte
où ne restent plus qu’empreintes
faux mots comme suv
d’ailleurs elle n’existe plus
la route
l’état
disent les simples que nous sommes
pareils à des plantes qui parlons
pour le plaisir de parler
l’état
l’aura privatisée
et la boucle de se boucler alors
mais aura-t-elle seulement jamais été ouverte ?
musique difficile
tu dis
est-ce un rebours
ou un détour ?
quelque part il y a toujours quelqu’un qui hurle dans le silence
et une oreille qui l’écoute
quand même elle ne l’entendrait pas
ce chant absurde et pur
qui dissocie le monde depuis la nuit des temps
rupture dans le continu
failles dans la nudité
pas de promesse d’éternité
qu’en ferions-nous
nous
face à l’infini ?
tout est déjà si long
tu sais
un chant
c’est bien assez
comme la musique difficile
que tu t’efforces d’inscrire
définitions malpolies
sur les murs des cités —
ils se sont déjà effondrés
et l’on n’entend plus que l’écho
lointain un peu las
de cet immense fracas
musique difficile
répète-le
slogan facile ou quasi
qui a demandé du sens jadis
et qui lui en a servi
à quoi bon vivre ainsi
dans l’attente de quelque chose qui ne viendra pas ou qui est déjà venu
et dont personne n’a voulu ?
musique difficile
que voulais-je dire par là déjà ?
voulais-je faire diversion
ou bien singer l’invention ?
faire semblant
n’était-ce pas avec cela qu’il fallait rompre ?
se séparer
indépendance de l’individu
tout nu
devant la caméra
qu’est-ce que je peux faire
se demande-t-il
qu’est-ce que je peux faire
apeuré comme un ver
qu’est-ce que je peux faire
sinon exister ?
musique difficile
je ne sais si je l’ai déjà dit
les saisons passent
vois-tu
et moi j’oublie
on croit quoi —
que chanter suffit ?
le mensonge est sur toutes les lèvres
mais le vent souffle
et les idées disparaissent
moi parfois c’est vrai
je cours après
sauf que je sais
que toutes les courses sont vaines
à commencer par le soleil
hiver comme été
champion hypocrite des mères au foyer
qui sont aussi des hommes
qui passent l’aspirateur le balai
dans un moment d’égarement
tout le monde perd le fil de sa journée
et regarde au lointain
quelque forme qui se pourrait dessiner
horizon ciel soleil plaine parking ou solitude
tout le monde cherche
un endroit où habiter
ici ailleurs
qu’importe
dès le moment
que c’est
chez soi
je regarde le temps qui passe
le temps qu’il fait
une fois de plus
une fois de moins
quelle différence est-ce que ça fait ?
bientôt tout reviendra au même
même ce qui est différent
en attendant
passons de la musique difficile
jusqu’à
épuisement
que dire du bleu insensible
à notre misère ?
le ciel ne nous regarde pas
ni la mer
plaine
fais le compte des bateaux qu’elle porte
v=d/t
et reviens à
zéro
sommes-nous des îles
ou bien des déserts dans les villes ?
on méprise les concepts
et oublie ce faisant que
c’est
la mort qui a le plus peur
de la mort
par l’ouverture
couleurs primaires
plates opaques
tandis que rien ne s’oppose à la transparence
du visible
quelque chose sans forme
quelque chose pour quoi
nulle forme n’est nécessaire
regarde la surface
longuement —
est-ce que tu crois que je peux devenir
cette surface ?
nous demanderions-nous
si nous étions encor
enfants —
quatre crayons dans une
trousse improvisée
trois plus un
noir
cent fois cyan
cependant que
la mer inviolée
me nargue —
à vol d’oiseau
penser à déconfiner les esprits
(autrement difficile
que confiner les corps)
miroloï de la vierge
et durant
choses qui passent dans l’esprit
tant à perdre
plus jamais perdu
omphale du monde
d’où sort-on
quand on ne sait où aller ?
même masqués
les visages sont les mêmes
sous les traits invisibles
de la pensée magique
action à distance
mystères de la science
occulte
comme le cul d’un éléphant
mort évidemment
où va-t-on
quand on n’a pas le droit d’y aller ?
tout le monde
à la même enseigne
prison pour l’éternité
ou comment accomplir enfin
le vieux rêve de l’égalité
à la fin —
dis-le puisque c’est ce que tu penses —
à la fin
il n’en restera plus aucun
de la grotte à la grotte
la boucle est bouclée
on s’inspecte
on s’ausculte
que croit-on trouver ?
on n’arrête pas
le progrès
non
on tourne en rond
de caverne en caverne
ne jamais rien changer
que la masse superficielle
boursouflée
qui nous tient lieu
de pensée
au lieu que
si l’on voulait s’y attarder
du rocher
où nous sommes entés
on pourrait tirer
quelque vérité
ou moyen plus radical
de mettre un terme à
nos souffrances barbares
primitives
de ne pas changer
à la vérité quelquefois —
je dois à la vérité de la dire —
à la vérité parfois
il manque un pied
(à la vie aussi)
la bonne mère
elle au moins
brille toujours
illumine
sans ciller
mer blanche
par moments
surface plane
par endroits
quand elle ne reflète plus rien
parce que plus rien ne s’y passe
parce que plus rien n’y passe
ni personne
la mer atteint à une vérité plus grande
plus dure
cruelle sans doute
le calme de l’existence surpassant en tout
les grands fracas de l’histoire
petites rides insensibles remous
clapotis inanes
ce n’est pas par nous
in fine
qu’elle s’achève
mais par la mer
infinie
ce qui fait jouir si fort
le clampin
pensé-je alors
c’est que jamais
il n’a été si facile
de faire le bien
à présent qu’il se réalise
de lui-même
en ne faisant rien
l’enjambement
dit pierre parlant
au téléphone
comment dessiner une île
les yeux fermés ? —
d’abord
je laisse le bruit envahir le silence
tout ce qu’on ne contrôle pas
maîtrise pas
voudrait dominer
mais ne peut pas
tout cela je le laisse là où
c’est
et
une fois fermés
les yeux
si j’ai un peu de chance
des taches apparaissent
images rémanentes
souvenirs de quand j’avais les yeux ouverts
je ne peux pas les saisir
non mais je peux croire en elles
me dire qu’elles font partie de mon champ de vision
nouveau
cet espace opaque et pas si sombre qu’on ne le croit qui vient de s’ouvrir devant moi
si je ne les vois pas
à l’inverse ces taches
je peux les inventer
et peut-être est-ce mieux ainsi
peut-être est-ce mieux de ne rien voir
de ne rien croire voir
de ne rien faire comme on l’avait supposé
de toujours compter sur l’accident
le tsunami
la submersion du sens dans quelque forme qui ne lui appartient pas
à laquelle il ne peut pas appartenir
que je voie des taches ou que je n’en voie pas
qu’est-ce que cela change après tout ?
je sens déjà le poids de mes paupières qui s’enfoncent dans mon crâne
je sens mon corps s’involuer tout entier
former spirale comme dédale
se compliquer vers le dedans
moins le repli qu’un dépli vers l’infiniment petit
on s’enfonce moins qu’on ne se déploie autrement
j’ouvre alors les yeux
je sais —
que ce soit ici ou là —
je sais bien qu’une île est impossible
il y a toujours un archipel
quand même il n’y aurait pas continent
que des segments
pendant sans rien qui les relie
nous ne sommes pas si perdus qu’il nous le semble
ou morts c’est idem
non
nous pouvons encore respirer
les nuages prennent la forme du monde qu’ils surplombent
passage obligé
ou bien disparaissent
victimes de l’éternel oubli
parfois on montre quelque chose du doigt
et on dit
c’est un avion
mais on ne sait pas si c’est vrai
ou s’il va s’écraser
perspective
sur le monde
dans le ciel
on ne voyait plus ces
traînées
d’ailleurs
auxquelles on avait fini par s’habituer
mais qui ne faisaient signe de rien
sinon vers notre capacité à vivre
sans vraiment savoir pourquoi
quelque chose comme l’odeur lourde et subtile des pages moisies quand à côté de moi je hume les œuvres complètes d’élie faure
tu aimerais croire en quelque chose
mais pourquoi ?
qui se soucie des poupées ?
au deuxième jour de la quarantaine
barbie
a déjà l’air d’une actrice droguée
sainte paumée
sur le retour —
allons-nous tous finir ainsi
morts ou bien moisis
cadavres ambulants sans plus rien
dedans
que des souvenirs d’avant
quand la vie valait la peine d’être vécue
ou quand nous étions assez insensés de fait
pour croire que c’était
vrai ?
le vrai mon gars c’est toujours la mort
quand même certains diraient qu’on ne la vit pas
l’homme —
un peu trop vieux peut-être —
je m’en souviens
disait regarde
mais plus personne n’avait envie de voir ce qu’il montrait
on pensait
à juste titre c’est probable
que c’était devenu invisible
ou aveugle pour notre vue d’ensemble
si l’horizon dépend toujours du point de vue où l’on se place
à quoi sert-il d’en changer ?
mais ce n’était pas cela qu’on se demandait
non
mais plutôt
de quoi est-ce qu’il me parle celui-là ? —
et ça
personne ne le savait
faut-il toujours qu’il y ait une chute —
quoi d’autre
quand tes poèmes portent
sur des avions ?
bleu
ou de toute autre couleur
le monde ne disparaît pas
tu sais
de la différence entre apparaître et son contraire —
présence plus ou moins insistante
que ferais-je s’il fallait que
je me taise ?
imagine la quarantaine de
l’écriture
mais qui ?
qui t’empêchera jamais d’écrire ?
tout le monde
tout le monde ?
tout le monde
n’en est-il pas toujours allé ainsi ?
et puis le silence se fait
c’est terrifiant
personne n’y était préparé
personne ne se prépare jamais à mourir
pas même pline l’ancien
les philosophes en vérité
les philosophes sont des inconscients
ou bien
des poules mouillées
(bipèdes sans plumes)
expérience esthétique immédiate
à moins que
sans doute
plus rien ne veuille plus rien dire du tout
l’écran plat
et sans péché
sur lequel
tous
nous projetons
l’ultime de nos désirs
un corps un poème un triomphe
un ordre une victoire une rage
une vache un sage
une injonction une chanson
une maxime
plus ou moins débile
qui le regarde ?
sinon celui qui n’y verra rien
et moi
et mes yeux qui saignent
à moi
et sans le son même
oreille sans ouïe
je ne cesse de regarder
medusa fascista
espèce universelle
mais cool
le visage souriant
d’un monstre humaniste
il est là
et toi
invisible crapule
suce son cadavre insipide
bientôt il ne restera plus rien
ni de lui ni de toi
mais de qui on se souviendra ?
qui sommes-nous pour désirer quelque chose qui ne viendra pas ?
qui sommes-nous pour désirer l’avenir ?
les jours passent
tu sais
et le trépas ou la vie
sont-ils tant les facteurs de l’attitude ou de la survie ?
je regarde ce que j’écris et je me dis
le pire, c’est quoi
écrire ou bien souffrir de myopie ?
j’ai posé mes lunettes
là
juste à côté
si le monde s’effondrait demain
mais non ce n’est pas la bonne façon de poser le problème
tu peux accepter que le monde périsse
s’effondre —
la fin du monde a quelque chose d’acceptable
on peut en faire un roman
mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit
il s’agit de ta mort
à toi
cette chose privée dont tu essaies de te distancer
histoire de subsister quelques minutes de plus
mais à quoi bon ?
ne sommes-nous pas déjà condamnés ?
vas-tu donc désormais t’exprimer uniquement en ces vers étranges que tu prétends — paraît-il — braqués sur la réalité ?
où sont nos paroles passées ?
alexandrins et bouts rimés
— chut ! —
les vacances sont d’ores et déjà annulées
pour ce qu’il nous reste à vivre
de l’éternité
tu imagines un corps et il n’y a rien dessous le nom que tu lui donnes
certains disent que c’est la rime
d’autres la pensée
combien de temps peux-tu attendre
ainsi
c’est-à-dire insensé ?
mais personne ne parle
tu sais
les gens ne font que jacasser —
il y avait une dame brune avant
me dis-je soudain
mais que je m’en souvienne ou pas
que tout le monde l’ait oubliée
quelle différence est-ce que ça fait ?
combien de poèmes faut-il écrire
avant que l’un d’eux soit lisible ?
tout le monde attend quelque chose
quelque chose qui ne vient pas
quelque chose qui ne viendra jamais
qui sait
n’est-ce pas là tout le charme de la vie ?
quelque chose se passe mais tu ne sais pas quoi
et quand même tu saurais
tu ne saurais pas ce que cela fait
je regarde les gens
les choses promises et puis les autres dues peut-être
qui sait
c’est vrai peut-être que tout le monde va crever
mais est-ce une raison d’hésiter ?
tout est fonction d’une chose
simplifier
j’ai envie d’écrire 500000 poèmes
quitte à ce qu’ils soient tous mauvais
je n’écris pas pour —
je n’écris pas pour quoi ?
qui le sait ?
tout le monde dort ou tout le monde est mort
n’est-ce pas la même chose ?
avant
quelqu’un aurait fait des claquettes
ou des autodafés
aujourd’hui
il ne te reste plus que tes yeux crevés
ou ces visions débiles dont toi-même
c’est la vérité
si on te le demandait
tu ne saurais pas trop quoi faire
un vers n’est pas un retrait
non
je le crois
un vers est la négation du retrait
la négation de la chose
celle-là même que tu découvres
chez philippe jaccottet
avec ses alexandrins et ses bouts rimés
et toi qui découvres l’existence chaque jour que dieu fait
toi dis-je ou bien dieu —
est-ce quelqu’un de différent ? —
toi comment peux-tu vivre ainsi
comment peux-tu soupçonner ce qu’il se passe en ce bas monde ?
de toute façon
tu le sais
tout —
je dis bien tout —
tout ce que tu fais sera toujours
humilié
dégradé
armée de ricaneurs
en embuscade
ainsi il sera fait
parce que tu ne seras pas comme tout le monde
tu n’es pas comme tout le monde
et tu ne le seras jamais
on ne changera pas le monde
dit
celui que le monde a déjà changé
je regarde la mer
le calme plat a des allures d’enfers qui ne disent pas leur nom
unique
on se surprend à regretter les haines
ordinaires et
l’indifférence
au lieu des regards honnêtes
que les gens se jettent
comme si la méfiance
était un vaccin —
le virus est en chacun de nous
c’est l’histoire de l’humanité
et pourtant nous restons enfermés
petits êtres obéissants
que la peur rend d’autant
plus impuissants
après l’infection
l’extinction
on se jette des regards
comme d’aucuns des pierres —
on a les intifadas qu’on peut
où passe la limite
à présent qu’on la trace
de force
où passe la limite
entre ici et ailleurs ?
si l’on sent bien le proche
on découvre que le lointain
est à portée de main
tout —
je dis bien tout — est une question
d’état d’esprit
(cosa mentale)
et partout c’est la guerre
500000 poèmes
500000 morts
500000 raisons de vivre
500000 raisons de laisser tomber
abandonner
et partout c’est la guerre
toutes les histoires
se résument à la fin
en un bouquet —
et il n’y aura jamais eu d’autre histoire
que cette fin
celui qui traverse
celui qui reste
hortensias improvisés
de qui
ne sait
dessiner
hier
ou avant-hier
je ne sais plus
je crois que c’était avant-hier
j’ai vu un type qui avait arrêté sa voiture
sur le bas-côté de la route
et était occupé à décharger un caddie plein
dans le coffre vide de sa voiture
ensuite
cela n’a pas duré longtemps
je l’ai observé faire
ensuite
il a refermé le coffre de sa voiture
il est monté dans la voiture
il a démarré sa voiture
et il est parti
laissant là
sans plus s’en préoccuper
le caddie
je ne suis pas resté interloqué
non
en fait
c’est un peu bizarre de dire ça comme ça mais c’est vrai
en fait
je m’attendais à ce qu’il s’en aille comme ça
laissant tout derrière lui ce dont il n’avait plus l’utilité
et je me suis demandé
quand l’humanité ne nous surprend plus
ni en bien ni en mal
n’est-il pas trop tard pour s’inquiéter ?
le monde s’arrête
à la bordure du corps
ne s’étend pas plus loin
n’est pas plus vaste
que ces quelques mètres carrés-
là
petit cercle égocentrique des perceptions
petit cercle inconscient
que personne ne délimite
avec lequel tout le monde naît
et meurt
et partout c’est la guerre
(refrain)
et partout c’est la guerre
la sécheresse est une question
de toucher
on s’embrasse avec des pieux
on s’embrase pour des non-lieux
on avoue tout au premier venu
et puis on se terre la nuit
venue
et jusque dans le jour —
l’humanité est une espèce
en constante voie d’apparition
jusqu’où s’élever
ou descendre ?
un instant n’est pas
un point dans le devenir
quand l’atmosphère est bleue
question de lumière jaune
peut-être
tu tournes la tête de l’autre côté
et tout est effacé
combien de temps s’est écoulé ?
est-ce la bonne question à poser ?
nous vivons plongés en nous-mêmes
là où seuls
des abîmes de perplexité
seraient susceptibles de nous sauver
ou sinon
d’aspirer à autre chose
que la condition où nous sommes nés
quelque chose comme l’air
légère
pure comme un jour chômé
l’air désert
des heures
qu’on a pas encore eu le temps
de désherber
peut-être ne suis-je
rien d’autre qu’un point rouge
tache de sang ou de vin
maculage
on tend une toile
ce qu’on appelle un écran
et dessus
on regarde le temps se décrire
au rythme d’une écriture
organique
pas mécanique
forme de l’apprêt
toujours prendre soin au temps d’arrêt
le suspendu qui scande la série de nos oscillations —
tout ce qui vibre est vivant
ô profonde mer
souffre
avale nos festins
de morts fiers
destins de celles et de ceux
gigantesque assemblée
qui te tournent le dos
jusque durant le bain
l’été
ô profonde mer
souffre
pour nous
et nos récits
dont le sens s’est effrité
miettes de ruines
insignifiantes cités
à quoi donc nous consacrer
à la vaine archéologie
à la mythologie
ou bien
à une espèce de futur
logis de qui n’a pas encore de lieu pour
être
sinon
ici
dans les signes insensés
que nous nous efforçons
de tracer ?
ô profonde mer
souffre
et embrasse-moi
profonde mer
prends soin de moi
montre-moi les reflets de qui n’existe pas
les images déformées de moi
monstrueux avenirs
algues majeures
dont nous tapisserons les continents
partout l’archipel
et pullulation
partout la signification
il faut du temps pour détruire
achever de médire
ô profonde mer
fais-moi don du silence
la science du mutisme
elle mute
plus nulle parole de vérité
autre chose
qu’on ne sait pas encore inventer
ô profonde mer
souffre
souffre pour moi !
les pensées apprises par cœur se déploient d’elles-mêmes
roues qui tournent
à vide
s’enroulent
on est heureux de pouvoir reprendre en chœur
le psaume de l’identité
tous unis
il n’y aura plus de faille
plus le moindre interstice
d’air libre
zéro espace
zéro distance
quand tout le monde pense la même chose
zéro égale un
un égale zéro
n’est-ce pas ainsi que tout
s’achèvera
un jour —
à la ronde ?
essaie de ne pas
penser ta pensée
au fond du champ
vision de la mer bleue
écran de fumée
ciel voilé
jaune pâle du ciel
on entend des bruits
si distants
qu’on dirait
étouffés
nous
ça va
nous savons toujours respirer
au loin
un homme hurle
rentrez chez vous
deux fois de suite
et puis plus rien
l’existence est
une suite d’épiphanies
négatives
au cours de laquelle
peut-être
on parvient à trouver
un moyen ou un autre
d’être en accord
avec l’univers
et partout
c’est la guerre
heure de promenade
réglementaire
air saturé de pollens
tombés du ciel
ou de l’arbre au-dessus
qui sait ?
petites bombes inaperçues
dans le jardin
où
des enfants plus tout jeunes
et gros
et laids
jouent à se désennuyer
tout ce qu’ils ont jamais appris
alors que c’est tout le contraire
qu’il faudrait enseigner
non ?
à aimer l’ennui
où se puise
la passion de l’utopie —
je regarde autour de moi
et ensuite
au loin par la fenêtre ouverte
sur l’air frais d’un début de printemps
paresseux
pas d’espoir à l’horizon
me dis-je
y en eut-il jamais ?
me demande une voix
ironique
que je ne connais pas
nous errons
c’est étrange
nous errons
sans même nous mouvoir
zones immobiles
et géolocalisées
pourtant
où irons-nous
traîner nos mélancolies
nos élégances vices
si partout désormais
le grand œil nous précède ?
partout c’est ici
plus nul déplacement
à quoi bon
se demande-t-on
sortir de son appartement ?
le grand œil est aveugle
c’est vrai
mais il faut pour fonder la force
faire accroire une tout autre vérité
confiné au sublime
c=dπ
pas une formule magique
un rien
l’égal du dépit
circonférence de l’être
là
périmètre à parcourir
toute l’étendue du monde
se résume à ce
là
tourne tourne et tourne
et rayonne
tant que briller se peut
encore un peu
façon de vivre
de disparaître
de renaître
au-dessus dans la demeure limpide
olympienne
aimerait-on pouvoir dire
mais cela n’a plus de sens
pan immense
de ciel bleu
qui tire
son impassibilité
du vent qui le bouscule
nous sommes seuls de toute façon
conscients
quand même fous
à le cerner du regard
de notre impossibilité
une sphère finie
les sirènes hurlent
un véhicule de police
descend l’avenue
à tombeau ouvert
le temps à peine de se retourner
on ne voit rien qu’une inscription
en lettres capitales
bleues et disproportionnées
RESTEZ CHEZ VOUS !
manière de dire probable
pour qui sait interpréter
les signes les songes les oracles
qu’ulysse était un survivant
et que notre odyssée
à nous
désormais
consiste mais en rond
à tourner
géométrie de la terre
où partout
c’est la guerre
on aurait pu croire
c’est vrai
que quelque chose sortirait
de notre « conscience malheureuse »
que nous ne poufferions pas
comiques systématiques
enfants gâtés
dans notre certitude vareuse
de tout
du sentiment d’être même —
mais qui ?
bien habillés
c’est vrai
que pourrait-il nous arriver ?
on aurait pu croire
mais rien
tout se boucle sur soi-même
on se demande ce qu’il s’est passé
on a l’air un peu hébété
c’est vrai
d’autant que c’est un mot compliqué
on se regarde dans le miroir
les cheveux ont blanchi
les traits sont tirés
on se découvre des cernes
l’enfant gît
sur le parquet
que s’est-il passé ?
oh rien
les chiens l’ont encore mangé
il y a quelques jours
je l’ai noté pour ne pas l’oublier ni douter que c’est vrai
un homme
a abattu ses deux chiens
à coups de fusil à pompe
il vivait avec eux
et sa mère et son fils
dans un appartement
du centre-ville
de toulouse
les chiens étaient sur le balcon
mais
comme on ne pouvait plus les sortir
ils aboyaient trop
à son goût
alors il est allé vers eux
et d’une balle ou deux
il a mis un terme
à cette nuisance infernale
bruit que fait la vie
quand elle se révèle animale
il les a tués
donc
et puis la police est venue le chercher
et il a été écroué —
c’est vrai
quand on n’aime pas les bêtes
tu sais
on n’aime pas les gens
histoire naturelle
de notre perplexité
pas de différence palpable
je contemple l’air qui coule entre mes mains
pourquoi ne voit-on pas
en temps ordinaire
qu’il a la même couleur
que l’eau de mer
salée ?
je contemple l’air qui coule entre mes mains
pourra-t-on distinguer
le premier bain de l’année de l’apocalypse nucléaire
qui ne se produira jamais ?
assis sur un banc dans le jardin
j’entends un vieil homme
il parle trop fort
à un être non identifié
au téléphone
un autre plus jeune
donne des ordres à son fils
tente de lui faire exécuter quelque singerie
devant l’objectif
de son portable —
rien ne ressemble tant à la vie
que la vie
ordinaire
belle
d’une douce matinée
de printemps
imagine
quelque chose de suspendu
temporaire
et mortel
le parfum
étouffant presque
insoutenable presque
des glycines
on finit toujours
par se trouver une mission
comme décrire
à mesure qu’il est détruit
et remplacé par un autre
dont on ignore tout
le monde dans lequel on vit
et qu’il faut dès lors
apprendre à décrire
bleu outretombe
la couleur est réminiscence
ce qui sourd partout
sans même le sens
bleu outremonde
autant s’immoler dans l’azur
on fait des tragédies de draminets
et puis on se regarde
baba comme bébé
quand on découvre
nos vies insensées
tout le temps passé
fini et foutu
bleu outremesure
qui te brûle les yeux
décillés enfin
c’est tant mieux
tant pis pour la vue
l’œil de l’esprit
est un aède délirant
qui divague comme un revenant
bleu outrelangue
la couleur irise l’essence
taisons-nous
tout est nu
et dire que l’on pensait
apothéose du progrès
en avoir fini
avec l’ennui
nous sommes une maladie
grandiose
ça sent la mort pure
l’entêtant parfum de la pourriture
nous avons de petites armes qui nous défigurent
l’espace public est contaminé
interdiction de circuler
qu’il est faible le bras armé
de nos gestes barrières
ridicules prières
d’un peuple qui n’a plus de foi
se laisse tout entier dominé par la loi
quand on la croise
la vieille dame se fige
tire un bout d’étoffe autour de son cou
qu’elle remonte maladroite
sur sa bouche
sur son nez
pas la peine de les dénombrer
les cadavres sont là
partout et debout
je les vois déambuler
bonnes âmes en peine
dans la rue
il suffirait
pour qu’elles tombent
de leur souffler dessus
et que s’écroule
avec elles
le petit édicule
sans force ni ferveur ni vigueur
où se tapit la civilisation
exercice
banal et beau
du quotidien
l’enfant qui invente des jeux
paraît chaque jour
un peu plus grande
à nos yeux
au fond desquels
chaque jour aussi à notre tour
nous semblons un peu moins
vieux —
la vie a des façons de passer
ainsi
une force latente
qui ne jaillit pas
mais coule puissante
et permanente
comment se fait-il alors
que nous soyons aveugles
à elle
et que seule l’exception
l’urgence la crise
bref
la peur de la mort
nous la montre
à l’occasion
fugitive
telle qu’elle est pourtant
tout le temps
dans l’exercice banal et beau du quotidien ?
imagine-toi
en ulysse à la dérive
ne comprenant plus rien
soudain
au fonctionnement de son gps
dans le lointain
cependant que l’enfant danse dans le jardin
un homme à la voix éraillée
et folle
pousse un cri
à force de vivre confinés
vous allez tous crever
quelqu’un s’est exprimé
certes
mais rien n’a été dérangé
une certaine idée
de la démocratie
confinés
à la folie
monde immonde
où il m’aura été
donné de naître
que faire de toi ?
là où je suis
un brin d’herbe
ou bien un gisant
qui sait ?
je regarde la masse du ciel
grande et continue
défiler
il y a aussi des gens masqués
et je ne sais plus
à dire vrai
que penser
si c’est bien ou si c’est mal
de se voiler la face
mais je ne suis qu’une feuille
moi
légère
je peux m’envoler
je peux disparaître
quelle différence cela fait
mais l’espèce
elle
sa lourdeur
l’immense procession des corps sacrifiés
ne faut-il pas qu’elle reste demeure
survive ?
moi je ne suis rien
qu’une brindille
tout ce qui m’importe
ce n’est pas cela
non
c’est autre chose
moi je ne suis rien
qu’une herbe folle
tout ce qui m’importe
c’est la vie
quelque part
les machines n’ont jamais cessé de fonctionner
quelque part c’est-à-dire
partout
c’est l’arrosage automatique
c’est l’éternel retour
à rebours
les beaux jours
un peu comme
des ruines
mais à l’envers
autoroutes saturées
où plus rien ne circule
que l’information
quelques cadavres
en transit de vie à trépas
qu’on dénombre aussitôt
un à un
étrange transhumance et macabre
mathématiques à mi-chemin
entre la statistique et la numérologie
point invisible de l’inflexion
autant consacrer sa vie
à l’exercice quant à lui statique
de la génuflexion
en attendant de foutre le camp
ventre à terre
mais dieu sait où —
tout désir étant l’inassouvi —
parce que partout oui partout
partout c’est la guerre
film nocturne
de l’enfant fantôme
réponse définitive
autant que faire se peut
à la question improbable de savoir
pourquoi il y a quelque chose
plutôt que rien
est-ce vrai que
comme il n’y a rien
nous cherchons quelque chose
ou que
comme il y a quelque chose
nous aspirons au rien ?
toutes ces questions
qui semblent te faire tourner en rondes et
circulaires réflexions
dis-toi bien que parfois
elles te font gagner du temps
cependant que tu demeures
là
perplexe
tu ne songes pas à aller voir
ailleurs
là où
de toute façon
tu n’as pas le droit d’aller
demeurer —
telle est désormais ta condition
demeurée
ou comment se déplacer
est devenu
un crime contre l’humanité
je regarde le plafond
et me demande
le blanc
est-ce une couleur ou non ?
toutes ces choses qui pourtant
passent inaperçues la plupart du temps
(note pour ego : je n’ai pas réponse à tout parfois si j’écris quelque chose c’est simplement que je trouve que c’est beau je peux rationaliser mais cela n’a jamais de sens que limité j’écris et puis c’est tout qui de toute façon pourrait bien avoir envie de comprendre tout ce qu’il fait ?)
quinze secondes de vérité
conditions d’exercice
dans les jeux de l’enfant
qu’est-ce que la vie bonne ?
le bonne hauteur d’homme ?
haut comme trois pommes
ou comme trois crânes
comme dans un tableau de cézanne
je passe des heures à regarder le ciel
je pourrais passer des heures à regarder le ciel
bleu
et ne rien faire d’autre que respirer
inspirer de l’air chaque jour moins impur
par opposition au sang
oublier l’héroïsme sans intelligence
préférer quelque chose
dirais-je
comme un esprit
sans personne dedans
à quoi bon une ligne de plus
si l’existence demeure indigne
inchangée
sans traumatisme
enfermée dans sa tête
laquelle est close
toujours close ?
la condition des visibles
(tâche de ne pas l’oublier)
la condition des visibles
est de disparaître
un peu comme on dirait
la condition des nuisibles
est de persister
je crois que ce n’est pas vrai
qu’il y ait toujours
un mot une parole qui sauve
on balbutie quelques formules
encore est-on heureux
de savoir certes articuler
les autres ont la langue qui pend
dans le désir muet de l’autre
inconnu mais nommé
une ombre intangible
sur laquelle les questions d’existence
reposent
et même se fondent
on essaie d’enter sur des simulacres
les rivages imaginaires
et s’étonne ensuite de ne même plus finir
noyé
on se gave et crève à la fin écrasé
sous sa propre inutilité
mais qui —
demande-le-toi —
qui pourrait bien encore vouloir
de toi ?
hantises
dans le champ chromatique
quelle est la différence
entre une mouche
et une obsession
une langue morte
et une autre
dont le sens est obscur
pour d’intimes raisons
comme cette façon bien à elles
qu’ont les mouches
de toujours revenir tourner
au même endroit
on a beau les chasser
elles sont là ?
ce matin —
peut-être ceci est-il lié à cela —
j’ai tué le premier moustique de la saison
dérisoire hécatombe
bêtes
sans dieux à qui les immoler
en face l’île mobile
inquiète mon âme
l’immobile
décrit des parcours fantastiques
périples
que nulle machine ne retracera jamais
mais que l’œil nu lui
quand il sait oublier qu’il en est un
l’œil qui luit nu
parcourt à perte de vue
et découvre des tableaux
jamais achevés
couverts de peinture fraîche
outrés
aux traits légers
quinze secondes de vérité —
combien de siècles de vanité ?
pas un nuage dans le ciel
où fixer l’attention
qui dérive dès lors
le sommeil devient
quoi sinon l’horizon ?
mais je ne ferme pas les yeux
non ce n’est pas vrai
du moins pas assez longtemps
pour m’enfoncer
quitter la veille
j’entends une musique
quelques notes précises
si je ne puis les dénombrer
elles raisonnent
et ce qui trouve là à s’exprimer
n’est ni un mirage
ni mon intériorité
(qui a eu l’idée
d’ailleurs
de cette vie intérieure
qui d’autre que celui
qui était privé de toute vie extérieure ?)
quelque chose de plus subtil
et de plus solide aussi
il y a une mélodie
dans les choses
qui ne vient pas des choses
mêmes
mais à elles en réponse
de plus loin et pourtant
dedans
et partout c’est la guerre
ou tout ce contenu
entêté
sur nous déversé
flux obstiné
dans l’optique
unique fixe
comme une idée
de nous empêcher de penser
la bêtise obscène
la bêtise obsède
qui en monte la scène
arrière-garde du désir
rien n’a de sens
que bien entendu
tout est question d’entendre
de malentendus
tout le monde s’accorde à bien entendre
et pourtant
ne comprend rien
absolument
où serais-je moi
si je le savais ?
ici sans doute
à faire avec soin
discipline aérienne
ce à quoi —
pauvre fou —
et conscient de soi qui plus est —
chaque jour je me consacre :
artillerie légère contre la méscience
(on les voit déambuler dans les rues
âmes en peine de rien sinon d’elles-mêmes
on les voit arpenter les rues pour le nourrir
avec vissée au ventre la peur du mourir)
tout doit disparaître —
c’est l’histoire des soldes
c’est l’histoire de l’humanité
regarde-la et
apprends à pleurer
un tour plus un tour
plus un tour plus un tour
et ainsi de suite à l’infini
ne feront jamais le tour du monde
la circonférence d’ailleurs
a-t-elle jamais marqué autre chose
que la fin des grandes découvertes ?
à quoi bon sortir d’ici
à présent que partout c’est nul
et nulle part chez soi ?
d’où le dépit
l’éternel ennui
(fixe le regard sur l’avenir)
l’humanité est une espèce
en voie de mobilisation
au garde-à-vous
sempiternel
en quelque sorte
dispars êtres
pas de blocs
compacts
mais des formes singulières
disparaître
je peux les voir flotter fuser
assemblée éparse
nuées d’insectes ou d’humanoïdes
vol d’oiseaux dans le ciel invisible
je guette quelque chose
mais qui peut encore dire quoi ?
le monde ressemble à une interminable fin de journée
sans coucher de soleil pour l’orner
faire beau
de toute façon il y a bien longtemps
qu’on a enterré la beauté
il y a encore des stèles
çà et là
mais non
le ciel ne nous est pas destiné —
est-ce la raison qu’à moi
il semble si beau toutefois ?
nos désirs ?
taches dans le champ d’horizon
rien de plus
gouttes de sang dans l’océan
infini des plaisirs
chaque jour en appelle
rouge majuscule un
qui s’enroule
est-ce mon cou ou une liane ?
la roue tourne il paraît
mais on ne sait jamais
les contempteurs du spectacle
ne sont-ils pas devenus des bêtes
de foire ?
passions tristes
poissons chats
femmes oiseaux
harpyes
hommes fontaines
tiers mondaines
foules déchaînées
des rats
fauves boiteux
riches et malheureux
sauvages amputés
armées de léopards nains
et édentés
révolutionnaires contrariés
déprimés
à l’idée même d’échouer
héros sans exploits
citoyens sans droits
regards menteurs
de chiens battus
toute une humanité
monstres
dans une grotte
enfermés
il faut vivre dangereusement
dit la voix du mutant
mais que l’on ne compte pas
sur moi
pour prendre des risques —
les océans de plaisir
sont des temples de lâcheté
personne ne s’y noie
on n’a guère plus que des bleus
à l’âme
sans savoir en vérité
ni pourquoi
ni ce qu’elle est
fantômes zélés
mal à l’aise les étants
dans le monde
préfabriqué
comme les maisons qu’ils habitent
et que l’architecte
grand
produit en série
semblable au semblable
n’est-ce pas ainsi
qu’on s’assemble ?
je fixe ce point rouge que
j’invente
il chante peut être jaune
ou bien ozone bleu
s’il change moi avec
sans chercher à être comme lui
je change aussi
essaie d’aller là
où l’on ne t’attend pas
puisque partout ailleurs
partout c’est la
guerre
il y a un homme
il tourne en rond
autour d’un arbre
tous les jours
je le vois
ou presque
il est là
et il tourne
il tourne autour de son arbre
il porte un masque
des gants une casquette
des lunettes de soleil
il est trop chaudement
vêtu pour la saison
il porte un sac sur son dos
et il tourne
il tourne autour de son arbre
il pourrait aller n’importe où
il pourrait aller n’importe où
dans le jardin
il pourrait aller n’importe où
dans un rayon de un kilomètre
mais non
il tourne
il tourne autour de son arbre
tous les jours
ou presque
il tourne
il tourne autour de son arbre
quand parvient-on
au bout des choses
au bout du compte
au bout du bout ?
il y a une lumière noire
dans l’habitacle
mais comment savoir
si c’est une erreur
ou bien la seule lueur qui soit
sombre pas malsaine
attirante au contraire
là où tout ce qui est
se perd aspiré ?
y a-t-il seulement un bout des choses
ou est-ce comme ce monde
une fois parvenu à sa fin
on découvre une ronde
boucle sans fin mais
sans début non plus
sans rien ?
non ce que je voudrais
ce n’est pas ce qui recommence
revient au même
coda et caetera
mais quelque chose qui puisse continuer
durer
et je sais bien oui je sais bien
tout le tragique de l’existence
comme le silence et l’ineffable
vérité qui l’accompagne
(fable)
fit-il en balayant cette histoire
d’un geste revers de la main
mais ce n’est pas ce que je cherche
moi
alors quoi ?
il se tut un long moment
et reprit
les aurores et les couchers de soleil
un parfum inattendu
la sensation du printemps la nuit
des voix inouïes ou familières et qu’on aime
quelqu’un qui ne comprend pas
et le dit
l’enfant qui se force à rire
la douceur de la folie au saut du lit
un croquis quelque chose d’entier
parvenir à la fin d’un carnet
imaginer le chemin parcouru
mais sans se retourner
une déesse callipyge en chair et en os
les amours que nous n’avons pas choisies
le souci de la précision
la perplexité passionnée
la lumière à l’ouvrir des volets
la justesse
l’acidité d’un fruit sucré
et tout
tout cela qui ne se résume pas
c’est tout ce qu’il nous reste
pour nous accrocher à l’univers
nous unir au monde
les crépuscules
rouge sang
quelques rayons de soleil
des oiseaux
la mer n’a jamais semblé si plate
vue de loin
on pourrait rêver
mais cela ne sert à rien
tout est là
présent
ici et maintenant
le ciel voilé
au-dessus de moi
et la loi morale
tout autour de moi
sans mœurs
de celles
c’est-à-dire
sans lesquelles on meurt
les visages masqués
de plus en plus près de moi
la vérité dévoilée
de plus en plus loin de moi
et sous tous les visages cette peur
civilisée
tellement civilisée
qui darde les volontés
les réduit
à l’absurde
épuisées
le ciel bleu tirant sur le blanc
une tache aveugle
dans une voûte immense infinie qui sait ?
de confusion
l’escargot de l’histoire
ignore où il va
noir blanc
il mélange
et tout disparaît
derrière le rideau de la pluie
brume
noir blanc
c’est étrange
étendue nimbée
on pourrait s’y perdre
gris
est-ce que je devine encore quelque forme
les yeux fermés
ou est-ce que j’imagine
des choses des animaux
des esprits
y a-t-il encore de la vie
ou bien est-ce qu’un dieu moqueur
que tout le monde a oublié
en profite pour se rire
de nos essences maladroites ?
la place du mort
c’est là ou le désert
se faire violer à l’arrière
d’un véhicule à l’arrêt
tout le monde a tort
de vouloir une nouvelle vie
d’espérer un nouveau monde
un nouvel ordre de nos désirs
nos regards s’achèvent sur le pas de nos portes
derrière lesquelles
monastère ou bien mouroir
nous nous replions cloîtrés
où les on-dit qu’on colporte
font des gens des cloportes
que pense 72% de l’humanité
ou 72% de moi-même sur n’importe quel sujet ?
il y a de la brume accrochée à la falaise
au sud
verte et calcaire
un coup d’œil à ces cieux
ne prouve rien du tout
sinon qu’il n’y a nul dilemme
nous vivons toutes nos vies à genoux
raptus perpétuel
selon comme on le regarde
le bateau semble posé sur la mer
chaque instant immobile
le mouvement étant ailleurs
sans savoir où il va je voudrais
monter à bord et naviguer
mais pourquoi ?
cela n’a pas d’importance
ni le fait que je ne le puisse
que je sois assigné à résidence
ici comme l’âme dans le corps
aurait dit socrate à phédon
non ce fait non plus n’en a pas
d’importance
je suis en exil chez moi
avec l’insupportable sentiment
de n’être même pas le premier à avoir
cette idée
ciel absolu
sans rien dessus
parfois un avion le traverse
une apparition
occasion de se faire léger
comme l’air qu’on oublie
de respirer
visage bleu
on dirait tuméfié
de l’intérieur
dehors semble plus que jamais
inaccessible
problème du monde extérieur
existe-t-il quelque chose d’autre
que moi
puis-je me fier à mes pensées
vu où elles me portent
à quelle extrémité lointaine
quand je suis là
comme dément
hors de mon âme pourtant
où autre aller
tout entier occupé à étouffer ?
emphase avec le réel
qu’on me montre une fin un début
un moment qui vaille la peine d’être vécu
archipel des gouttes de la pluie
sur la fenêtre
pas envie de chercher aujourd’hui
quelque chose à quoi m’accrocher
à quoi croire à quoi rêver
le simple fait d’être là
je ne sais pas pourquoi
possède une vertu cathartique
je n’ai pas besoin de justifier
ce qui vient d’être vécu
ni ce qui va l’être non plus
tout est une question de
mais je n’ai pas envie de finir cette phrase
je ne veux pas d’un tel désir
de généralité
peut-être que c’est vrai
peut-être que je ne sais pas
ce que je veux
mais est-ce si utile si nécessaire
qu’on l’imagine ?
je laisse les ressources de l’imagination
en paix
encore un coup d’œil à la fenêtre
et par-delà
les nuages s’étirent
la grisaille se dissipe
si l’on ne meurt
on finit toujours par y voir
un peu plus clair
un avion tourne dans le ciel et
moi
j’ai envie qu’il s’écrase
pas que cesse son bourdon sourd
non
qu’il brûle dans les flammes
de son propre accident
pas une destruction gratuite
non
une manière de respiration
oui
un climax civilisationnel
disons comme quand
les gens font la queue
pour aller à l’abattoir
brûle
brûle
brûle
au-delà du style
exercices de sublimation —
il ne me reste plus beaucoup de temps
histoire de faire semblant
que la lumière existe
encore
comment fait-on pour exister ?
c’est-à-dire
comment fait-on pour ne pas exister ?
je contemple les zones creuses
les pulsions obèses
et me demande
qui restera là
comme moi
sans mot à dire
sans lieu où aller
méduse au carré
à faire le tour
haletant
de la nécessité
trop de pierres
pas assez de pierres
trop de poèmes
pas assez de poèmes
trop de langage
pas assez de langage
trop de bruit
pas assez de bruit
questions d’équilibres
à trouver
où tout faire
basculer
paix relative
dont on capte les signes
extérieurs
en faisant semblant
un peu
en oubliant
un peu
notre misère grande
en suivant du regard
par exemple
un oiseau dans le ciel
où va-t-il
cependant que je demeure là
enfermé
sous peine de me voir
emprisonné ?
je rêve encore parfois
et au réveil je me demande
qui était cet être
libre de ses mouvements
un fantôme probablement
un spectre insolent
qui s’est moqué de moi
toute paix —
relative à la guerre —
manières de défaire l’immonde
fabulation des faits
c’est vrai
qui ne voudrait
la tranquillité
l’apaisement
quelque chose comme
la paix de l’esprit
gelassenheit man you see ?
plutôt que ce souci
permanent de la vie
et si et si
simulacres qui sillonnent le ciel
humanité pareille
ferais-je œuvre de moraliste
non pire
démoraliste
quelque part
quelqu’un parle
et nul ne l’entend —
une histoire de la vie
quelque part
quelqu’un fait semblant
et nous sommes tout ouïe —
une autre histoire de la vie
reine de chine
qu’elle pleuve ou brille
d’où viennent les nénuphars
qui peuplent notre étang ?
étranges pays que nous ne visiterons jamais
au-delà de la mer de calcaire
nageoires nous menacent
traces du passé ou présages de sciences
nouvelles et inespérées qui peut-être
nous sauveraient
qu’ai-je fait
scène divine
pour pleurer ou briller ?
des taches sur le soleil
en vidant mon verre
un soir d’été
enivré
qui se souvient encore de quelque chose
quand les yeux étaient ouverts
et les persiennes mi-closes ?
trop de questions
pas assez de questions
nous avons bâti un mur
dans le jardin
pour nous protéger de l’air
c’est beau
si beau que dessus
nous pourrions faire de l’art
comme on en voit dehors
dans les rues
mais toutes les fresques sont télévisées
désormais
on a épuisé le talent
et ne sait plus comment ça se regarde
quand ce n’est pas de l’image en mouvement
c’est que nous aussi
nous restons immobiles
là derrière notre mur
qui devrait nous protéger de l’air
si seulement il ne nous fallait
pour notre malheur
continuer de respirer
et partout
c’est la guerre
peuples de faibles
couards
hypocrites bandemous
dictateurs impotents
éternels prolétaires
et leurs banderoles
auxquelles se pendre par le cou
art de la petite bourgeoisie
nulle façon de vivre
sinon médiocre
on se cache derrière sa race
son masque son petit doigt
et on espère que quelqu’un vienne
qui nous sauve
or le ciel est vide
on expire
nos énergumènes l’ont déserté
ou bien peuplé de vierges
à enculer outretombe
pour le bonheur de mâles décérébrés
dont on se demande comment
ils peuvent encore subsister
peuples d’animaux mal élevés
impropres même à l’abattage
gamins hirsutes qu’on surveille
des puces plein le corps
sans prendre la peine de les regarder
peuples issus du grand ratage
big bang farcesque pour qui n’a pas d’idées
on fait semblant de vous entendre
de vous aimer de vous comprendre
mais à la vérité nul ne l’ignore
depuis le début tout est foutu
chaque jour
j’écris ma fable
vin autrement
couleur de sang
ou transparent
variations avec la lumière
dedans à défaut de la vérité
moins de vanité
éclair dans l’esprit
pas dans le ciel
où le vent grand
fait voyager les pollens
dissémine la vie
vin vie viens
soleil vers la fin de la journée
plus qu’une éclaircie
bien plus
ébloui je lis les aventures
d’un homme qui voulait rentrer chez lui
hibernohellène écriture
fonction de son âge
la mer est couleur de sang
le vin est couleur de sens
je cherche la bonne image
de l’existence dans
cette transparence
je préfère regarder au-dessus
loin des terre-à-terre étants
parfois les marques sur mes bras
ressemblent à des nuages
quand j’ai passé trop de temps
appuyé de tout mon poids
je les regarde étonné
les découvre déportées
sur mon corps
importées d’outremer
quand on regarde le monde par en bas
il n’a pas l’air assez étrange
pas l’air assez fou
lors que nous devrions perdre
la tête le sens l’orientation
à mi-chemin entre ici et nulle part
hominidés captifs de la raison d’être
déraisons d’espérer
comment garder le sang froid ?
quand le vent souffle
yeux en larmes et autres
allergènes
dieu semble très gêné
quand de lui tous ne voient rien
que le trou du cul
scissions dans la soie
frissons sur le moi
tout le monde cherche
quelque chose à quoi se raccrocher
tout le monde cherche
un lit où s’étendre
et les fluides de se répandre
au bout d’un laps long
les yeux se décillent
on ajoute une cédille au boiteux
un liquide s’écoule
tout le monde cherche
une raison de continuer
que ce soit ma satanique science
ou ton angélique ignorance
il faudrait être fou ou surdieu
pour imaginer un jour s’arrêter
temps étrange
impossible de vivre
ou alors sentiment
d’exister indexé
sur cette croissance
inaltérable
et exponentielle de l’absurdité
partout des vanités têtes
masquées contre une mort fantôme
des mains inventent des gestes
inusables pour se protéger
mais les yeux sont trop faibles
ne voient rien ni ne détectent
les traces les formes de la menace
en tendant la main
je pourrais presque la plonger
dans l’eau salée et salvatrice
de la mer
mais
chaque jour qui passe
semble l’éloigner un peu plus
ce n’est pas vrai me dis-je
c’est le poisson inverse
oh oui je le sais
mais qu’y puis-je moi
et que puis-je faire de cette sensation
d’avoir cessé d’espérer ?
lumière chaude mortelle
quasi
elle croît
au loin les collines
sèches vertes
effet du soleil
couleur de la pierre
parlent du ciel
qu’elles pénètrent
d’une géométrie des couleurs
du visible derechef
de la pointe qui se détache
sommet
quelque chose est montré
un endroit peut-être
que je ne sais pas encore discerner
situer
mais dont le possible me hante
déjà
pas un mystère à percer
mieux
des propriétés à inventer
annuler l’ex
faire quelque forme chromatique
qui n’a pas encore eu lieu
qui ne m’attend même pas —
elle n’a pas besoin de moi —
mais pour laquelle en partie
je suis là je suis né
l’air danse
oiseaux qui tournent
(cercle circulaire)
archipels
fini de rire
ou de sombrer
pas de différences entre une chose
et son contraire
mais qu’est-ce que le contraire
d’une chose
rien
quelqu’un l’a-t-il effacée ?
qu’est-ce que le contraire
du contraire d’une chose ?
je ne peux rien réparer
je constate la fin des choses
leur destruction
regarde la brume se détacher
doucement
des roches qui forment la colline
de l’autre côté de la route
songe à d’autres collines
où nous avons été heureux
toi et moi
nous ne parlions pas de tout cela
alors
la mort avait déjà fait son devoir
pour moi
mais cela ne faisait rien
que rendre les choses
et la vie et toi
plus intenses
encore
est-ce que tout a changé
ou n’est-ce que ce que
en nous
on a impugné comme toutes
les similivérités
les mensonges les ordres
les injonctions à la discipline
l’obéissance l’obsolescence ?
et puis qu’attendre du temps
sinon qu’il passe ?
avant et après modalités ambidextres
de la succession
rien ne revient mais rien ne disparaît
c’est le même feu qui coule
lave
incendie l’iris incandescent
sens contre sens
guerre au contresens
giclées de foutre
traînées de doute
j’apprends à lire dans le ciel
quand il suce les nuages
que le vent chasse
dehors les chiens aboient
domestiques et les maîtres
s’évertuent à faire des phrases
impossible langage
quand nulle passion ne brûle
profits de la prophylaxie
le cours de l’eau
explose quand les fontaines
toutes sont taries
a-t-on jamais vu visage si triste
couleur si terne vide ?
un instant de silence
enveloppe ce bas monde
quart de la vérité
chacun tente d’expliquer
comme il le peut son attrait
délirant pour l’insensé ou pire
l’à peu près mais personne
ne sait plus parler ou bégaie
comme les onanistes les terroristes
la mitraillette à la main l’air de rien
qui s’étonnera après que
les nymphes se soient suicidées ?
chants d’oiseaux barbares
importés exotiques
rêves de lointains
confins de l’univers
espoirs en série
hôtels clubs camps
concentration des corps
gens d’idéaux bâtards
la nuance tue à la nuance
près les uns des autres
phénomènes entassés
dans l’espoir affaibli que rien
surtout jamais n’arrive
monceaux de déshérence
élans d’assauts hagards
fixe l’x à rabattre
sur tout pourvu que ce soit
comme adam ève
origine discutable quand on y pense
mais à quoi penser ?
tu vois me dis-je
ne restent plus que des questions
plus ou moins mal posées
on a pris l’habitude
de faire des vers sur des affirmations
mais les certitudes les vers
les ont bouffées
ne restent plus alors que ces formes
ambiguës mi-monstre
mi-organe oreilles biscornues
doutes qui se lovent jusque
dans le creux du doute
même amour des deux mains —
qui pourrait désirer moins ?
le sentiment le plus étrange
regarder le monde autour de soi
ou non même pas le monde
mais tout simplement
ce qu’il y a
faire quelques pas et l’air
qu’on respire est le même
que celui qu’on voit
transparent dis-je encore une fois
pourquoi l’invisible nous semble-t-il
une menace alors qu’il est avant tout
cela même qui nous fait vivre
ce qu’il y a ?
tu vois je ne puis m’empêcher
de poser des questions
est-ce un symptôme
ou une pathologie ?
non
les choses ne peuvent se résumer à cela
tristesse du choix
ou bien ou bien
il faut désirer quelque chose qui
n’existe pas
et si je ne sais comment
c’est le signe peut-être
que quelque chose d’heureux terne moins
est en train d’avoir lieu
quelque chose comme je dis
que je pourrais aimer
quelque chose en vérité
que j’aime déjà
il est tard
je veille
théorie de l’éveil perpétuel
insomnie sans trêve
mais alors comment ferons-nous
pour rêver ?
peut-être qu’à force de ne plus dormir
ou bien de trop
nous finirons enfin par nous défaire
de ce partage
absurde et étroit
entre le sommeil et la veille
n’oublie jamais mon enfant
que c’est la société
qui t’interdit de toucher
les autres que toi
n’oublie jamais mon enfant
que c’est la société
qui détruit
la société
et partout c’est la guerre
où s’étend le regard
s’arrête-t-il par exemple
au bout de la rue
au bout de mon nez
sommes-nous forcés de
nous résumer vendre prostituer ?
tu vois dis-je à quelqu’un
dont je ne connais pas le nom
et qui de toute façon n’écoute pas
tu vois dis-je à tout le monde
le sens ne se fabrique pas
il n’y a pas d’usine pour ça
qui prétend le contraire
ne t’aime pas au contraire
en veut à ton corps à ta peau à ton âme
à ta chair à la chose que tu n’es pas encore mais que tu deviens
ce sens est une histoire d’imagination
il raconte des espaces des horizons
les corps enfermés ne respirent pas
ils étouffent et à la fin
dans l’espoir d’être sauvés
on les retrouve crevés
c’est toujours la même histoire
tant que c’en est triste
tu veux rester chez toi
protégé
cependant que des trains
bondés
se déversent sur l’europe le monde
et tout le monde garde les yeux
fermés
au prétexte de la sécurité
peuples de couards si riches qu’ils en deviennent pauvres —
c’est-à-dire misérables
vivants mais si morts pourtant
tu vois tu peux me faire
n’importe quoi
c’est vrai après tout
qui suis-je moi
sinon une chose faible seule
fragile
d’habitude je me cache derrière
la horde la société
mais quand elle s’effondre
où puis-je encore m’abriter ?
tu peux me faire n’importe quoi
je ne suis rien qu’indivis
si je disparais tout le monde
bientôt m’aura oublié
d’ailleurs n’as-tu pas déjà commencé
de ne plus savoir qui j’étais ?
les gens forment cohortes
et s’étonnent ensuite qu’on les désagrège
si aisément
tu peux me faire n’importe quoi
je ne cesserai pas d’être moi
tu peux me faire n’importe quoi
moi je ne cesserai pas d’être
parfum de l’air après la pluie
retourner à ce que nous sommes
qui niera par exemple
que nous soyons perdus
que je me sois perdu ?
retour de la somme à moi
à ce que je bois d’elle
je ne coule de rien non
tu vois
je deviens
apparition de la mer
longtemps désertée
iode dans l’air
rien ne vaut le vent
qui bat les cheveux
je me fais des montagnes de vagues
je délire sur un parfum
l’eau noie mes pieds
et moi plongeant les mains dedans
m’en barbouille le visage
et puis lèche avide
tel un animal sciemment privé de vie
le sel qui s’accroche
à mes lèvres enfin libres
un peu après la fin
j’attends
que quelque chose se passe
mais rien
je ne suis pas triste
non pourquoi le serais-je ?
il ne passait rien avant
pourquoi se passerait-il
quelque chose à présent ?
il fait nuit
je sors
respirer quelque chose dehors
le calme apparent
et l’ennui omniprésent
qu’il couve dans sa tranquillité sûre
dépravée
acanthes de nulle part
sauvages
ignorées
besoin de cet abandon
pour se sentir
exister
s’épanouir peut-être
pistils dis-je en outre
avec l’impression
de rendre une manière d’oracle
que je ne comprends pas
pistils dis-je derechef
c’est ici que s’effondrent
les civilisations les empires
sur le bas-côté
halluciné le talus
germinaisons
pétales dédales
globale
effloraison
défilé des paysages
à vive allure entrecoupés
d’allégories de la mort
formes obscures qui émergent
de la terre
même en lumière pleine
elle ne l’exprime pas
plutôt sa négation
sur la route
première sortie depuis
dieu sait quand
le monde semble moins
partagé que jamais
entreprises multiples
illimitées on dirait
de l’ensevelir
sous des montagnes de béton
humaniser la colline
en la colonisant
faire des dépendances
d’arpents de sauvagerie
ce n’est pas le monde
de fait que nous arpentons
mais la vision âcre
que nous avons
rouge à s’en brûler
le regard
friche du monde
allégé
fugue
plus haut la source
canal qui traverse
le pays
eau
je voudrais couler
pas me noyer
non
flux
devenir liquide
iridescent
sang bleu blanc
mi-eros mi-violent
tout au bout sans goutte
flot
l’océan
ce que dans mon jargon prosaïste
j’appelle d’une femme mot
la mer la mer
le problème de l’élan
me dis-je
c’est qu’un instant
il s’arrête
plus de mouvement
quand moi je le sais
pourtant je voudrais continuer
peine perdue que d’en chercher
un nouvel
quelque impulsion
pour devancer la machine
il n’y a pas de machine
rien que cette chose que moi
je suis
et nomme moi
plus d’élan
des manières d’avancer sans
toute recherche tend
vers l’impossible
elle et son contraire
la découverte
sans le dire
je fais de l’étymologie
sauvage
invente dans le langage
des arts de ne m’épuiser pas
des efforts qui n’ont pas besoin de dire
leur nom
ils sont —
non mieux
ils font
mer plate
quand le tonnerre gronde
et que l’orage menace
mais tout est si paisible
en face
sur l’île —
qui a dit qu’il fallait toujours
chercher à dépasser
les contradictions ?
au fond du paysage
un point de doute
par où les sentiments
si nous en avions
pourraient s’enfuir
prisme des sensations
malgré nos notions toujours
plus confuses
à l’autre bout de la chaîne
contestataire j’évoque
les raisons de croire encore
en quelque chose mais
a-t-on jamais vu ma chère
populace si rare si frêle ?
c’est le désert
aurait-on envie de s’écrier
mais non le désert
c’était avant
et à présent moi
je cherche un nom un verbe
une phrase
pour dire quelque chose
après
retarde délaie
rumine et pars
cherche la rime infime
infracrépusculaire
matière des corpuscules
ils avancent dans le noir
rougeoie colore-toi
blême où vas-tu ?
ne singe pas
ne fais pas signe ni société ni peuple ni rien
sois
quelque chose ou
rien
nul ne va jamais si loin que ça
ici ou là
façon de faire semblant de faire à sa façon
quand nenni
turbulences plutôt
perturbations plutôt
quête insensée mendiant policé
à force de prétendre nous avons oublié
d’entendre la voix
vent dans les feuilles de l’arbre
mouvements des animaux
oiseaux
pas de destin
ne crois pas cela non
pas de destin —
attention
éclairs dans le ciel
tout brille certes
mais tout a déjà brûlé
qui suis-je moi ?
demande-le-moi
une braise un songe
un peu de poussière
le père ou la mère dieu
une théorie dont on s’entiche
la grande sœur de la vérité
cassandre muette assassinée
une érection dans la mollesse
un gland châtré
de la chasteté l’espérance
dis-le-moi
fais-je des ronds avec mes doigts
dans le néant
exercices circulaires
pour qui n’a plus rien
à faire ou est-ce que je
dérive sans direction
pain de glace sans océan ?
je tends les mains
y a-t-il un sol une terre
où m’attacher ?
je tire un trait —
ne me dis pas moi
que je suis
non aide-moi
à m’oublier
à ignorer que jamais
non rien ne dis
rien
soif immorale
de passions aphrodites
les autres se font
des frissons de que dalle
s’imaginent des drames
qui n’existent pas
mais moi quand je te regarde
je vois la chair dans le marbre
les corps qui dansent
sans halte
les parfums parthénopes
et les odeurs de feu
le bois de la déesse
et le silence en bas
j’essaie de me poser une question
que je ne trouve pas
me souviens de l’argent
que nous n’avions pas
de tout ce qui se perd
dans les rues de naples
qu’on l’aime ou
qu’on ne l’aime pas
la ville aux millions
de pas
l’amour est là
un jour de plus
égale
un jour de moins
ici
toit de pierres plates
rien qui le regard
arrête
abstraite manière de voir
les formes
où suis-je ?
dans quel pays transporté
nature jaune des innombrables
soleils
immortelles
dit-il
et je l’écoute
pensant à des déesses
nichées dans des abris de fortune
des abris nucléaires
attendant époques plus propices
qui probablement
ne reviendront jamais
y pensant
comment puis-je
me dis-je
ramener l’affaire mythologique
à une question de statistique ?
tu sais
en guise de réponse alors
j’ai beau tout faire
pour ne pas l’aimer
je ne suis jamais
que l’enfant de mon époque
et je ne l’appellerai pas
maman non mais
ma chère vieille mère
comment l’on dit dans la phrase
ma chère vieille mère
quand allez-vous enfin
vous décider à crever ?
stylite styliste
retour à la ligne
en haut de la colonne
la tour
site sur le toit du monde
sis sans état
comme tous les saints
styliste stylite
sur terre l’air béat
yeux levés vers on ne voit où
le ciel le plafond
un interstice par où
passe la lumière
le sens
la science des altitudes
et des mesures
des plaines ouvertes
grandes à mes pieds
art du surplomb
pour qui ne manque pas
d’aplomb de suite
dans les idées
art de faire chanter les plantes
sauvages en marge
de l’autoroute
moteur blanc
âme maussade
un vers un végétal
articulations sans ligaments
il y a un point à l’horizon
qui ne dit pas son nom
je suis perdu
peut-être
mais il y a quelque chose
de plus que ce là-là
j’ai beau revenir
sur mes pas
j’avance
spirale du labyrinthe
géométrie sans destin
ou un
que je ne comprends pas
partout autour
de moi
il y a des hommes
insulte aux lèvres
qu’est-ce qui les pousse à être si laids ?
je les entends
qui crient
quand même je ne comprendrais pas
ce qu’ils disent
partout autour
de moi
il y a des hommes
pourquoi sont-ils
si laids ?
je regarde ailleurs
un peu plus haut
je crois
je vois des couleurs
j’entends des rêves
les morts râlent leur vie
dans les époques sombres
y en eut-il d’autres
jamais ?
je voudrais en dessiner
les peindre
mais comment faire voir
les couleurs
à un peuple de daltoniens ?
la beauté du monde
et la laideur
de l’immonde
si proches en fait
qu’elles se touchent
presque
quand tu traverses
passes de l’une à l’autre
sans hiatus
un rictus oui
trop même
plisse les yeux
ne regarde pas au-delà
mais dedans
en plein
il ne faut pas avoir peur
de la mort
de l’existence de la laideur
peut-être que non
que toute la réalité
du ciel ne s’épuise pas
ici dans cette succession
de succion réflexe
d’un phénomène par ce
qui le nie
mais il te faut quand même
traverser le pays
tout entier traverser
la vie
image immobile
où la vision
dessine le pays sans halte
l’absence de repos
herbes jaillies du creux
du bitume
dans l’amertume —
trous
folie propre à ce qui passe
image ?
non mobile
ouvert à tout
réception maximale
pas passive
pas dans les manques
où l’être fait défaut
devenir
je ne me soucie pas
de qui se suffit de gésir
humanoïdes connectés
cerveaux débranchés
végétative vie
contrainte
pas végétale
éteinte
le contraire
dans mon ouverture optimale
je suis étranger à tout
ne suis étranger à rien
en quoi l’inverse de l’inverse
m’empêcherait-elle
d’exister de croître
de n’être pas comme l’être
identique mais
de me déployer ?
opale
visage taches
de sang dans
la verdure
pays avant qu’il ne soit
calciné
parfois j’oublie
de regarder la route
je pense à autre chose
des idées de rien
la courbure du temps
de tes fesses
reflets dans le miroir
opale
image non
réel là sans
hypnose ni glose
éclair du naturel
la lumière me dis-je
trouve toujours
le bon moyen
de s’exprimer
je jette encore un regard
t’embrasse
où ai-je passé
la dernière éternité ?
est-ce que l’une appelle
quand l’autre sent
ou réciproquement ?
qui fait semblant
de jouir
les poings liés
les pieds entravés
il y a quelqu’un
qui se promène
sauf qu’il n’a pas
de nom
appels de phares
dans le rétroviseur
affaires d’hommes
pressés
histoires d’être
un peu plus
angoissé
je regarde la ligne
de démarcation
entre ici et nulle part
ou je ne sais où
c’est vrai qu’il m’arrive
souvent de faire
semblant
regarder au-delà
détourner le voir
personne ne me l’a demandé
non
c’est une habitude
façon détestable
de faire seconde nature
alors quoi ?
je ne sais pas
peut-être je devrais
me taire
ou bien dire
ça suffit
je quitte des yeux
la route
un instant
de trop
et le décor clos
devient comme
une seconde peau
pas question
de prendre
l’eau
quand vivre
est une interdiction
partout c’est
la guerre
cadastre
gerbes
aventures
sur la devanture
qui ne fabrique pas
petite boutique
son être-là véridique ?
bêtes malades
lancées à tombeau ouvert
sur l’autoroute
hystérique motocycle
mais regarde
et ose appeler cela désir
et ose appeler cela vivre
gerbes
cimes en extase
comme je dis
par antonomase
fais-moi jouir
amour
le taureau est un homme
comme les autres
et réciproquement
qui pourrait dire ce qu’il se passe
au centre du labyrinthe
au centre du moi
à moins d’y avoir mis les pieds
soi-même
et d’en être ressorti
vivant et puissant ?
fais-moi jouir
n’arrête pas
avant que j’aie rendu
mon dernier souffle
gerbes
non fleurs
les ruses fusent
à quelle vitesse va
la vérité ?
et le faux
lourdeur sans altitude
nous entraîne-t-il
nous appesantit-il
toujours un peu plus bas
toujours un peu plus las ?
je trace un cercle
avec les yeux
tout autour de moi
des astres scintillent
idées ou bien couleurs
manières de s’arrimer
au monde
et puis de défaire
tous les liens
qui peut encore
vouloir dire le vrai ?
que peut encore
vouloir dire le vrai ?
je fais un nœud
autour de mon cou
avec une langue
ou bien j’étouffe
ou bien je découvre
le bon moyen de m’exprimer
abjects objets
aux rites arides
pas d’air entre nos rythmes
frénésie du dispositif
pas de mer entre nos récifs
même les os sonnent creux
peureux
tout coule
je fixe un point blanc
un peu trop longtemps
et oublie
je revis
est-ce que je peux faire semblant
que je suis là
que je participe
et m’absenter
en revanche de cette réalité
bonne qu’à me haïr
et la détester en réponse ?
est-ce que je peux m’absenter
derrière le cache
des apparences
donner le change
à qui le veut
et trouver ailleurs
une ombre de paix ?
je ferme les yeux
les oreilles non
sons diffus dans l’atmosphère
souffles d’air
mélanges qui ne laissent pas d’être
étranges
entre un moteur à explosion
et le chant d’un oiseau
(espèce invasive)
et moi ?
il n’y a pas de mais
je ne le retiens pas
garde mon souffle
aucune parole ne sort
de ma bouche
apnée de l’oreille
idem
à force de tout entendre
on n’écoute plus rien
ou l’inverse
je ne sais pas très bien
je contemple la grisaille
du temps et du temps
toute l’eau du monde
dégouline sur mes pieds
nus
je compte les gouttes
une à une et très vite
très vite ne sais plus
combien
des milliards probables
partout sur la terre
déluge et sécheresse
vivre cette contradiction
n’est-ce pas faire
l’expérience d’être vivant ?
peut-être bien ou alors non
je ne dis rien
n’est-ce pas certain de toute façon
qu’il n’y a personne
personne pour m’entendre
non plus ?
si je m’arrête
est-ce que je meurs ou bien est-ce que
je flotte sans contraintes
sans contraires
autres que l’allure immobile
que je ferais mienne ?
si je m’arrête est-ce que le vent
va me souffler
dans le lointain ?
deviendrais-je nuage
léger comme un peu
de fumée ?
si je m’arrêtais
qui deviendrais-je
au repos volontaire sinon
une image figée
chose par son absence de force ?
où est le principe de mon mouvement
dans l’air du temps ?
je ne vais pas m’arrêter
la poitrine légère
les yeux dans le néant
je vais continuer
qui peut m’arrêter ?
entre les orteils
des continents
inexplorés —
pourquoi ai-je pensé
cette phrase ?
pourquoi me la suis-je
dite à moi-même
et pourquoi l’ai-je
écrite ?
à force de marcher
peut-être
toujours question d’avancer
mais pour aller où ?
cela qui le sait
qui le sait
sinon mes pieds ?
partout où
il y avait une beauté
une beauté possible
un pas en avant
dans le désert
il y a le nom
d’une marque
et elle a un prix
affiché grand
c’est la vie
partout où
il pouvait y avoir une chance
d’éclaircie et de métamorphose
on l’a baptisée
réduite à un nom propre
chose lequel n’est pas le sien
mais de n’importe qui
de n’importe quoi
le nom d’une valeur
laquelle enveloppe le monde
tout autour
et une entière
jusqu’à la fin
de tout
et partout
déclare-t-on
partout
c’est la guerre
comment se mesure l’espace
entre l’espace et l’espace
le peut-il seulement ?
et quand il pleut
se dilue-t-il ?
je ne sais pas
c’est vrai que je ne sais pas
si c’est le bruit de la pluie
ou l’arrosage automatique
et par suite
quel sens donner à
l’éternel retour
si c’est la vérité des saisons
ou la fable d’un charlatan —
aussi j’écoute l’enfant
elle qui sait et me répond
sans que je l’interroge et
regardant le ciel dit-elle
tu vois quand tout sera fini
tout reviendra
tout redeviendra ruines
et les égyptiens et les grecs
et toi alors
et toi aussi mon amour ?
oui
et tout
à l’infini
vieille
comme une âme sans âge
à qui parler sinon
autant se taire non ?
mon nihilisme a des accents
rageurs
comment sauver le monde
et le faut-il seulement ?
tout le monde a quelque chose
à dire ou réclamer ou revendiquer
une morale à faire à l’autre
seul mode d’affaire à tous
une haine des siècles rentrée
en chacun
et qui surgit soudain
personne ne sent plus heureux
certains plus légers
cependant
la tête en moins
qui a roulé au loin
casanova dans la préface à l’histoire de sa vie
ironise ainsi
vive la république
il est impossible
qu’un corps sans tête
fasse des folies
hier comme aujourd’hui
comment pense
qui n’a pas l’esprit ?
soi-même comme
une langue étrangère
soi-même dans
une langue étrangère
s’épuiser dans l’amour
et puis ne plus rien comprendre
les agents agissent
et moi la bouche bée béate
est-ce que j’essaie de savoir
ou simplement de survivre ?
les agents agissent
qu’ont-ils d’autre à faire ?
exister n’est pas une raison d’être
de continuer
faire semblant non plus
on joue à vivre mais
au fond c’est le grand
mensonge
quiconque
croit tenir une idée
s’imagine en devoir de l’exprimer
il y a tant d’essences
et si peu d’air
à respirer
combien
combien de temps
encore
à expirer ?
je renie tous les poèmes
aussi bien que tout
tout ce que j’aime
j’annule les rendez-vous
avec moi-même l’être
et son destin
je me fabrique des chevaux
de bataille
en haut desquels se jucheront
des nains
ivres et hagards
j’habite des idéaux bâtards
là-haut tout en haut de la montagne
froide et hostile
où se sont réfugiés
les dieux objets
de nos désirs objets
de nos haines de sujets
ils ont peur de nous
et de nos sirènes hurlantes
elles qui déchirent la nuit
moteurs à trop de temps
explosions nocturnes
allumés pour détruire la nuit
la première nuit de l’été
fraîche et de chair
ce matin
n’avais-je pas entendu
une cigale enfin ?
insecte au lyrisme spontané
pour qui ignore désormais
pourquoi il est
pour quoi il est
né
ciel rouge
sanguine clandestin
je décèle dans des lignes imaginaires
l’ironie la guette
qui décille
cris d’oiseaux
ou bien de l’enfant
il y a un intrus
dans la maison
le sommeil pleure
que faire ?
le réel est une machination
en plein rêve
tremblement de terre
ou la mer échoue
déjoue
nos stratagèmes
vulgaires
quelque part il y a quelqu’un
qui réussit mais
ce n’est pas moi ce n’est pas moi
il faut écrire pour dépasser
la rature
ou l’inventer c’est-à-dire
quand le ciel rouge
se couvre de nuages
digitaux
bites en bas lourds
et que la bêtise est
notre unique destin
sueur sur la joue
gouttes
les cheveux dans la bouche
goûte
j’imagine le ciel
sans le regarder
mais je ne me le représente pas
non
je le laisse exister
comme j’aimerais
je crois
qu’on me laissât
exister
et l’apparition d’un temps
désuet
impropre certainement
de quoi est-elle l’effet
de la chaleur
ou de son ridicule
qu’on appelle canicule ?
sueur sur la joue
et jusques en la bouche
je la goûte
salée
façon de dire
sans doute que c’est
l’été
solitude du bleu
y entrer
faste astre du souvenir
langue réminiscente
languissante
roches dures tendues
au ciel
vivants d’hier
il y a dix mille mille ans
femmes et hommes
couples et copules
la phrase un sexe
et le lien liquide
bruns corps de soleil
sur la pierre blanche
sentence lapidaire
éblouissante
tous nos rites sont barbares
impavides les plantes
et lors le vide
des fleurs jaunes
capitulent
parfum capiteux
de l’authenticité
tous les arguments sont
captieux
rien ne vaut la paix
de l’âme
imaginations en forme
de mascarades
c’est vrai
quand on y pense
que la vie mérite mieux
que ça
mais qui pense
qui ne fait pas semblant
qui désire encore
l’anéantissement ?
le soleil ne brûle pas
mais il n’y a pas d’air
dans l’air
rien que le dégagement
d’apparences lucides
claires
pour qui veut bien
les voir
une seconde de plus
en apnée
et j’atteindrai à l’apogée —
pas de style
l’esprit limpide
désert tout en nuances
la chance appartient
à qui veut bien l’ignorer
admiration du rouge
quand tout aura disparu
tache au milieu du champ
voir
d’abord les yeux fermés
brûlure à même les rétines
rétives
j’imagine des peaux claires
mais c’est la mienne
que je vois
les trottoirs sont peuplés
de sauvages
mais les urnes de même
ainsi ne fais-je jamais que passer
outre le chant
le doux nom
de démocratie
cannibalisme blême
les ténors sont de sortie
les peintres aussi
je fixe
l’immaculée macula
de l’enfant que j’espère
bien née
les femmes sont
le devenir des gommes
commençons donc
par tout
effacer
quel signe faire
quel geste de la main
avoir quelque chose à voir
ou alors rien ?
il y a toujours quelqu’un
qui fait semblant
et se refuse à garder le silence
et moi qui n’ai pas grand-chose
même pas un gramme de science
des traces peu
que je disperse
y a-t-il un monde
au coin duquel
me tenir
ou bien tout ceci n’est-il jamais que
la répétition
d’un drame antique
et profond
auquel cependant
faute de sens et par la nôtre
nous n’entendons
que du souffle
une langue étrangère ?
même pas —
que du vent —
n’est-il pas semblable
à cela notre destin ?
d’une intelligence certaine
mais que nous ne saisissons pas
et d’espaces désirables
dans le temps de notre vie
ne restent qu’échos
lointains
la certitude de la défaite
qui ne vaut pas
mieux que de la victoire
je forme des phrases certes
avec des mots que personne
n’entend et les phrases dites
de même
aphones et profanées
mais pas assez
non il faut croire
pas assez pour me faire en silence
une promesse à moi-même
de n’écrire plus jamais
que la formule
ultime qui résoudra tout
en une cadence parfaite
sans nulle autre au-delà
le dernier aphorisme
j’écris des poèmes
je trace des figures
dans le ciel
que personne ne voit
que personne ne regarde
en bas que du bruit
pourquoi hésiterais-je
à exister ?
pas de halte
ailleurs qu’ici
je regarde le bout de mes doigts
quelque chose brille
il y a toujours un sens
à découvrir ou inventer
une mémoire à fabriquer
rien n’est donné
de bon tu sais
que les mensonges
et les assassinats
rien n’est donné
d’aimable tu sais
que les haines séculières
vengeresses
tout le monde s’entreregarde
mais personne n’a la moindre idée
de quand il faudra
arrêter
qu’affaires
doxa du monde mien
les œuvres de l’esprit
dicte
en lettres capitales
le catéchisme de l’époque
les œuvres de l’esprit
ne changeront plus le cours
du monde
plus rien à faire dès lors
que nous abandonner
dans la consomption de nous-mêmes
dans l’admiration de nous-mêmes
sorte de destruction
en miroir des mythes anciens
sur quoi s’écrasent
désormais les langues
pesantes
mortes avant d’avoir existé
éternité précaire
soliloque de chacun
et personne pour tous
nous fabriquons du divers
insensible et sans lendemain
ce n’est pas que je pleure
non
c’est que je m’ennuie
et partout
c’est la guerre
je préfère moins faire
attendre
gratter une surface
molle
on rit des heures frivoles
mais qui sait quand
elles s’arrêtent
et rond
j’attends
est-ce que je sens quelque chose ?
une différence
l’aspect louche
d’une vérité première
je pourrais regarder
ailleurs
faire un pas de côté
si seulement je savais
pour quoi nous sommes
nés
les autres les gens
tous ceux-là
que je ne comprends
pas préfèrent encore
s’enterrer
je ne suis pas là
pour les juger
mais une vie pareille
qui pourrait seulement
la désirer ?
le destin est aveugle
non pire
il est muet
reflets dans la baie
vitrée
le monde voit double
grande roue ensanglantée
des âmes vivantes
encore un peu si peu qui peut
faire semblant d’aimer
les choses telles qu’elles sont
mais quelles choses sont
telles qu’elles sont ?
la roue tourne
c’est l’évidence sur elle-même
qui pourrait nier que tout
revient
mais il suffirait de couper le courant
l’électricité
pour que l’éternité
ne se résume enfin
qu’à ce qu’elle est
une manière un peu simple
un peu vulgaire
d’ignorer la fin
tel que je le vois
moi
l’univers clignote
et ce n’est pas
loin de là
pour son plus grand bien
la fin de christophe colomb
fallait-il laisser notre conscience
politique à d’autres ?
échos dans la mort
héros le silence
bulles d’échec
de vérité de science
silencieux
le mâle zêta
au-dessus contemple
les faillites du vivant
oh oui bien sûr je pourrais
croire n’importe quoi et
faire croire n’importe quoi
le visage des choses
change
avec le maquillage
je me souviens
d’une marche
que nous avions faite
ensemble
vers le sommet
le monde en effet
paraissait plus petit
au retour pourtant
rien n’avait changé
mais nous faisons
si bien semblant
que le mouvement
semble réel et
son absence suspecte
moi je me tais
et patiente
en attendant
la prochaine excursion
peu d’astres
dans le ciel
mais des satellites
giratoires grégaires
histoire de faciliter
la vie sur terre
le ciel est un trou
béant si on le fixe
longtemps on voit l’infini
dedans il paraît
qui n’a pas les yeux
épuisés de scrutation
de sensations ?
répertoire des formes fixes
quand tout est en mouvement
même si l’on voulait
s’arrêter
on échouerait d’une chute passable
il n’y a plus de repos
passé le premier élan
pas de théories —
des avancées
dans le noir
apprends à contempler le mal
en silence